Imaginez un instant : vous êtes un jeune basketteur français, talentueux, repéré par l’une des franchises les plus mythiques de la NBA. Le Madison Square Garden vous ouvre ses portes, les projecteurs s’allument, et la ville qui ne dort jamais semble prête à vous porter aux nues. Pourtant, quelques années plus tard, vous repartez sans avoir marqué l’histoire du club. Cette histoire, elle s’est répétée plusieurs fois pour des joueurs français. Et elle pourrait bien se reproduire encore.
La malédiction française à New York
Depuis plusieurs années, les observateurs du basket notent un phénomène étrange : les joueurs français qui rejoignent les Knicks semblent systématiquement rencontrer des obstacles insurmontables. Que ce soit à cause de blessures, de choix tactiques discutables, d’une adaptation difficile ou d’autres facteurs, le résultat reste le même : aucun n’a réussi à s’imposer durablement dans cette franchise historique.
Cette tendance soulève de nombreuses questions. Est-ce vraiment une malédiction ? Ou simplement le reflet des exigences particulières du club new-yorkais, connu pour son management parfois chaotique et ses attentes démesurées ?
Frank Ntilikina : le prodige qui n’a pas explosé
Quand les Knicks ont choisi Frank Ntilikina en 8e position de la draft 2017, beaucoup y ont vu un coup de génie. Le jeune Strasbourgeois, grand, longiligne, rapide et doté d’un QI basket élevé, semblait taillé pour devenir le futur meneur de la franchise. Les affiches géantes de lui dans les rues de New York avant même qu’il n’ait joué un match officiel en disaient long sur l’engouement.
Mais rapidement, la réalité a rattrapé l’enthousiasme. Malgré quelques éclairs de génie, notamment cette fameuse action où il avait tenu tête à LeBron James en début de carrière, Ntilikina n’a jamais réussi à s’imposer comme un titulaire indiscutable. Son shoot extérieur, pourtant tant attendu, n’a jamais atteint le niveau espéré.
« Le jeu NBA n’était pas fait pour lui. Je pensais qu’il serait bon dans un système à deux arrières… Il est agile, mais il n’a jamais su shooter. »
Phil Jackson, ancien dirigeant des Knicks
Après quatre saisons et 214 matches joués (dont seulement 3 en playoffs), Ntilikina a quitté New York en 2021. Son passage reste marqué par ce sentiment d’inachevé, comme si le potentiel était là sans jamais avoir pu pleinement s’exprimer.
Joakim Noah : le New-Yorkais de cœur qui a tout perdu
Joakim Noah, c’est une autre histoire. Né à New York, il a toujours clamé son amour pour la ville. Quand il a signé aux Knicks en 2016 après des années solides à Chicago, beaucoup pensaient qu’il allait devenir le nouveau symbole de la franchise.
Malheureusement, les blessures et les problèmes extra-sportifs ont rapidement tout gâché. Une suspension pour prise de produit interdit, une grave blessure à l’épaule, et surtout un mode de vie jugé trop festif l’ont empêché de performer.
Le pivot a fini par avouer lui-même que l’environnement new-yorkais avait été trop tentant pour lui.
« J’étais trop allumé pour jouer à New York. »
Joakim Noah
Le club a dû payer 37,8 millions de dollars pour le libérer de son contrat après seulement deux saisons et 53 matches joués. Un échec retentissant, surtout pour un joueur aussi attaché à la ville.
Evan Fournier : du statut de titulaire au banc de touche
L’arrivée d’Evan Fournier en 2021 semblait être une excellente affaire. L’arrière français sortait d’une belle saison à Boston et apportait un tir extérieur fiable, tant recherché par les Knicks.
Durant sa première saison, il a répondu présent : 80 matches joués, tous en tant que titulaire, et une moyenne de 14,1 points. Mais l’année suivante, tout a basculé.
Sorti du cinq majeur sans explication claire, puis carrément écarté de la rotation, Fournier a vécu une véritable descente aux enfers. Il a décrit cette période comme une « vraie injustice ».
Malgré tout, il a conservé l’affection des supporters new-yorkais, au point que plusieurs années après son départ, on peut encore croiser des maillots floqués de son numéro 13 dans les rues de Manhattan.
Guerschon Yabusele : la dernière victime en date ?
Aujourd’hui, c’est au tour de Guerschon Yabusele de vivre une situation délicate. Recruté avec beaucoup d’espoir après son beau parcours en Euroligue, l’ailier-fort français peine à trouver sa place dans la rotation des Knicks.
Les discussions pour un éventuel départ sont déjà entamées, et il semble que son avenir à New York soit plus qu’incertain. Comme ses prédécesseurs, il risque de ne pas laisser l’empreinte espérée.
Quelles sont les vraies raisons de ces échecs ?
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette série noire :
- Exigences très élevées : New York est une ville où la pression est immense. Chaque joueur est scruté, jugé, et les erreurs ne pardonnent pas.
- Management instable : Les Knicks ont connu de nombreux changements de coachs et de dirigeants ces dernières années, ce qui a souvent perturbé la construction d’équipe.
- Choix tactiques discutables : Certains entraîneurs ont parfois privilégié d’autres profils, parfois au détriment de talents évidents.
- Adaptation difficile : La vie à New York, avec ses tentations et son rythme effréné, n’est pas facile pour des joueurs étrangers.
- Malchance : Blessures, suspension, manque de chance au moment clé… Parfois, le destin semble s’acharner.
Cette combinaison de facteurs crée un environnement particulièrement difficile pour les joueurs, surtout ceux qui viennent de l’étranger et qui ont besoin de temps pour s’adapter.
Y a-t-il une issue à cette malédiction ?
Certains supporters restent optimistes. Ils espèrent que les prochaines générations de basketteurs français, comme les jeunes draftés récemment, viendront enfin briser cette spirale négative.
Mais pour l’instant, le constat est clair : aucun Français n’a vraiment réussi à s’imposer durablement chez les Knicks. Et avec le cas Yabusele qui semble suivre le même chemin, la question reste entière : cette malédiction est-elle réelle, ou simplement le reflet d’un club qui a du mal à intégrer correctement ses recrues étrangères ?
Une chose est sûre : l’histoire des joueurs français à New York continue de s’écrire. Et pour l’instant, elle ressemble plus à une tragédie qu’à un conte de fées.
À suivre…
Quelques chiffres marquants
- Frank Ntilikina : 214 matches, 6.3 points de moyenne
- Joakim Noah : 53 matches, 4.6 points et 7.9 rebonds
- Evan Fournier : 110 matches, 11.8 points de moyenne
Le parcours de ces joueurs illustre parfaitement les difficultés rencontrées par les talents européens dans la Grande Ligue, surtout quand ils atterrissent dans une franchise aussi exigeante que les Knicks.
Peut-être que le prochain Français à porter le maillot orange et bleu sera celui qui inversera enfin la tendance. En attendant, la malédiction continue de planer sur Madison Square Garden.









