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Présidentielle Honduras : Asfura Vainqueur Soutenu par Trump

Au Honduras, Nasry Asfura a été proclamé vainqueur d’une élection ultra-serrée, trois semaines après le scrutin. Soutenu ouvertement par Donald Trump, ce conservateur marque le retour de la droite. Mais les accusations de fraude et les menaces de Washington laissent planer un doute majeur sur la légitimité du résultat…

Imaginez un pays où le résultat d’une élection présidentielle reste suspendu pendant trois longues semaines, où chaque voix fait l’objet d’un recomptage interminable et où le président de la première puissance mondiale intervient directement pour faire pencher la balance. C’est exactement ce qui vient de se produire au Honduras, petit pays d’Amérique centrale souvent oublié des radars médiatiques internationaux, mais qui vient d’entrer dans une nouvelle ère politique avec l’élection de Nasry Asfura.

Ce homme d’affaires conservateur de 67 ans, surnommé affectueusement « Tito » par ses proches, a été officiellement déclaré vainqueur avec 40,1 % des suffrages. Un score mince, très mince même, face à son principal rival Salvador Nasralla qui a récolté 39,53 %. Derrière eux, la candidate de la gauche sortante n’atteint que 19,19 %. Un scrutin à un tour qui a tenu en haleine tout un pays et bien au-delà de ses frontières.

Un basculement à droite après quatre ans de gauche

Après le mandat de Xiomara Castro, épouse de l’ancien président Manuel Zelaya renversé par un coup d’État en 2009, le Honduras opère un virage idéologique net. Ce retour de la droite s’inscrit dans un mouvement plus large qui touche plusieurs nations d’Amérique latine ces dernières années. Chili, Bolivie, Pérou, Argentine ont successivement vu des gouvernements conservateurs ou libéraux prendre le pouvoir. Seuls le Brésil et le Mexique, les deux mastodontes économiques de la région, restent aux mains de la gauche.

Pour le Honduras, nation de 11 millions d’habitants parmi les plus pauvres du continent, ce changement de cap pourrait redessiner les relations extérieures, l’économie et la sécurité intérieure. Mais à quel prix ? La campagne a été marquée par une polarisation extrême, des soupçons de fraude massifs et une intervention extérieure qui a fait grincer des dents jusque dans les rangs des observateurs internationaux.

Un scrutin sous tension dès le départ

Le jour du vote, le 30 novembre, tout semblait réuni pour un scrutin relativement calme. Pourtant, très vite, le dépouillement a connu des interruptions à répétition. Le Conseil national électoral a invoqué des problèmes techniques liés à la société privée responsable de la transmission des résultats. Ces suspensions prolongées ont immédiatement alimenté les théories du complot et les accusations de manipulation.

Salvador Nasralla, ancien présentateur télévisé passé à la politique, n’a pas tardé à crier au vol électoral. Il a exigé un recomptage général des voix, pointant du doigt de nombreuses irrégularités dans les procès-verbaux. De son côté, Rixi Moncada, qui portait les couleurs du parti au pouvoir, a dénoncé une falsification et une ingérence étrangère directe.

« Le processus électoral est sérieusement remis en question en raison du manque de transparence, de la coercition des électeurs par des membres de gangs et des menaces extérieures. »

Extrait de la réaction de la présidente sortante

Malgré ces protestations, les missions d’observation de l’Organisation des États américains et de l’Union européenne n’ont pas relevé d’irrégularités graves de nature à invalider l’ensemble du scrutin. Un recomptage partiel des bureaux litigieux a finalement été organisé, confirmant les tendances initiales.

Nasry Asfura, l’homme d’affaires devenu président

Nasry Juan Asfura Zablah n’est pas un politicien de carrière au sens classique. Fils d’immigrés palestiniens, il s’est fait connaître comme entrepreneur dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Ancien maire de Tegucigalpa, la capitale, il avait déjà tenté sa chance à la présidentielle il y a quelques années sans succès. Cette fois, la victoire est au rendez-vous.

Âgé de 67 ans, il bénéficie d’un soutien solide au sein des forces armées, institution historiquement puissante dans un pays qui a connu plusieurs coups d’État. Son profil rassure les milieux d’affaires et les partenaires étrangers qui souhaitent voir arriver un dirigeant favorable aux investissements et à l’ouverture économique.

Il a promis de tout faire pour attirer des capitaux étrangers et relancer une économie asphyxiée par la pauvreté, les catastrophes naturelles récurrentes et l’insécurité chronique. Parmi ses priorités affichées : un réchauffement des liens avec Taïwan, après que le gouvernement précédent avait rompu avec l’île au profit de Pékin en 2023.

