La France traverse une période de turbulences politiques sans précédent suite aux élections législatives qui n’ont pas dégagé de majorité claire à l’Assemblée nationale. Le pays se retrouve dans une situation inédite sous la Vème République, avec un paysage politique éclaté et des institutions paralysées. Quelles sont les issues possibles pour sortir de cette crise ? Décryptage.
Un paysage politique fragmenté
Les élections législatives ont livré un verdict sans appel : aucun parti ou coalition ne dispose de la majorité absolue des sièges au Palais Bourbon. La coalition présidentielle Ensemble ! arrive en tête mais loin de la majorité, talonnée par la Nupes et ses alliés de gauche. Les Républicains limitent la casse et pourraient jouer les faiseurs de roi, tandis que le Rassemblement national réalise une percée historique.
Face à cette fragmentation inédite, l’exécutif se retrouve en grande difficulté pour gouverner. Le constitutionnaliste Dominique Chagnollaud évoque même un rapprochement avec la situation politique belge, où le roi doit rester neutre, plutôt qu’un retour à l’instabilité de la IVème République.
Un gouvernement des affaires courantes qui s’éternise
Après la dissolution surprise de l’Assemblée par Emmanuel Macron, la coutume aurait voulu que le gouvernement d’Élisabeth Borne démissionne pour n’expédier que les affaires courantes, le temps de former une nouvelle équipe. Mais face au chaos post-électoral, le président a demandé à ses ministres de rester en poste pour “assurer la stabilité des institutions”, une décision jugée ubuesque par certains commentateurs.
Un gouvernement des affaires courantes n’est pas fait pour durer.
Dominique Chagnollaud, constitutionnaliste
Selon Dominique Chagnollaud, Emmanuel Macron “devrait accepter la démission d’Élisabeth Borne avant le 18 juillet”, date de la prochaine session extraordinaire du Parlement. L’exécutif serait alors contraint de chercher une nouvelle majorité ou de convoquer de nouvelles élections, avec le risque d’un vote sanction.
Quelles coalitions pour sortir de l’impasse ?
Sans majorité absolue, le président devra nouer des alliances s’il veut éviter la paralysie. Plusieurs scénarios sont sur la table :
- Une grande coalition allant de la gauche non-mélenchoniste à la droite, en passant par la macronie. Mais les divergences idéologiques rendent ce scénario improbable.
- Un pacte de gouvernement entre la macronie et Les Républicains, ces derniers étant courtisés pour faire pencher la balance. Des discussions sont en cours mais rien n’est acté.
- Un gouvernement minoritaire qui devra négocier des majorités au cas par cas sur ses projets de loi, avec le risque de blocages à répétition.
Une chose est sûre, les prochains jours s’annoncent décisifs pour l’avenir politique du pays. D’intenses tractations vont avoir lieu en coulisses pour tenter de bâtir une majorité de projet ou de circonstance. Faute d’accord, c’est le spectre d’une dissolution et d’un retour aux urnes qui se profile.
Vers une réforme des institutions ?
Au-delà de l’imbroglio politique actuel, cette séquence électorale inédite questionne le fonctionnement de nos institutions. Beaucoup y voient la preuve que la Vème République est à bout de souffle et qu’une réforme d’ampleur est nécessaire pour moderniser notre démocratie.
Parmi les pistes évoquées : l’introduction d’une dose de proportionnelle pour mieux refléter la diversité politique, un renforcement du Parlement face à un exécutif tout puissant, voire un passage à un régime présidentiel à l’américaine. Des débats qui ne manqueront pas d’animer la prochaine législature.
Une situation politique inédite qui ouvre une période d’incertitude pour le pays. Emmanuel Macron joue son quinquennat dans sa capacité à rassembler au-delà de son camp ou à retourner devant les électeurs. Les prochaines semaines s’annoncent décisives pour l’avenir de nos institutions et de notre vie démocratique.