ÉconomieInternational

Castel Accusé De Chantage Par Ex-Associé Chinois

Le géant bordelais du vin Castel est englué dans une bataille judiciaire acharnée avec son ex-intermédiaire en Chine. Accusations de chantage, montages offshore, enquêtes pour blanchiment... Qui sortira vainqueur de ce conflit qui menace de révéler les coulisses d'un empire ?

Imaginez un empire du vin bâti sur des décennies de succès, soudain secoué par des accusations graves venues d’un partenaire de longue date. C’est exactement ce qui arrive au groupe Castel, leader français dans le secteur des boissons, actuellement empêtré dans un conflit judiciaire avec son ancien intermédiaire sur le marché chinois. Cette affaire mêle ambitions internationales, structures financières complexes et reproches mutuels qui pourraient bien ternir une réputation solidement établie.

Une Collaboration Historique Tourne Au Conflit

Tout a commencé à la fin des années 1990, lorsque le groupe français a décidé de conquérir le gigantesque marché chinois du vin. Pour y parvenir, il s’est associé à un homme d’affaires expérimenté, né au Cambodge et détenteur de nationalités suisse et canadienne. Cet intermédiaire, âgé aujourd’hui de 77 ans, est devenu la pièce centrale des opérations en Chine.

À travers plusieurs coentreprises avec Changyu, un acteur historique et majeur du vin en Chine, les deux parties ont développé des activités fructueuses. Le groupe français, numéro un dans son pays pour le vin et dominant en Afrique pour la bière, a trouvé en cet associé un allié précieux pour naviguer les complexités locales.

Une structure spécifique a été mise en place pour gérer les flux financiers. Une société basée à Singapour, détenue à 30 % par l’intermédiaire et à 70 % par le groupe français, collectait les bénéfices issus des coentreprises chinoises. Après prélèvement d’une commission, ces sommes étaient transférées vers une filiale située à Gibraltar.

Les Premiers Signes De Rupture

Cette collaboration harmonieuse a duré plus d’une décennie, mais les tensions sont apparues autour de 2010. La séparation s’est concrétisée par deux accords financiers prévoyant le versement d’environ trois millions d’euros à l’ancien partenaire. Ce dernier a cependant estimé que cette indemnisation restait largement insuffisante au regard de sa contribution.

L’intermédiaire a exprimé publiquement sa frustration, déclarant avoir beaucoup souffert de cette situation et se sentir lésé. De son côté, le groupe français, par la voix de son avocat, affirme que toutes les obligations ont été respectées depuis la signature de ces protocoles en 2010 et 2011.

Ce désaccord initialement contractuel a rapidement pris une tournure plus conflictuelle. Plusieurs décisions de justice civiles ont été rendues en défaveur de l’ancien associé, poussant le groupe à déposer une plainte pénale pour chantage.

Des Messages Au Cœur De La Controverse

Le cœur de l’accusation repose sur une série d’échanges écrits datant de 2016 et 2017. Dans ces messages, l’intermédiaire mettait en garde contre les risques d’une escalade du conflit, évoquant notamment la possibilité d’alerter les autorités fiscales françaises.

Pour le groupe Castel, ces formulations constituent des tentatives claires d’extorsion, motivées par une revendication financière sans fondement légal. L’avocat de la défense de l’intermédiaire présente une vision radicalement différente : ces écrits ne seraient que des invitations à trouver un arrangement amiable face à un problème existant.

« Les messages, c’est : « Nous avons un problème, il faut qu’on s’arrange ». »

Avocat de l’intermédiaire

L’ancien partenaire conteste également la manière dont la collaboration s’est terminée, refusant d’accepter ce qu’il perçoit comme un renvoi brutal après plus de quinze années de loyaux services.

Soupçons Sur La Gestion Des Bénéfices

Au-delà des accusations personnelles, l’affaire soulève des questions sur la répartition réelle des profits générés en Chine. La défense de l’intermédiaire soupçonne une minimisation artificielle des bénéfices déclarés par les coentreprises, ce qui aurait réduit mécaniquement les commissions dues.

