Bagnolet, paisible commune de Seine-Saint-Denis. Mais derrière les façades colorées des immeubles se cache une réalité bien plus sombre. Dimanche dernier, un homme de 30 ans y a été froidement abattu en pleine rue, vraisemblablement sur fond de trafic de drogue. Un meurtre de plus dans ce département gangréné par les violences liées aux stupéfiants. L’occasion de plonger au cœur de ce fléau qui ronge les banlieues et met en péril tout un pan de la société.
La Capsulerie, plaque tournante du trafic
C’est au pied de la cité de la Capsulerie qu’a eu lieu le drame. Un quartier tristement réputé pour abriter le point de deal le plus rémunérateur d’Île-de-France. Chaque jour, des centaines de “clients” affluent pour s’approvisionner en résine de cannabis, cocaïne, crack, ecstasy… Un juteux business qui rapporterait entre 50 000 et 80 000 euros quotidiens à ses têtes pensantes.
Dans ce microcosme où la loi du plus fort règne en maître, les règlements de compte sont légion. L’omerta est de mise. Les habitants, pris en otage, n’osent plus sortir de chez eux. “On vit dans la peur permanente”, confie une riveraine sous couvert d’anonymat. “Dès la tombée de la nuit, on s’enferme. Les coups de feu, les cris, c’est notre quotidien.” Un enfer auquel les pouvoirs publics peinent à mettre un terme.
Un chiffre d’affaires colossal
Car le trafic de drogue est devenu un véritable fléau national. Selon un récent rapport du Sénat, son chiffre d’affaires oscillerait entre 3 et 6 milliards d’euros par an. Une manne financière colossale qui irrigue une économie souterraine tentaculaire, animée par de puissants réseaux mafieux. Face à cet ennemi protéiforme, la réponse pénale semble bien faible.
La France est devenue une véritable “startup nation” de la drogue, avec une multiplication des points de deal sur tout le territoire.
Bruno Studer, président de la Commission d’enquête sénatoriale
Selon les estimations, il y aurait plus de 3 000 lieux de revente rien qu’en Île-de-France. Dans ces supermarchés à ciel ouvert, la concurrence est rude et la violence omniprésente. Une spirale infernale qui transforme certains quartiers en zones de non-droit et met en danger la vie de milliers de jeunes.
L’impuissance des autorités
Malgré les coups de filet réguliers et les saisies records, le trafic prospère. Les dealeurs rivalisent d’ingéniosité pour échapper aux forces de l’ordre, usant de techniques toujours plus élaborées :
- Guetteurs équipés de talkies-walkies
- Caches enterrées dans des parkings
- Livraisons à domicile via les réseaux sociaux
- Nourrissons utilisés pour transporter la drogue
Face à cette inventivité diabolique, la police semble désarmée. “Dès qu’on démantèle un réseau, un autre prend le relais dans la foulée”, déplore un enquêteur. “C’est un combat sans fin”. Un aveu d’impuissance que les riverains ont du mal à entendre.
L’urgence d’une réponse globale
Pour endiguer cette lame de fond, il est urgent d’apporter une réponse à la fois sécuritaire, sanitaire et sociale. Renforcer la présence policière ne suffira pas. Il faut aussi donner des perspectives aux jeunes des cités, leur offrir un avenir autre que celui de petite main du trafic.
“La lutte contre ce fléau doit devenir une priorité nationale”, martèle un éducateur. “On ne peut plus fermer les yeux et laisser pourrir la situation. Il en va de la cohésion de notre société”. Un combat de longue haleine qui nécessitera une mobilisation de tous les acteurs. Mais il y a urgence. Comme le prouve le drame de Bagnolet, chaque jour perdu est un jour de trop.