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Disparition d’Uranium au Niger : La Junte Rejette les Accusations

Le Niger est accusé de vol d'uranium par la France après la disparition d'un chargement sur l'ancien site d'Orano. La junte riposte avec vigueur, affirmant exercer sa souveraineté. Mais qui a réellement profité de ces ressources pendant des décennies ? La réponse pourrait surprendre...

Imaginez un pays riche en ressources souterraines, mais où la richesse semble toujours profiter à d’autres. Au Niger, l’uranium, cette matière première essentielle pour l’énergie nucléaire, cristallise depuis des décennies des tensions profondes. Récemment, une affaire de disparition de concentré d’uranium a mis le feu aux poudres entre Niamey et Paris.

Un Conflit Autour de l’Uranium Nigérien

Le régime militaire au pouvoir au Niger depuis le coup d’État de juillet 2023 fait face à des accusations graves. Une enquête judiciaire a été ouverte en France pour vol en bande organisée, liée à la disparition d’un important stock d’uranium sur un site minier. Les autorités nigériennes ont immédiatement réagi avec fermeté.

Cette affaire concerne directement le site de la Somaïr, à Arlit, dans le nord du pays. Longtemps exploité majoritairement par le groupe français Orano, ce gisement est au centre d’un différend qui dépasse largement les frontières techniques ou commerciales.

La Réponse Vigoureuse de la Junte

Le colonel Ousmane Abarchi, ministre des Mines, a pris la parole sur les médias officiels pour dénoncer ces allégations. Il a rejeté « avec la plus grande fermeté » toute idée assimilant l’exercice de la souveraineté nigérienne à un vol.

« La vente ou vol est une dérive rhétorique dangereuse, irresponsable et indigne. »

Colonel Ousmane Abarchi, ministre nigérien des Mines

Pour lui, il est impensable de qualifier de vol la gestion par l’État de ses propres ressources. « On ne peut pas voler ce que l’on possède légitimement », a-t-il insisté, soulignant que l’uranium extrait appartient au peuple nigérien.

Cette position reflète la ligne directrice du régime militaire depuis son arrivée au pouvoir : reprendre le contrôle total des richesses minières du pays.

Les Accusations Portées par Orano

De son côté, le groupe Orano avait alerté fin novembre sur le départ d’un chargement d’uranium du site de la Somaïr. L’entreprise, dont l’État français détient plus de 90 % du capital, considérait encore récemment détenir des droits majoritaires sur cette exploitation.

Le concentré en question représenterait environ 1 300 tonnes, pour une valeur marchande estimée à 250 millions d’euros. Ces chiffres donnent une idée de l’enjeu économique considérable.

Mi-décembre, une enquête a donc été ouverte à Paris, évoquant même la possibilité que ce prélèvement serve les intérêts d’une puissance étrangère.

La Nationalisation du Site de Somaïr

Quelques semaines avant ces événements, le gouvernement nigérien avait annoncé la nationalisation du site de la Somaïr en juin. Cette décision s’inscrit dans une volonté affichée de souveraineté sur les ressources naturelles.

Peu après, Niamey avait indiqué que l’uranium produit sur ce site serait mis directement sur le marché international. Une manière claire de contourner les circuits historiques dominés par l’ancien partenaire français.

Cette évolution marque une rupture profonde avec des décennies de coopération, souvent critiquée pour son déséquilibre.

Les Contre-Accusations Nigériennes

Alio Daouda, ministre de la Justice, a renversé la perspective en pointant du doigt les pratiques passées d’Orano. Il affirme que l’entreprise aurait laissé derrière elle une dette impayée de 58 milliards de francs CFA.

« Entre le Niger et Orano, qui a volé qui ? »

Alio Daouda, ministre nigérien de la Justice

Plus grave encore, il accuse l’ancien exploitant d’avoir systématiquement minoré la teneur réelle de l’uranium extrait. Une pratique qui aurait privé le Niger de revenus légitimes pendant de longues années.

Ces déclarations alimentent un discours de rééquilibrage historique très présent depuis le changement de régime.

