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Bangladesh : Alliance Explosive Entre Étudiants et Islamistes

Au Bangladesh, les leaders de la révolte étudiante qui a fait tomber Sheikh Hasina en 2024 viennent de conclure une alliance électorale avec le plus grand parti islamiste. Cette union surprenante pour les élections de février 2026 pourrait tout changer, mais inquiète les minorités. Que cache vraiment cet accord ?

Imaginez un pays en pleine effervescence, où des étudiants qui ont bravé les balles pour faire tomber un régime autoritaire décident soudain de tendre la main à des islamistes longtemps marginalisés. Cette scène, qui semble sortie d’un scénario improbable, est pourtant devenue réalité au Bangladesh.

Depuis la chute spectaculaire de Sheikh Hasina en août 2024, le paysage politique du pays se recompose à une vitesse fulgurante. Les acteurs les plus inattendus se rapprochent, et les alliances qui se forment aujourd’hui pourraient redessiner l’avenir d’une nation de 170 millions d’habitants.

Une alliance qui défie toutes les attentes

Dimanche dernier, le Jamaat-e-Islami, principale formation islamiste du pays, a officiellement annoncé avoir conclu un accord électoral avec le Parti national des citoyens (NCP), une nouvelle formation politique née directement du mouvement étudiant qui a renversé l’ancienne Première ministre.

Cet accord vise les élections législatives prévues le 12 février 2026, les premières depuis la révolution de l’année dernière. Pour le Jamaat-e-Islami, cette opportunité représente sans doute la plus grande chance d’accéder au pouvoir depuis des décennies.

Durant quinze années de régime autocratique sous Sheikh Hasina, les mouvements islamistes avaient été systématiquement réprimés. Aujourd’hui, ils reviennent en force, et cette alliance avec d’anciens étudiants contestataires marque un tournant majeur.

Les origines du Parti national des citoyens

Le NCP est né en mars 2025, quelques mois seulement après le soulèvement étudiant qui a provoqué la fuite de Sheikh Hasina. Ce parti, qui se présente comme centriste, démocratique, égalitaire et centré sur les besoins du peuple, est porté par les mêmes figures qui ont organisé les manifestations massives de 2024.

Nahid Islam, coordinateur du NCP, a expliqué que cette alliance électorale avait pour objectif principal de garantir des élections libres, équitables et véritablement compétitives. Selon lui, il s’agit avant tout d’empêcher le retour des « forces hégémoniques » qui ont dominé le pays pendant des années.

Cependant, tous les membres du NCP n’ont pas accueilli cette décision avec enthousiasme. Certains responsables ont publiquement mis en garde contre une telle alliance, estimant que les principes défendus par leur formation étaient incompatibles avec les positions traditionnelles du Jamaat-e-Islami.

Le Jamaat-e-Islami : un poids lourd en quête de légitimité

Le Jamaat-e-Islami est loin d’être un petit parti marginal. Malgré la répression dont il a fait l’objet sous le précédent gouvernement, il dispose d’une base militante solide et d’une influence réelle dans plusieurs régions du pays.

Son chef, Shafiqur Rahman, a annoncé lors d’une conférence de presse que l’alliance avec le NCP s’accompagnait également d’un accord séparé avec le petit Parti libéral-démocrate. « Nous étions huit partis dans l’alliance. Aujourd’hui, deux nouveaux partis politiques nous ont rejoints », a-t-il déclaré.

Cette coalition, dominée par des partis islamistes jusqu’alors considérés comme marginaux, semble désormais bien plus structurée et ambitieuse.

Un contexte politique encore très instable

Depuis le soulèvement de 2024, le Bangladesh traverse une période de turbulences politiques sans précédent. La chute de Sheikh Hasina a laissé un vide que plusieurs forces tentent de combler.

L’Awami League, le parti de l’ancienne Première ministre, est aujourd’hui exclu des élections. Cette exclusion laisse le champ libre au Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), qui apparaît comme le grand favori des législatives de 2026.

Dans ce paysage fragmenté, l’alliance entre le Jamaat-e-Islami et le NCP pourrait redistribuer les cartes de manière significative.

Les inquiétudes des minorités religieuses

Le Bangladesh compte une population majoritairement musulmane, mais les minorités religieuses – hindous, bouddhistes, chrétiens et musulmans soufis – représentent tout de même près de 10 % de la population.

La résurgence des groupes islamistes suscite de vives inquiétudes au sein de ces communautés. Certains courants les plus radicaux appellent ouvertement à imposer des restrictions sur des activités culturelles jugées contraires aux principes islamiques.

Parmi les cibles visées : les festivals de musique et de théâtre, ainsi que les matchs de football féminin. Ces prises de position radicales alimentent les craintes d’une dérive conservatrice dans le pays.

Quels enjeux pour les élections de février 2026 ?

Les élections législatives de février 2026 seront un test majeur pour la jeune démocratie bangladaise post-Hasina. Elles détermineront si le pays peut renouer avec une gouvernance pluraliste ou s’il risque de basculer vers un autre modèle politique.

L’alliance entre étudiants révolutionnaires et islamistes constitue une inconnue de taille. Elle pourrait permettre au Jamaat-e-Islami de sortir de sa marginalité historique, tout en offrant au NCP un soutien organisationnel précieux.

Mais elle risque également de diviser les forces progressistes et de semer la confusion chez les électeurs qui avaient soutenu le mouvement étudiant en 2024.

Un pari risqué pour les anciens contestataires

Pour les leaders du NCP, s’allier avec le Jamaat-e-Islami représente un pari extrêmement audacieux. Ils espèrent sans doute renforcer leur position face au BNP, mais au prix d’une possible perte de crédibilité auprès de leur base originelle.

Certains observateurs estiment que cette alliance pourrait être purement tactique, limitée à l’élection, sans engagement idéologique profond. D’autres y voient au contraire le signe d’un rapprochement durable entre deux courants longtemps opposés.

La réaction internationale à surveiller

Les partenaires internationaux du Bangladesh, notamment les États-Unis, l’Inde et l’Union européenne, suivent de près l’évolution de la situation politique.

L’émergence d’une coalition dominée par des partis islamistes pourrait influencer les relations diplomatiques et économiques du pays, particulièrement avec des nations sensibles aux questions de laïcité et de droits des minorités.

Vers une recomposition complète du paysage politique ?

Le Bangladesh se trouve à un carrefour historique. Les alliances qui se nouent aujourd’hui pourraient bien redéfinir les équilibres politiques pour les années à venir.

Alors que le BNP semble favori, l’entrée en scène d’une coalition associant étudiants révolutionnaires et islamistes traditionnels ouvre de nouvelles perspectives – et de nouveaux risques.

Les prochains mois seront déterminants pour savoir si cette alliance électorale se transformera en véritable projet de société ou si elle restera une simple manœuvre circonstancielle.

Une chose est sûre : le Bangladesh ne sera plus jamais le même après 2026. Les étudiants qui ont fait tomber un régime autoritaire pourraient bien, contre toute attente, contribuer à l’installation d’un nouvel ordre politique où l’islamisme joue un rôle central.

Le pays tout entier retient son souffle.

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