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Le Débat sur la Décolonisation des Musées en Espagne Fait Rage

En Espagne, le projet de décolonisation des collections muséales par le gouvernement crée une vive polémique. Des experts divisés, des conservateurs remontés... Retour sur un débat brûlant qui interroge notre rapport à l'histoire et à la représentation culturelle.

En Espagne, un débat houleux agite le monde de la culture. Le gouvernement a lancé un ambitieux projet visant à décoloniser les collections des musées du pays. L’objectif ? Renouveler le regard porté sur ces œuvres et artefacts, en intégrant davantage les perspectives des populations locales et la diversité culturelle. Mais cette initiative ne fait pas l’unanimité, cristallisant les tensions entre progressistes et conservateurs.

Un vent de changement souffle sur les musées espagnols

Sous l’impulsion du ministère de la Culture, douze experts ont été missionnés pour repenser les expositions permanentes du Musée de l’Anthropologie et du Musée des Amériques, situés à Madrid. Leur mission : formuler des propositions pour moderniser la muséographie et le discours proposé aux visiteurs, en phase avec les recommandations du Comité International des Musées (ICOM).

Ces spécialistes, décrits comme des pointures dans les domaines de l’art racialisé, féministe, colonial et queer, doivent plancher sur de nouveaux concepts, scénarios et sélections d’objets. Leur rapport servira de base à la rénovation des expositions permanentes prévue pour 2025.

Des profils d’experts qui font polémique

Mais le casting de cette “dream team” décoloniale fait grincer des dents à droite. Des figures comme l’artiste péruvienne Sandra Gamarra, connue pour son travail rendant hommage aux cultures indigènes “éliminées du récit colonial”, sont pointées du doigt. De même, la prédominance d’experts issus de l’immigration ou porteurs “d’héritage migratoire” suscite des critiques.

Le ministère assume ses choix, estimant crucial d’inclure “tous les secteurs impliqués” et d’avoir des profils permettant une “construction plurielle” des discours. Mais les détracteurs y voient un parti-pris idéologique mettant à mal la neutralité et l’objectivité attendues d’institutions culturelles nationales.

Relire l’histoire avec les yeux d’aujourd’hui ?

Au cœur du débat : peut-on et doit-on juger les récits historiques d’hier à l’aune des valeurs contemporaines ? Pour María Soledad Cruz-Guzmán García, porte-parole culture du Parti Populaire (droite), “réviser le XVIème siècle avec les yeux du XXIème” est une erreur :

Il y a eu un métissage qui nous a rendus meilleurs. Tout ce qui ouvre un débat stérile sur la culture lui enlève de l’énergie et du budget.

María Soledad Cruz-Guzmán García, porte-parole culture du Parti Populaire

Une position partagée par le parti d’extrême-droite Vox, qui fustige “la politique culturelle woke” du gouvernement et entend défendre “l’œuvre civilisatrice de l’Espagne” durant la période coloniale. À l’inverse, les partisans d’une relecture décoloniale assument de porter un regard critique et actualisé sur ce pan controversé de l’histoire.

Vers une réforme en profondeur des musées

Au-delà de la polémique, cette initiative s’inscrit dans un mouvement plus large de remise en question des institutions muséales. Partout dans le monde, la représentation des cultures extra-occidentales et le récit proposé sur la période coloniale sont questionnés.

En Espagne, des expositions comme “La Mémoire Coloniale dans les Collections Thyssen-Bornemisza” au Musée Thyssen de Madrid illustrent cette volonté d’explorer les traces et l’héritage de l’impérialisme européen. Avec des œuvres mettant en scène l’esclavage ou des portraits de familles coloniales, le sujet s’invite peu à peu dans les salles d’exposition.

Malgré les réticences, le gouvernement semble déterminé à faire bouger les lignes et moderniser en profondeur les institutions muséales du pays. Reste à savoir jusqu’où ira cette “révolution culturelle” et comment elle sera accueillie par le public. Une chose est sûre : le débat est loin d’être clos, et ces “musées décoloniaux” risquent de faire couler encore beaucoup d’encre.

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