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Jeunesse Birmane Boude Élections Injustes de la Junte

À Rangoun, près de la pagode Sule, les bureaux de vote accueillent surtout des personnes âgées. Les jeunes, eux, brillent par leur absence lors de ces élections organisées par la junte. Pourquoi ce désintérêt massif ? Et surtout, ce scrutin changera-t-il quelque chose dans un pays plongé dans le chaos depuis cinq ans ?

Imaginez une rue habituellement animée de Rangoun, presque déserte un jour de scrutin. Seuls quelques véhicules militaires rompent le silence, et des haut-parleurs diffusent inlassablement un appel à voter. C’est l’image qui domine lors des élections législatives organisées par la junte birmane, cinq ans après le coup d’État qui a replongé le pays dans la violence.

Un scrutin boudé par la jeunesse

Près de la célèbre pagode Sule, symbole de résistance passée, les bureaux de vote accueillent principalement des personnes âgées. Des grand-mères avec leurs paniers de courses, des retraités déterminés, mais très peu de visages jeunes. Cette absence frappe les observateurs et traduit un profond désintérêt, voire un rejet clair de ce processus électoral.

Depuis le putsch militaire de 2021, des centaines de milliers de Birmans ont choisi l’exil. Parmi eux, une grande partie de la jeunesse, fuyant à la fois la conscription obligatoire et une économie en ruine. Ceux qui restent sur place se sentent souvent étrangers à cette consultation organisée par ceux-là mêmes qui ont renversé le gouvernement civil.

Des files d’attente composées surtout de seniors

Dans un bureau de vote du centre de Rangoun, un responsable local constate qu’à deux heures de la clôture, moins d’un tiers des inscrits ont accompli leur devoir civique. La plupart des votants sont des personnes âgées, souvent motivées par un sens du devoir ou l’espoir, même ténu, d’une stabilisation du pays.

Une ancienne enseignante de 74 ans, venue exprès pour voter, exprime son incompréhension face à cette faible participation. Pour elle, exercer son droit de vote reste une responsabilité citoyenne essentielle, une manière d’espérer la paix dans un pays déchiré.

« Voter est un devoir pour tous les citoyens. C’est une opportunité d’obtenir la paix dans le pays. »

Un ancien journaliste de 97 ans partage ce sentiment patriotique. Malgré son âge avancé, il tient à manifester son attachement à la nation en glissant son bulletin dans l’urne, refusant toutefois de révéler son choix.

Les raisons d’un désengagement massif

Pour les plus jeunes, la situation apparaît bien différente. Un homme d’une vingtaine d’années, préférant garder l’anonymat par crainte de représailles, explique que ses pairs refusent de cautionner ce qu’ils considèrent comme une farce politique.

Beaucoup estiment que participer reviendrait à légitimer un pouvoir obtenu par la force. Dans un contexte où la guerre civile fait rage et où l’économie s’effondre, s’impliquer dans ce scrutin semble inutile, voire dangereux.

Les observateurs internationaux qualifient d’ailleurs cette consultation de mascarade, pointant un manque criant de conditions équitables. Partis d’opposition dissous, candidats intimidés, zones entières inaccessibles en raison des combats : le tableau est sombre.

Une sécurité renforcée et des menaces latentes

Autour des bureaux de vote, l’ambiance est lourde. Fourgons de police et soldats armés circulent régulièrement, rappelant que ces élections se déroulent sous haute surveillance. Des groupes armés opposés à la junte ont publiquement menacé de cibler les lieux de vote.

Un responsable rebelle a ainsi conseillé aux citoyens de rentrer directement chez eux après avoir voté, pour leur propre sécurité. Des témoignages font état de pressions exercées sur certains électeurs, parfois sous la contrainte directe.

Ces éléments renforcent le sentiment d’illégitimité qui entoure le processus. Dans certaines régions, comme l’État Rakhine à l’ouest, où une armée ethnique contrôle presque tout le territoire, les habitants voient dans ces élections une simple tentative de la junte de se maintenir au pouvoir sous un vernis civil.

« C’est une élection injuste, organisée contre la volonté du peuple. »

Un habitant de 35 ans de cette région affirme sans détour qu’aucun changement notable n’en découlera. Pour lui, il s’agit surtout pour les militaires d’échanger leurs uniformes contre des costumes de civils, sans renoncer à leur emprise.

Un contraste saisissant avec 2020

Le contraste avec les élections de 2020 est brutal. À l’époque, la participation avait atteint environ 70 %, portée par l’espoir suscité par la Ligue nationale pour la démocratie. Aujourd’hui, les chiffres s’annoncent bien plus bas, reflétant une désillusion profonde.

La répression violente qui a suivi le coup d’État, les milliers de morts, les arrestations massives et la guerre civile ont brisé la confiance d’une grande partie de la population, particulièrement chez les jeunes générations.

Ces dernières ont été en première ligne des manifestations de 2021, affrontant balles réelles et gaz lacrymogènes. Beaucoup ont ensuite rejoint les rangs de la résistance armée ou choisi l’exil plutôt que de vivre sous un régime autoritaire.

L’exil comme alternative pour des milliers de jeunes

La fuite à l’étranger concerne surtout les hommes en âge d’être conscrits, jusqu’à 35 ans, mais aussi toutes celles et ceux qui aspirent à un avenir meilleur. Les opportunités économiques se raréfient dans un pays où l’inflation galope et les infrastructures s’effritent.

Ceux qui restent doivent souvent composer avec la peur quotidienne, les coupures d’électricité, les pénuries. Dans ce contexte, un scrutin contrôlé par l’armée apparaît comme une distraction sans enjeu réel pour l’avenir du pays.

Le désengagement des jeunes traduit donc une forme de résistance passive. Refuser de voter, c’est refuser de jouer le jeu imposé par la junte, tout en évitant les risques liés à une opposition plus frontale.

Vers quel avenir après ce scrutin ?

La question demeure entière. Même si la junte parvient à organiser ces élections dans une partie du territoire, leur légitimité restera contestée tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Les résultats risquent d’être perçus comme un simple outil de consolidation du pouvoir militaire.

Dans les zones contrôlées par les groupes ethniques armés ou la résistance, le vote n’a souvent même pas pu avoir lieu. Cette fracture territoriale accentue l’impression d’un processus partiel et biaisé.

Pour beaucoup d’observateurs, ces élections ne résoudront rien des problèmes profonds qui gangrènent le pays depuis cinq ans. La paix, la réconciliation nationale et le retour à une démocratie réelle semblent encore lointains.

La faible mobilisation des jeunes constitue peut-être le signal le plus fort : une génération entière tourne le dos à un système qu’elle juge irrémédiablement corrompu. L’espoir repose désormais davantage sur la résistance armée et les pressions internationales que sur les urnes contrôlées par les généraux.

En résumé :

  • Participation très faible, surtout chez les jeunes.
  • Présence massive de forces de sécurité autour des bureaux.
  • Critiques unanimes sur l’injustice et le manque de légitimité du scrutin.
  • Espoir déçu d’une stabilisation rapide du pays.

Ce dimanche électoral restera sans doute dans les mémoires comme celui d’un rendez-vous manqué entre une partie de la population et un pouvoir qui peine à regagner la confiance. Le chemin vers une sortie de crise apparaît plus sinueux que jamais.

La pagode Sule, témoin muet de tant d’événements historiques, continue d’observer en silence cette nouvelle page d’une histoire tourmentée. Reste à savoir si les générations futures parviendront à tourner définitivement cette page sombre.

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