Les élections législatives de 2024 ont accouché d’une Assemblée nationale sans majorité absolue, un scénario inédit sous la Ve République. Cette nouvelle donne politique met en lumière une tension entre deux logiques institutionnelles : la logique majoritaire, inscrite dans l’ADN de nos institutions, et la logique de coalition, qui prévaut dans de nombreuses démocraties. Alors, la France est-elle à un tournant de son histoire politique ?
Une Assemblée à la proportionnelle
Premier constat : la composition de la nouvelle Assemblée donne des airs de scrutin proportionnel. Aucun parti ne dispose de la majorité absolue et les rapports de force entre groupes politiques sont plus équilibrés que jamais. Une situation qui tranche avec l’habituelle domination d’un camp, fruit de notre mode de scrutin majoritaire.
Face à cette fragmentation, certains évoquent la nécessité de passer à une logique de coalition, sur le modèle d’autres démocraties européennes. L’idée ? Bâtir des alliances politiques trans-partisanes, de la gauche radicale à la droite modérée, pour dégager des majorités de circonstance.
Le pari risqué des coalitions
Mais attention, la logique de coalition n’est pas sans risques. Elle suppose des compromis idéologiques et des renoncements programmatiques qui peuvent s’avérer contre-productifs. Sans parler du sentiment de trahison que peuvent ressentir les électeurs, déroutés par ces alliances contre-nature.
Le problème, c’est que l’architecture gouvernementale résulte du mode de scrutin.
– Guillaume Tabard, éditorialiste
Car c’est bien là le nœud du problème : notre architecture institutionnelle a été pensée pour un scrutin majoritaire, pas pour un régime de coalition. Le pouvoir est verticalisé, concentré entre les mains du président et de sa majorité, dans un schéma qui laisse peu de place aux compromis partisans.
Repenser nos institutions ?
Dès lors, deux options s’offrent à nous. Soit on fait le pari des coalitions gouvernementales, au risque de déstabiliser le régime. Soit on repense en profondeur notre système institutionnel pour l’adapter à une nouvelle donne politique. Une réforme des modes de scrutin ? Un rééquilibrage des pouvoirs ? Les chantiers ne manquent pas pour moderniser la Ve République.
Une chose est sûre : le paysage politique issu des législatives bouscule nos certitudes institutionnelles. La logique majoritaire et la logique de coalition apparaissent aujourd’hui antinomiques. Il nous faut trancher, en gardant à l’esprit les fondamentaux de notre démocratie. Stabilité, lisibilité, efficacité : c’est à l’aune de ces principes qu’il nous faudra penser l’avenir de nos institutions.