Le Bénin, ce petit pays d’Afrique de l’Ouest habituellement discret sur la scène internationale, se retrouve soudain projeté sous les feux des projecteurs. Le 7 décembre dernier, un événement inattendu a secoué la nation : une tentative de coup d’État annoncée en direct à la télévision nationale. Quelques heures plus tard, le pouvoir en place reprenait le contrôle, mais les conséquences de cette journée chaotique continuent de se faire sentir. Aujourd’hui, les arrestations se multiplient, touchant désormais des figures politiques de premier plan.
Une secousse politique qui ne s’arrête pas
Ce qui semblait n’être qu’un épisode isolé se transforme en une vaste opération de répression. Les autorités béninoises mènent des enquêtes approfondies pour identifier tous les acteurs impliqués, de près ou de loin, dans cette affaire. Des militaires aux responsables politiques, personne ne semble échapper à la vigilance des services judiciaires. L’atmosphère reste lourde dans le pays, alors que l’échéance présidentielle d’avril prochain approche à grands pas.
Le député Soumaïla Sounon Boké en détention provisoire
Parmi les dernières personnalités écrouées figure un député membre du principal parti d’opposition. Soumaïla Sounon Boké, élu sous les couleurs des Démocrates, a été interpellé le 16 décembre avant d’être placé en garde à vue. Après plusieurs jours de détention, il a été présenté à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme, plus connue sous l’acronyme Criet, à Cotonou. Les juges ont décidé de le placer en détention provisoire.
Le motif principal retenu contre lui repose sur un message envoyé dans un groupe WhatsApp. Peu après l’annonce du putsch par les militaires mutins, il aurait écrit simplement : « C’est la fête ». Ce court texto suffit aux enquêteurs pour le soupçonner d’avoir manifesté une forme de soutien ou d’approbation à l’action des putschistes. Son procès est fixé au 30 décembre, une date qui approche rapidement.
Cette arrestation n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans une série d’interpellations qui touchent directement l’opposition politique. Le parti Les Démocrates, déjà privé de participation à la prochaine élection présidentielle pour des raisons de parrainages insuffisants, voit plusieurs de ses membres visés par la justice.
Chabi Yayi également poursuivi
Le fils de l’ancien président Thomas Boni Yayi, figure emblématique de l’opposition actuelle, fait également l’objet de poursuites. Chabi Yayi, membre des Démocrates, est accusé en lien avec la même tentative de coup d’État. Bien que les détails précis des charges retenues contre lui restent encore flous pour le public, son implication dans cette affaire renforce l’idée d’une opération judiciaire visant large.
Thomas Boni Yayi, qui avait dirigé le pays pendant deux mandats avant de devenir un opposant virulent au régime en place, voit ainsi son entourage touché. Cette situation ajoute une dimension familiale et historique à la crise politique en cours.
Un ancien ministre de la Défense derrière les barreaux
Autre personnalité de poids arrêtée récemment : Candide Azannaï. Ancien ministre de la Défense devenu président du parti Restaurer l’espoir, il incarne une voix importante de l’opposition. Placé en détention le week-end dernier, il est accusé de « complot contre l’autorité de l’État » et de « provocation directe à la rébellion ».
Son arrestation marque un tournant. Issu des rangs du pouvoir précédent, Azannaï avait progressivement pris ses distances avant de devenir un critique acerbe du président en exercice. Sa mise en cause dans cette affaire de tentative de coup d’État pourrait avoir des répercussions importantes sur l’ensemble de la classe politique béninoise.
La vague d’arrestations dans l’armée
Les militaires constituent le cœur des interpellations. Une trentaine d’entre eux ont été incarcérés mi-décembre, poursuivis pour des faits graves : trahison, assassinat, attentat à la sûreté de l’État. Cinq autres soldats ont été placés en détention pour non-dénonciation de crimes, soulignant l’ampleur des investigations menées par la police judiciaire.
Ces arrestations massives au sein de l’armée montrent que les autorités cherchent à purger tout élément susceptible d’avoir été impliqué, même marginalement, dans l’événement du 7 décembre. La hiérarchie militaire a rapidement réagi pour étouffer le soulèvement, recevant ensuite le soutien du Nigeria voisin et de la France.
Malheureusement, plusieurs personnes ont perdu la vie lors de cette journée. Le bilan exact reste difficile à établir avec précision, mais la violence a bien été présente. Le leader des mutins, le lieutenant-colonel Pascal Tigri, demeure en fuite avec plusieurs de ses hommes, ce qui maintient une certaine tension sécuritaire.
Un mandat d’arrêt international contre Kemi Seba
L’affaire dépasse largement les frontières béninoises. Les autorités ont émis un mandat d’arrêt international contre l’influenceur panafricaniste Kemi Seba. Connu pour ses positions anti-occidentales et son discours radical, il avait publiquement soutenu la tentative de putsch sur les réseaux sociaux. Il est accusé d’« apologie de crimes contre la sûreté de l’État » et d’« incitation à la rébellion ».
