En Russie, la liberté d’expression des artistes est plus que jamais menacée. Lundi, la metteuse en scène Evguénia Berkovitch, 39 ans, et la dramaturge Svetlana Petriïtchouk, 44 ans, ont été condamnées à six ans de prison ferme par un tribunal de Moscou. Leur crime ? Avoir monté en 2020 la pièce Finist, le clair faucon, accusée par les autorités d'”apologie du terrorisme”.
Un spectacle engagé dans le collimateur du pouvoir
Réputées dans le milieu du théâtre russe, Evguénia Berkovitch et Svetlana Petriïtchouk ont vu leur destin basculer en mai 2023, lorsqu’elles ont été arrêtées et incarcérées. Mais l’origine de leurs déboires remonte à 2020, avec la création de leur pièce Finist, le clair faucon.
Ce spectacle racontait l’histoire de femmes russes entrées en contact sur internet avec des islamistes en Syrie et partant les rejoindre pour les épouser. Un sujet sensible qui n’a pas plu au pouvoir. Pour les autorités, il s’agissait ni plus ni moins que d’une “apologie du terrorisme”.
Les accusations sont totalement absurdes dans le cadre d’un procès inéquitable et constituent des représailles flagrantes.
– Human Rights Watch
Une prise de position contre la guerre en Ukraine
Beaucoup estiment que l’arrestation d’Evguénia Berkovitch est aussi liée à son engagement contre l’offensive russe en Ukraine. Avant son incarcération, la metteuse en scène avait publiquement dénoncé la guerre, notamment en publiant des poèmes. Un acte de dissidence qui a sans doute déplu en haut lieu.
Lors du Festival de Cannes en mai dernier, le metteur en scène russe Kirill Serebrennikov avait dénoncé un emprisonnement injustifié:
Elles n’ont absolument rien fait de mal, elles ont juste monté un spectacle et ça fait déjà un an qu’elles sont en prison.
– Kirill Serebrennikov
Un combat qui continue malgré les barreaux
Depuis sa cellule, Evguénia Berkovitch ne baisse pas les bras. Dans une lettre publiée sur les réseaux sociaux, elle promet de poursuivre son combat:
On continuera à se battre. La vie n’est pas terminée. La prison n’est pas une tombe. Tout est infini jusqu’à ce que ce soit fini.
– Evguénia Berkovitch
Pour sa part, Svetlana Petriïtchouk a qualifié le procès de “plus grande absurdité jamais vue dans la vie comme dans l’art”. Les deux artistes espèrent désormais une réduction de peine, voire une annulation du verdict en appel. Mais dans une Russie où la répression frappe tous les esprits libres, rien n’est moins sûr…
Cette affaire illustre la censure grandissante qui s’abat sur le milieu culturel russe depuis le début de la guerre en Ukraine. Sommés de se plier au discours patriotique et militariste du Kremlin, les artistes russes voient leur liberté de création de plus en plus menacée.
Face à cette situation alarmante, la communauté internationale se mobilise. De nombreuses organisations de défense des droits humains dénoncent ces atteintes à la liberté d’expression et appellent à la libération immédiate des deux artistes emprisonnées.
Evguénia Berkovitch et Svetlana Petriïtchouk sont devenues malgré elles les symboles d’une Russie qui étouffe les voix dissidentes. Leur sort est plus que jamais entre les mains d’un pouvoir qui ne tolère aucune critique. Mais leur courage et leur détermination forcent le respect et l’admiration. Même derrière les barreaux, elles continuent de se battre pour leur art et leurs convictions.