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Relaxe d’une étudiante pour son tweet polémique

Surprise au tribunal : une étudiante relaxée malgré un tweet incendiaire appelant à "brûler tous les keufs" après la mort de Nahel. Les juges y voient davantage un "cri de révolte" qu'une réelle incitation à la violence. Une décision qui fait débat sur...

Le décès tragique de Nahel, 17 ans, tué par un policier le 27 juin 2023, a enflammé les réseaux sociaux et déclenché une vague d’émeutes urbaines. Au cœur de ce tumulte, le tweet d’une étudiante appelant à “brûler tous les keufs” a fait polémique. Poursuivie en justice, la jeune femme vient pourtant d’être relaxée par le tribunal, suscitant l’étonnement et ravivant le débat sur les limites de la liberté d’expression.

Propos “inappropriés” mais pas d’incitation directe à la violence

Âgée de 23 ans et au casier judiciaire vierge, l’étudiante avait repartagé le 1er juillet une vidéo montrant une interpellation musclée, en commentant : “La manière dont il lui ébouriffe les cheveux et lui fout une tape au visage ça me rend folle […] brûlez tous les keufs“. Si le tribunal a jugé ces termes “tout à fait inappropriés”, il a estimé qu’ils ne pouvaient être interprétés littéralement et constituaient davantage un “cri de révolte” et “l’expression symbolique du rejet d’une police ayant recours à des actes violents”.

Aucun lecteur moyennement avisé ne pouvait déduire de son tweet une incitation directe à s’en prendre aux forces de l’ordre.

– Jugement du tribunal, 2 juillet 2024

Une enquête “disproportionnée” selon la défense

Suite à un signalement anonyme, le tweet de l’étudiante, malgré ses seulement 13 partages et 41 “likes”, avait déclenché l’ouverture d’une enquête. Un mois plus tard, la jeune femme était interpellée et placée en garde à vue, les enquêteurs se rendant même sur son lieu de stage. Des mesures jugées “disproportionnées” par son avocat, Maître Raphaël Kempf.

Critiques radicales autorisées en démocratie

Pour l’avocat, en démocratie, la liberté d’expression doit permettre d’exprimer “des critiques radicales” sans “faire l’objet d’une sanction pénale”. Il s’est félicité que le tribunal “protège la liberté d’expression” avec cette relaxe. La procureure avait pourtant requis une condamnation, insistant sur le fait que “peu importe de qui proviennent” ce type de messages, “ce qui est important, c’est qui peut les recevoir dans une phase insurrectionnelle”.

Dupond-Moretti s’interroge sur une “instrumentalisation”

Cette affaire intervient alors que le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a exprimé son malaise face à la cagnotte de soutien à la famille du policier ayant tué Nahel, estimant qu’elle “ne va pas dans le sens de l’apaisement”. Il s’est interrogé sur une possible “instrumentalisation” derrière cette initiative très médiatisée.

Un jugement qui ne fait pas l’unanimité

La relaxe de l’étudiante est loin de faire consensus. Certains y voient un signal préoccupant, craignant que cela encourage la banalisation de propos haineux envers les forces de l’ordre. D’autres saluent une décision garantissant le droit à une parole contestataire, même provocatrice, tant qu’elle ne franchit pas la ligne rouge de l’incitation directe à la violence.

La frontière est ténue entre une critique acerbe, une provocation verbale et un véritable appel à s’en prendre physiquement aux policiers.

– Un avocat pénaliste

Un débat symptomatique des fractures de la société

Cette affaire cristallise les tensions qui traversent la société française. Entre colère des quartiers populaires face aux violences policières, exaspération des forces de l’ordre se sentant injustement diabolisées, et clivages politiques exacerbés, le chemin vers l’apaisement semble encore long et semé d’embûches.

Au-delà du cas individuel de cette étudiante, c’est toute la question de l’expression des ressentiments, des révoltes, et de leur potentielle récupération qui est posée. Un défi majeur pour notre démocratie, sommée de faire preuve de fermeté face aux dérives tout en veillant à ne pas museler les voix contestataires. L’équilibre est fragile, comme l’illustre ce jugement atypique et assurément polémique.

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