Cette mesure montre que le pouvoir en place considère les soutiens extérieurs et médiatiques comme une menace sérieuse. Kemi Seba, qui jouit d’une audience importante dans les milieux panafricanistes, pourrait devenir un symbole pour certains opposants.
Contexte politique : la fin d’un double mandat
Patrice Talon achève son second mandat, le maximum autorisé par la Constitution béninoise. En avril prochain, il devra passer la main à son successeur. Cette transition intervient dans un climat particulièrement tendu. L’exclusion des Démocrates de la course présidentielle prive une partie significative de l’opposition d’une participation légale au scrutin.
Les critiques se multiplient sur la restriction de l’espace politique. Certains observateurs estiment que cette situation favorise la montée des frustrations, voire des actions extrajudiciaires. Le pouvoir en place, de son côté, présente ces mesures comme nécessaires pour préserver la stabilité institutionnelle.
Le Bénin a longtemps été présenté comme un modèle de démocratie en Afrique de l’Ouest. Ces derniers événements interrogent cette image. La manière dont les autorités gèrent cette crise pourrait influencer durablement la perception régionale du pays.
Les suites judiciaires attendues
Les prochains jours et semaines seront décisifs. Le procès de Soumaïla Sounon Boké fixé au 30 décembre constituera un premier test. D’autres audiences pourraient suivre rapidement. La Criet, créée pour traiter des infractions graves, joue un rôle central dans ce dossier.
Les avocats des personnes mises en cause préparent leur défense. Certains dénoncent déjà une instrumentalisation de la justice à des fins politiques. Le gouvernement, quant à lui, insiste sur le caractère strictement judiciaire de ces procédures.
Quelle que soit l’issue des procès, l’affaire laissera des traces. Elle révèle les fractures profondes au sein de la société béninoise et pose la question de la gestion de l’opposition dans un contexte de fin de mandat présidentiel.
Impacts potentiels sur la stabilité régionale
Le Bénin n’est pas isolé. Ses voisins, notamment le Nigeria, ont apporté un soutien rapide lors de la tentative de coup. Cette solidarité régionale montre que les autorités craignent un effet domino. Toute déstabilisation prolongée au Bénin pourrait avoir des répercussions au-delà de ses frontières.
Par ailleurs, l’implication française dans le dénouement de la crise rappelle les liens historiques et sécuritaires entre Paris et Cotonou. Ces partenariats continuent d’alimenter les débats sur la souveraineté et l’influence extérieure en Afrique de l’Ouest.
Une société civile sous tension
La population suit ces développements avec inquiétude. Les réseaux sociaux bruissent de commentaires, de rumeurs et d’analyses. Certains expriment leur soutien aux personnes arrêtées, d’autres saluent l’action ferme des autorités pour protéger les institutions.
Dans les marchés, les quartiers populaires et les universités, les discussions tournent autour de la même question : comment le pays en est-il arrivé là ? La crainte d’une escalade sécuritaire coexiste avec l’espoir d’un retour rapide à la normale.
Les acteurs de la société civile, ONG, syndicats et associations, observent attentivement. Leur marge de manœuvre reste limitée dans un climat où toute critique peut être interprétée comme un soutien implicite aux putschistes.
Vers une transition présidentielle sous haute surveillance
À quelques mois de l’élection présidentielle, le climat reste électrique. Les candidats potentiels doivent naviguer entre expression de leurs idées et prudence face à une justice particulièrement active. L’absence de certains partis d’opposition prive le débat d’une partie de ses voix habituelles.
Le président sortant, qui ne se représente pas, reste au centre de l’attention. Sa gestion de cette crise influencera sans doute la manière dont l’histoire retiendra son second mandat. Pour beaucoup, ces événements constituent le test ultime de sa capacité à transmettre le pouvoir dans la stabilité.
Le Bénin se trouve à un carrefour. Les semaines à venir diront si la tentative de coup d’État du 7 décembre restera un épisode isolé ou si elle marque le début d’une période d’instabilité prolongée. Les regards sont tournés vers Cotonou, où se joue désormais l’avenir politique du pays.
Les enquêtes se poursuivent, les auditions continuent, et les cellules des prisons se remplissent. Dans ce contexte, chaque nouvelle arrestation alimente les spéculations et les interrogations. Le silence des principaux concernés laisse place à de nombreuses interprétations.
Une chose est sûre : le Bénin ne sortira pas indemne de cette affaire. Les cicatrices politiques et sociales mettront du temps à se refermer. Et pendant ce temps, le compte à rebours vers avril continue de tourner.
Les prochains jours apporteront peut-être de nouveaux éléments. En attendant, le pays retient son souffle, conscient que l’histoire s’écrit sous ses yeux, dans les couloirs de la justice et dans les rues de Cotonou.