Le Contexte Géopolitique Plus Large

Depuis juillet 2023, la junte militaire ne cache pas son intention de diversifier ses partenariats. Des pays comme la Russie ou l’Iran sont ouvertement cités comme possibles nouveaux collaborateurs dans le secteur minier.

En juillet dernier, Moscou avait d’ailleurs exprimé un intérêt marqué pour l’exploitation de l’uranium nigérien. Ce rapprochement s’inscrit dans une reconfiguration des alliances régionales.

Parallèlement, les relations avec la France se sont fortement dégradées, marquées par le départ des troupes françaises et la remise en cause de nombreux accords.

Les Procédures Judiciaires en Cours

Orano n’a pas resté passif face à ces développements. Le groupe a engagé plusieurs procédures d’arbitrage international contre l’État nigérien.

Fin septembre, une décision favorable à l’entreprise avait été rendue concernant la mine de la Somaïr. Le tribunal avait enjoint au Niger de ne pas commercialiser l’uranium stocké sur le site.

Décembre 2024 a marqué un tournant supplémentaire : Orano a acté la perte du contrôle opérationnel de ses trois filiales historiques au Niger, incluant Cominak (fermée depuis 2021) et le gisement d’Imouraren.

L’Importance Stratégique de l’Uranium Nigérien

Le Niger reste un acteur notable sur le marché mondial de l’uranium naturel. Il assure environ 4,7 % de la production globale, selon les données de 2021 de l’agence d’approvisionnement d’Euratom.

Cette part, bien que modeste en volume, revêt une importance stratégique particulière pour certains pays européens dépendants de l’énergie nucléaire.

La région d’Arlit, où se concentre l’activité, représente un enjeu économique vital pour le Niger, l’un des pays les plus pauvres du monde malgré ses richesses souterraines.

Points clés du différend :

  • Nationalisation annoncée en juin du site Somaïr
  • Disparition signalée de 1 300 tonnes de concentré
  • Valeur estimée : 250 millions d’euros
  • Dette alléguée d’Orano : 58 milliards FCFA
  • Procédures arbitrales en cours

Cette liste résume les éléments centraux qui alimentent la controverse actuelle.

Vers une Nouvelle Ère pour les Ressources Nigériennes ?

L’affaire de l’uranium illustre une tendance plus large en Afrique : la remise en cause des contrats miniers hérités de l’époque post-coloniale. De nombreux pays cherchent aujourd’hui à renegocier les termes pour bénéficier davantage de leurs ressources.

Au Niger, ce mouvement s’accompagne d’un discours souverainiste fort. Le régime militaire présente ces décisions comme une reconquête légitime de la richesse nationale.

Mais les enjeux sont complexes. La gestion directe des ventes internationales nécessite des compétences techniques et commerciales que le pays doit encore consolider.

Les partenariats envisagés avec de nouveaux acteurs internationaux pourraient modifier durablement la carte géopolitique du secteur.

Les Implications pour les Relations Bilatérales

Ce conflit autour de l’uranium s’ajoute à une liste déjà longue de désaccords entre le Niger et la France. Le départ des forces militaires françaises, la rupture de certains accords de coopération : tout concourt à une relation profondément remaniée.

L’enquête ouverte à Paris risque d’envenimer encore davantage la situation. Les autorités nigériennes y voient une ingérence inacceptable dans leurs affaires internes.

Dans le même temps, Orano, entreprise stratégique pour la France, défend ses intérêts par tous les moyens légaux disponibles.

Cette tension illustre les difficultés à concilier souveraineté nationale et engagements internationaux historiques.

Conclusion : Un Enjeu qui Dépassent les Frontières

L’affaire de la disparition d’uranium au Niger révèle des fractures profondes. Entre affirmation de souveraineté, accusations croisées et procédures judiciaires, le dossier est loin d’être clos.

Il pose des questions essentielles sur la propriété des ressources naturelles, sur l’équité des partenariats économiques et sur l’évolution des relations post-coloniales.

Alors que le Niger cherche à écrire une nouvelle page de son histoire minière, le monde observe avec attention les développements de ce conflit aux multiples ramifications.

Une chose est sûre : l’uranium nigérien continuera à cristalliser les passions et les intérêts stratégiques pour longtemps encore.

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