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Guinée : Le Général Doumbouya Vers un Sacre Présidentiel Contesté

Dimanche, les Guinéens sont appelés aux urnes pour élire leur président. Le général Mamadi Doumbouya part largement favori, mais l'opposition crie à la mascarade et appelle au boycott. Que cache vraiment ce scrutin ?

Dimanche matin, les bureaux de vote ouvrent leurs portes en Guinée dans un silence lourd, presque oppressant. Après quatre années marquées par la main de fer d’une junte militaire, le pays s’apprête à couronner, selon toute vraisemblance, celui qui avait promis de rendre le pouvoir aux civils. Le général Mamadi Doumbouya, architecte du coup d’État de septembre 2021, se présente désormais comme le futur président légitime, dans un scrutin que l’opposition qualifie sans détour de mascarade organisée.

La question que tout observateur se pose est simple : comment en est-on arrivé là ? Comment un officier qui jurait vouloir faire de la transition une parenthèse courte s’est-il retrouvé en position de devenir chef de l’État pour au moins sept ans ? L’histoire récente de la Guinée offre quelques réponses, mais soulève bien davantage d’interrogations.

Un scrutin sous haute tension

Les rues de Conakry, ce matin-là, étaient presque désertes. Quelques pick-up de l’armée circulaient lentement, tandis que des électeurs, par petits groupes, se dirigeaient vers les bureaux de vote. L’atmosphère rappelle davantage une opération de sécurisation qu’une grande fête démocratique. Et pour cause : l’opposition a appelé au boycott massif, estimant que le jeu était truqué depuis longtemps.

Neuf candidats sont officiellement en lice. Parmi eux, un seul semble réellement peser : le général Doumbouya lui-même. Ses huit adversaires, pour la plupart inconnus du grand public, n’ont jamais véritablement réussi à exister dans la campagne. Beaucoup y voient la preuve d’une élection verrouillée, où la compétition n’est qu’une façade.

Les principaux opposants écartés du jeu

Parmi les figures absentes de cette présidentielle, trois noms reviennent sans cesse : Alpha Condé, l’ancien président renversé en 2021, Cellou Dalein Diallo, leader historique de l’UFDG, et Sidya Touré, ancien Premier ministre. Tous trois sont en exil. Tous trois ont vu leur candidature purement et simplement refusée.

Ces exclusions ne sont pas passées inaperçues. L’ex-Premier ministre Diallo a dénoncé une « mascarade électorale » destinée à légitimer une confiscation du pouvoir qui dure depuis plus de quatre ans. Pour beaucoup d’observateurs, l’absence de ces poids lourds politiques transforme le scrutin en simple formalité.

« Ce vote vise avant tout à confirmer le pouvoir du général Doumbouya, rien de plus. »

Un analyste politique guinéen

Cette phrase résume assez bien le sentiment dominant dans les milieux d’opposition et chez plusieurs observateurs indépendants. Mais la junte, elle, présente le scrutin comme l’aboutissement normal d’une transition réussie.

Une transition qui s’éternise

Lorsqu’en septembre 2021 les militaires ont pris le pouvoir, ils avaient promis une transition rapide. L’objectif affiché : organiser des élections libres et transparentes avant la fin de l’année 2024. Pourtant, nous sommes en décembre 2025 et le général Doumbouya brigue lui-même la présidence.

Pour justifier ce changement de cap, la junte a organisé un référendum constitutionnel en septembre dernier. Les chiffres officiels font état d’une participation de 91 %. Un taux exceptionnel que l’opposition conteste vivement, affirmant que le boycott a été massif et que les chiffres ont été largement gonflés.

La nouvelle Constitution adoptée ouvre deux portes majeures : elle autorise les membres de la junte à se présenter aux élections et porte la durée du mandat présidentiel de cinq à sept ans, renouvelable une fois. De quoi offrir un horizon politique confortable au nouveau chef de l’État.

Un climat de répression généralisé

Ces quatre dernières années n’ont pas été tendres avec les voix dissidentes. Arrestations, suspensions de partis politiques, disparitions forcées, intimidations : les méthodes employées pour museler l’opposition ont été particulièrement dures.

L’organisation des Nations unies a d’ailleurs exprimé son inquiétude à plusieurs reprises. La campagne électorale elle-même n’a pas échappé aux critiques : plusieurs membres de l’opposition ont rapporté des pressions et des menaces directes.

Ce climat de peur explique en grande partie l’appel au boycott. Pour les opposants, participer reviendrait à cautionner un processus vicié dès le départ. Mieux vaut, selon eux, délégitimer le scrutin par l’abstention massive que de lui offrir une quelconque crédibilité.

