En cette fin de semaine, tous les regards sont tournés vers le Poitou, où une nouvelle mobilisation d’ampleur des opposants aux « mégabassines » est attendue. Mais au-delà des revendications légitimes sur le partage de l’eau, ce sont surtout les risques de débordements violents qui inquiètent les autorités. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin ne cache pas son appréhension, craignant la présence de groupes radicaux déterminés à en découdre.
Un rassemblement sous haute tension
D’ici à dimanche, ce sont entre 6000 et 8000 manifestants qui sont attendus au « Village de l’eau », un campement installé à Melle dans les Deux-Sèvres. Parmi eux, un noyau dur d’environ un millier de personnes « extrêmement violentes », selon les mots du ministre. Des activistes prêts à s’en prendre aux forces de l’ordre, comme ce fut le cas en mars dernier à Sainte-Soline, théâtre de violents affrontements ayant fait de nombreux blessés dans les deux camps.
Pour tenter d’éviter un scénario similaire, la préfecture a prononcé des interdictions d’entrée sur le territoire pour plus d’une centaine de militants d’ultragauche venant de pays européens voisins. Les gendarmes ont également multiplié les contrôles aux abords du site, avec palpation et fouille des sacs des passants et automobilistes. Mais malgré ce dispositif conséquent, le sentiment d’un affrontement inévitable semble dominer.
Deux visions de l’eau qui s’opposent
Car au-delà des risques sécuritaires, ce sont bien deux visions antagonistes de la gestion de l’eau qui s’affrontent. D’un côté, les partisans des retenues, qui y voient un moyen d’adapter l’agriculture au dérèglement climatique et de sécuriser l’irrigation en période de sécheresse. De l’autre, les opposants qui dénoncent un accaparement de la ressource au profit d’une agriculture productiviste et de l’agro-industrie.
Les mégabassines sont un non-sens écologique et une fuite en avant. Il faut repenser complètement notre modèle agricole et la place de l’eau dans nos territoires.
– Justine, militante anti-bassines
Un clivage qui semble irréconciliable et qui polarise les territoires ruraux autour de la question de l’eau. Les agriculteurs se disent excédés par les actions coup de poing des militants écologistes, qui n’hésitent pas à dégrader du matériel ou à s’en prendre physiquement à eux. De leur côté, les opposants accusent l’État et les chambres d’agriculture de soutenir aveuglément un système à bout de souffle.
Vers une montée inexorable des tensions ?
Dans ce climat délétère, difficile d’imaginer une issue apaisée au conflit. Chaque camp semble se radicaliser, rendant le dialogue de plus en plus ardu. Les tentatives de concertation initiées par les préfectures n’ont pour l’instant pas permis de ramener la sérénité, et les positions semblent se durcir de jour en jour.
Face à cette situation explosive, les autorités craignent une escalade de la violence qui pourrait faire des victimes. Et au-delà des dégâts matériels et humains, c’est la fracture entre monde agricole et défenseurs de l’environnement qui risque de s’agrandir, rendant toujours plus difficile l’émergence de solutions partagées pour une gestion durable et équitable de l’eau.
Les mobilisations anti-bassines dans le Poitou cristallisent ainsi un malaise plus profond, celui d’une ruralité en crise, tiraillée entre impératifs économiques et urgence écologique. Un nœud gordien que les pouvoirs publics peinent à trancher, tant les intérêts divergents semblent inconciliables. Et pendant ce temps, la colère gronde et la violence menace, faisant planer le spectre d’un embrasement incontrôlable. Les manifestations à venir seront donc scrutées avec inquiétude, dans l’espoir qu’elles ne virent pas au drame.