Le poids déterminant des États-Unis

Impossible de parler de cette élection sans évoquer le rôle joué par Washington. À la veille du scrutin, le président américain a clairement pris position en faveur de Nasry Asfura. Mieux : il a menacé de réduire drastiquement l’aide accordée au Honduras si le candidat conservateur n’était pas élu.

Quelques jours après la proclamation des résultats, le secrétaire d’État américain a publié un communiqué saluant une victoire « claire et incontestable » et appelant toutes les parties à respecter le verdict des urnes. Il a insisté sur la future coopération en matière de sécurité, de lutte contre l’immigration illégale et de renforcement des liens économiques.

« Nous sommes impatients de travailler avec son administration pour faire progresser notre coopération bilatérale et régionale. »

Déclaration du chef de la diplomatie américaine

Le timing de ces déclarations n’est pas anodin. Le Honduras dépend énormément des États-Unis : principal partenaire commercial, principal pays d’accueil des migrants honduriens (près de 2 millions de personnes), et source majeure de transferts d’argent qui représentent environ un tiers du PIB national. Toute menace de couper ces flux financiers aurait des conséquences immédiates et dramatiques pour la population.

Un pays toujours sous haute tension sécuritaire

Le Honduras reste l’un des pays les plus violents d’Amérique latine. Même si le taux d’homicides a baissé ces dernières années pour atteindre environ 27 pour 100 000 habitants en 2024, la menace des narcotrafiquants et des gangs reste omniprésente. La présidente sortante avait instauré un état d’exception inspiré du modèle salvadorien de Nayib Bukele, avec des résultats mitigés : baisse de la criminalité, mais aussi nombreuses dénonciations de violations des droits humains.

Le nouveau président devra poursuivre ou adapter cette stratégie tout en essayant de restaurer une certaine confiance dans les institutions. Il hérite également d’un pays profondément divisé où une partie significative de la population conteste la légitimité de son élection.

Les défis qui attendent le président élu

Le 27 janvier prochain, Nasry Asfura prêtera serment dans un climat politique tendu. Parmi les chantiers prioritaires :

  • Restaurer la confiance dans le processus démocratique après une campagne aussi controversée
  • Relancer l’économie en attirant des investisseurs étrangers tout en préservant les flux de remesas
  • Renforcer la coopération sécuritaire avec les États-Unis sans apparaître comme un simple vassal
  • Adapter la lutte contre les gangs et le narcotrafic sans tomber dans les excès répressifs dénoncés à l’international
  • Gérer les relations diplomatiques avec la Chine et Taïwan dans un contexte régional complexe

Chacun de ces dossiers représente un défi majeur pour un dirigeant qui arrive au pouvoir avec une avance électorale très courte et dans un pays où les institutions démocratiques ont souvent été fragilisées par l’histoire récente.

Un tournant pour l’Amérique centrale ?

Avec cette élection, le Honduras rejoint le camp des nations d’Amérique latine dirigées par des conservateurs ou des libéraux économiques. Ce mouvement de balancier idéologique, observable depuis plusieurs années, interroge sur les raisons profondes de ces alternances rapides : insécurité, inflation, mécontentement social, lassitude face aux promesses non tenues de la gauche, influence croissante des États-Unis sous l’administration actuelle ?

Quoi qu’il en soit, le Honduras devient un laboratoire intéressant pour observer comment un petit pays peut naviguer entre souveraineté nationale et dépendance économique vis-à-vis de son puissant voisin du nord. Les prochains mois diront si Nasry Asfura parviendra à transformer son mince avantage électoral en véritable légitimité politique et en résultats concrets pour la population.

Une chose est sûre : l’histoire politique de ce pays d’Amérique centrale vient d’écrire un nouveau chapitre particulièrement mouvementé. Et les regards du continent, voire du monde, seront tournés vers Tegucigalpa dans les mois à venir.

Points clés à retenir

Écart très faible : 40,1 % contre 39,53 % pour le principal opposant

Soutien américain très marqué : menaces de réduction d’aide et grâce accordée à un ancien président condamné pour narcotrafic

Polarisation extrême : accusations de fraude persistantes malgré les observations internationales

Enjeux sécuritaires : poursuite probable de la lutte contre les gangs dans un contexte de droits humains fragiles

Économie dépendante : un tiers du PIB provient des transferts des migrants aux États-Unis

Le Honduras entre donc dans une phase politique incertaine mais riche en enseignements pour toute la région. Reste à voir si ce virage à droite permettra de stabiliser un pays qui en a tant besoin ou si, au contraire, les tensions accumulées pendant la campagne finiront par exploser.

À suivre attentivement.

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