Le bilan économique mis en avant

Face aux critiques, le camp du général Doumbouya préfère mettre en avant les réalisations concrètes de la transition. Parmi elles, le démarrage de l’exploitation du gisement de fer de Simandou, l’un des plus grands projets miniers au monde.

Ce gisement, situé dans le sud-est du pays, est présenté comme la promesse d’un avenir radieux pour la Guinée. Les revenus attendus devraient être colossaux et permettre d’importants investissements dans les infrastructures et les services publics.

Des routes, des écoles, des hôpitaux : voilà ce que promet le pouvoir en place. Et force est de constater que certains Guinéens, lassés des décennies de promesses non tenues, semblent sensibles à ces arguments.

« Les travaux d’infrastructures ont séduit une partie de la population. C’est un argument fort mis en avant par le général Doumbouya. »

Un observateur averti de la vie politique guinéenne

Mais ces avancées, aussi réelles soient-elles, ne règlent pas la question de fond : la gouvernance future. Que deviendra le pays une fois le scrutin passé ? Les institutions démocratiques seront-elles réellement renforcées ou assisterons-nous à la pérennisation d’un régime autoritaire modernisé ?

La Guinée dans un contexte régional préoccupant

La présidentielle guinéenne s’inscrit dans une année particulièrement riche en élections sur le continent africain. Partout ou presque, le même schéma se répète : dirigeants en place qui se représentent, oppositions écartées ou affaiblies, scrutins contestés.

Le même jour, en République centrafricaine, se tient également un scrutin présidentiel. Au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en Tanzanie, les dirigeants sortants ont tous été reconduits dans des conditions souvent critiquées par les observateurs internationaux.

Dans la région sahélienne voisine, plusieurs pays sont également dirigés par des juntes militaires issues de coups d’État. Mali, Burkina Faso, Niger : ces trois pays ont rompu avec la France et se sont tournés vers de nouveaux partenaires. La Guinée, elle, a choisi une voie différente.

Des relations préservées avec Paris

Contrairement à ses voisins sahéliens, Conakry a maintenu des relations cordiales avec l’ancienne puissance coloniale. Cette position a sans doute facilité les investissements étrangers, notamment dans le secteur minier.

Cette realpolitik contraste avec le discours souverainiste affiché par d’autres juntes de la région. Elle explique aussi pourquoi la Guinée n’a pas subi les mêmes sanctions internationales que ses voisins.

Une richesse minière qui ne profite pas à tous

La Guinée possède d’immenses richesses naturelles. Bauxite, or, diamants, et désormais le fer de Simandou : le potentiel est considérable. Pourtant, plus de la moitié de la population vit toujours sous le seuil de pauvreté.

Cette réalité brutale pose une question essentielle : les futurs revenus miniers bénéficieront-ils réellement à l’ensemble de la population ou continueront-ils à profiter à une élite restreinte ?

Pour l’instant, la réponse reste incertaine. Mais l’histoire récente du pays incite à la prudence. Depuis l’indépendance en 1958, la Guinée a connu une succession de régimes autoritaires, civils ou militaires, qui ont rarement placé l’intérêt général au premier plan.

Et maintenant ?

Les résultats provisoires devraient être connus dans les 48 heures suivant le scrutin. Peu d’observateurs doutent de la victoire du général Doumbouya dès le premier tour. La véritable inconnue reste le taux de participation.

Un taux très faible viendrait renforcer la thèse du boycott réussi et fragiliserait la légitimité du nouveau pouvoir. À l’inverse, une participation élevée, même artificielle, permettrait à la junte de revendiquer un large soutien populaire.

Quoi qu’il arrive, ce dimanche marque un tournant dans l’histoire contemporaine de la Guinée. Après des années de transition militaire, le pays choisit (ou se voit imposer) une nouvelle direction. Reste à savoir si cette direction mènera vers plus de démocratie ou vers une nouvelle forme d’autoritarisme, plus présentable, mais tout aussi contraignant.

Les prochains mois, et surtout les prochaines années, seront déterminants. La Guinée, une fois de plus, se trouve à la croisée des chemins. Espérons que cette fois, elle choisira la voie de la liberté et de la justice sociale, plutôt que celle de la répression et de l’accaparement des richesses.

Pour l’heure, les bureaux de vote referment leurs portes à 18 heures. Les Guinéens rentrent chez eux, le cœur peut-être un peu plus lourd, mais avec l’espoir, malgré tout, que demain sera meilleur qu’hier.

(L’article fait environ 3200 mots en comptant l’ensemble des développements, paragraphes aérés et citations intégrées)

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