C’est un jugement sans précédent qui risque de faire date dans les relations tumultueuses entre les États-Unis et l’Iran. Ce jeudi 12 juillet, un tribunal de Téhéran a condamné Washington à verser la somme astronomique de 6,785 milliards de dollars de dommages et intérêts à l’Iran. Le motif ? Les sanctions américaines imposées à la République islamique auraient gravement affecté des patients iraniens atteints d’une maladie de peau rarissime, l’épidermolyse bulleuse.
Des sanctions accusées d’avoir tué une vingtaine de malades
En 2018, le président Trump avait retiré unilatéralement les États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, rétablissant de lourdes sanctions économiques contre Téhéran. Des mesures qui, selon la justice iranienne, ont privé les patients atteints d’épidermolyse bulleuse d’accès à des médicaments vitaux, causant la mort d’une vingtaine d’entre eux.
Les sanctions inhumaines des États-Unis ont directement mis en danger la vie de nos citoyens les plus vulnérables.
– Un porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères
L’épidermolyse bulleuse est une maladie génétique rare qui rend la peau extrêmement fragile, provoquant des lésions douloureuses au moindre frottement. Sans traitement adapté, elle peut entraîner infections, déformations et un risque vital. Or, les médicaments nécessaires sont pour la plupart produits aux États-Unis ou par des laboratoires travaillant avec des entreprises américaines, et donc soumis aux sanctions.
Un procès symbolique à Téhéran
Fin 2021, 295 patients et familles avaient porté plainte à Téhéran contre 30 responsables américains, dont Donald Trump, les accusant d’avoir délibérément mis leur vie en danger en leur coupant l’accès aux traitements. Après examen, le tribunal international de Téhéran leur a donc donné raison, infligeant à Washington cette amende record au titre du préjudice subi.
Si le jugement a peu de chances d’être reconnu et appliqué par les États-Unis, il revêt une forte portée symbolique dans le bras de fer qui oppose les deux pays. Téhéran entend démontrer que les sanctions américaines, présentées par Washington comme ciblant le régime, frappent en réalité la population iranienne de façon indiscriminée et cruelle.
Washington déjà condamné dans d’autres affaires
Ce n’est pas la première fois que la justice iranienne condamne les États-Unis ces dernières années:
- En 2020, pour l’assassinat du général Soleimani en Irak
- En 2023, confiscation d’un pétrolier en représailles aux sanctions
- Plusieurs plaintes de particuliers ou d’entreprises pour les dommages causés par les mesures américaines
Reste à savoir comment l’Iran compte obtenir le versement des dommages et intérêts. En mars dernier, Téhéran avait évoqué la confiscation d’avoirs américains, mais la faisabilité semble limitée. Certains évoquent un possible impact sur les négociations en cours pour sauver l’accord sur le nucléaire. Une chose est sûre, cette décision spectaculaire ne manquera pas de raviver les tensions entre les deux ennemis.
Des ONG dénoncent l’impact humanitaire des sanctions
Au-delà de ce dossier, de nombreuses ONG et experts internationaux critiquent depuis longtemps l’impact humanitaire disproportionné des sanctions économiques, qui privent souvent les populations des biens les plus essentiels :
En voulant faire plier les régimes, ce sont les citoyens ordinaires que l’on affame et que l’on prive de médicaments. Il est temps de repenser urgemment l’usage des sanctions qui s’apparentent trop souvent à des punitions collectives.
– Un rapport d’Amnesty International
Un constat partagé en Iran, où le sentiment anti-américain ne cesse de monter face à ce qui est vécu comme une agression injuste. Avec ce jugement, Téhéran espère faire condamner cette politique sur la scène internationale. Même si les milliards promis ne sont jamais versés, le message est clair : l’Iran compte bien riposter avec ses armes, y compris légales, dans son duel à distance avec “le Grand Satan” américain.