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Mercenaires Colombiens au Soudan : Des Andes au Darfour

Des Andes aux champs de bataille du Darfour, des centaines d'anciens soldats colombiens ont été attirés par des salaires élevés pour combattre au Soudan. Mais beaucoup y ont perdu la vie dans une guerre impitoyable. Qui tire les ficelles de ce réseau ?

Imaginez un homme quittant les montagnes verdoyantes des Andes pour se retrouver au cœur d’un désert aride, où la mort rôde à chaque coin. Des centaines d’anciens soldats colombiens ont fait ce voyage improbable, attirés par la promesse d’un avenir meilleur. Pourtant, ce qui les attendait au Soudan n’était pas la sécurité, mais une guerre civile impitoyable, marquée par des massacres, des viols et une famine sans précédent.

Depuis avril 2023, le Soudan est déchiré par un conflit entre l’armée régulière et les Forces de soutien rapide (FSR). Ce qui a commencé comme une lutte de pouvoir s’est transformé en une des pires crises humanitaires du monde, avec des dizaines de milliers de morts et plus de 12 millions de déplacés. Au milieu de ce chaos, des mercenaires étrangers, notamment des Colombiens, ont fait leur apparition.

Des Andes aux champs de bataille soudanais

Les premiers mercenaires colombiens ont débarqué au Soudan au milieu de l’année 2024. Un ancien soldat de 33 ans fait partie de ce groupe initial. Trois mois plus tard, il perd la vie lors d’une offensive des FSR pour contrôler le Darfour. Sa veuve, anonyme par peur des représailles, attend toujours que son corps soit rapatrié en Colombie.

Avec l’aide de ces combattants expérimentés, les paramilitaires des FSR ont finalement pris le contrôle d’El-Facher fin octobre. Cette ville, dernière grande place forte échappant à leur emprise dans la région occidentale, est devenue le théâtre de combats acharnés. Des vidéos montrent des mercenaires colombiens traversant les ruines du camp de déplacés de Zamzam, où plus de 1 000 personnes ont péri lors d’une attaque en avril.

Sur ces images, on entend l’accent colombien commenter la destruction totale : « Tout est détruit ». D’autres scènes les montrent posant avec des enfants armés de fusils d’assaut. Tragiquement, l’un d’eux apparaît mort sur des photos diffusées par les forces alliées à l’armée soudanaise.

Un recrutement discret et sophistiqué

Le recrutement commence souvent par un simple message sur WhatsApp. Un vétéran colombien de 37 ans reçoit une offre : « Des vétérans intéressés par un emploi ? Nous recherchons des réservistes issus de toute force armée. » L’interlocuteur promet un salaire attractif, jusqu’à six fois supérieur à une pension militaire.

L’escale initiale est Dubaï, présentée comme un lieu de formation courte. Mais rapidement, les recrues apprennent que le vrai déploiement est en Afrique. Méfiant, certains refusent ; d’autres acceptent, ignorant le piège qui les attend.

Plusieurs itinéraires sont utilisés pour rejoindre le Soudan. Le premier passe par l’est de la Libye, zone contrôlée par Khalifa Haftar. Un mercenaire, Christian Lombana, partage même ses déplacements sur les réseaux sociaux. Sa vidéo est géolocalisée dans le désert libyen. Quelques jours plus tard, il est tué en embuscade au Darfour.

Le rôle clé du colonel à la retraite

Derrière ce réseau se trouve un colonel colombien à la retraite, Alvaro Quijano. Il co-fonde en 2017 une agence de formation à la sécurité, officiellement légitime. Mais selon des sources, elle sert de couverture pour recruter des centaines de combattants, y compris des mineurs.

En décembre, les États-Unis sanctionnent Quijano et plusieurs associés pour leur rôle dans ce « réseau transnational ». Son ancien associé, Omar Rodriguez, dénonce aujourd’hui des pratiques de « traite d’êtres humains » visant à placer 2 500 hommes au Soudan.

Pour brouiller les pistes, le réseau change d’itinéraire. Depuis mars, les mercenaires transitent par Bosaso, en Somalie. Des témoins voient des groupes d’hommes à la peau claire, en tenue militaire, embarquer dans des avions-cargos. Une section de l’aéroport est réservée à des responsables militaires émiratis.

Les liens avec les Émirats arabes unis

Des documents montrent que les salaires sont versés par une société basée aux Émirats arabes unis, Global Security Services Group. Des contrats signés par des Colombiens autorisent cette entreprise à payer via une société panaméenne.

Abou Dhabi est accusé par le gouvernement soudanais et des rapports internationaux de soutenir les FSR. Le pays nie catégoriquement toute implication, dénonçant une « campagne de désinformation ». Pourtant, les preuves s’accumulent : transit via des bases émiraties, financements suspects.

Les mercenaires colombiens sont particulièrement recherchés pour leur expertise en drones et en artillerie. Leur expérience dans les conflits internes colombiens les rend efficaces dans ce type de guerre.

Une crise humanitaire sans fin

Le conflit au Soudan a déjà causé des dizaines de milliers de morts et déplacé 12 millions de personnes. L’ONU parle de la pire crise humanitaire actuelle. Les FSR sont accusés d’atrocités : massacres ethniques, viols systématiques, famine utilisée comme arme.

Des deux côtés, des mercenaires étrangers interviennent. Mais l’opération colombienne se distingue par sa sophistication et son ampleur. Des enfants sont même recrutés et formés par ces combattants.

En Colombie, l’indignation est grande. Des compatriotes se battent déjà en Ukraine, en Haïti ou en Afghanistan. Le Parlement a adopté une loi interdisant le recrutement de mercenaires, mais trop tard pour beaucoup.

Les familles dans l’ombre

Peu de familles parlent publiquement. Par peur de compromettre les indemnités d’assurance-vie, elles restent silencieuses. Une cousine raconte comment les cendres d’un jeune de 25 ans sont revenues en Colombie.

Leurs histoires révèlent la détresse de ceux qui ont perdu un proche dans une guerre lointaine. Les mercenaires, appâtés par l’argent, se retrouvent piégés dans un conflit qu’ils ne comprennent pas toujours.

Le réseau continue malgré les sanctions. Les itinéraires changent, mais le flux persiste. Les ressources du Soudan – or, terres fertiles, position stratégique – attirent les rivalités régionales.

Des Andes au Darfour, ce périple tragique montre comment des conflits locaux deviennent des guerres par procuration. Les mercenaires colombiens en sont les victimes et les acteurs involontaires.

La guerre continue. Les familles attendent. Et le monde observe, impuissant face à cette spirale de violence.

Ce récit repose sur des témoignages, des documents et des analyses géolocalisées. Il met en lumière un aspect peu connu d’un conflit dévastateur.

Le Soudan reste un pays en ruines. Les mercenaires, eux, continuent d’arriver, attirés par des promesses qui masquent la réalité de la mort.

Une histoire qui rappelle que la guerre est un business cruel, où les vies se vendent au plus offrant.

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