En analysant les comptes publiés par le partenaire chinois, l’équipe juridique de l’ancien associé estime que les bénéfices cumulés sur près de deux décennies atteindraient plusieurs dizaines de millions d’euros. Une partie substantielle de ces sommes aurait dû revenir à la structure singapourienne, puis être redistribuée.

Des écarts significatifs apparaissent entre les chiffres publiés côté chinois et ceux déclarés par les entités françaises ou gibraltariennes. Ces divergences alimentent les soupçons d’une optimisation poussée, voire de pratiques destinées à réduire la visibilité des flux réels.

Le groupe Castel rejette fermement ces interprétations. Selon son représentant légal, si une quelconque minoration avait eu lieu du côté chinois, elle aurait pénalisé l’ensemble des actionnaires, y compris le groupe français lui-même.

Un Empire Aux Chiffres Impressionnants

Pour comprendre l’enjeu de cette affaire, il faut mesurer l’ampleur du groupe impliqué. Fondé par un entrepreneur visionnaire aujourd’hui âgé de 99 ans, il réalise un chiffre d’affaires annuel dépassant les six milliards d’euros.

Le segment vin représente à lui seul plus d’un milliard d’euros, porté par de nombreuses marques accessibles au grand public. Caves à vin, bulles festives, rosés estivaux : le portefeuille couvre tous les segments du marché français quotidien.

Basé près de Bordeaux, dans une région symbole de l’excellence vinicole française, le groupe a su diversifier ses activités tout en conservant une forte implantation africaine dans la bière. Cette réussite mondiale rend d’autant plus scrutées les pratiques internationales du groupe.

Des Enquêtes Multiples En Parallèle

L’affaire ne se limite pas au seul volet pénal pour chantage. Plusieurs procédures distinctes examinent les aspects fiscaux et comptables des opérations chinoises.

Une première investigation pour présentation de comptes inexacts s’est conclue par une décision de non-lieu, motivée par la prescription des faits. D’autres enquêtes restent cependant ouvertes et actives.

Depuis 2022, une procédure pour blanchiment de fraude fiscale est en cours, avec plusieurs auditions déjà réalisées par les autorités spécialisées. Par ailleurs, une information judiciaire a été ouverte à Bordeaux suite à une plainte déposée par l’ancien intermédiaire lui-même.

Côté fiscal pur, le groupe a fait l’objet d’un redressement concernant les bénéfices perçus via la structure gibraltarienne. Ce dossier, d’un montant de plusieurs millions d’euros, est désormais considéré comme clos selon la défense.

Vers Un Procès Très Attendu

L’audience correctionnelle pour les faits de chantage reste à calendarier, mais elle s’annonce comme un moment clé. La défense de l’intermédiaire espère que ce procès permettra d’éclaircir les conditions de la rupture et les pratiques financières du groupe.

De l’autre côté, les représentants du géant bordelais insistent sur le fait que cette procédure concerne exclusivement les agissements de l’ancien partenaire, et non l’organisation globale de l’entreprise.

Un accord amiable de dernière minute reste théoriquement possible, même si les positions semblent très éloignées. Quoi qu’il arrive, cette affaire illustre les risques inhérents aux grandes expansions internationales dans des marchés complexes.

Elle met également en lumière les défis de la gouvernance des partenariats longue durée, où la confiance initiale peut laisser place à des conflits douloureux lorsque les intérêts divergent. Dans le monde des affaires globalisées, les succès spectaculaires s’accompagnent souvent de zones d’ombre qu’un différend peut soudain illuminer.

Ce dossier continuera sans doute à évoluer dans les mois à venir, avec des implications potentielles bien au-delà des seules parties impliquées. Il rappelle que derrière les étiquettes prestigieuses et les chiffres d’affaires colossaux se jouent parfois des batailles humaines intenses.

À retenir : Une collaboration fructueuse en Chine s’est transformée en conflit majeur, opposant un géant français du vin à son ancien intermédiaire. Au menu : accusations de chantage, soupçons sur les flux financiers, et plusieurs enquêtes en cours qui pourraient révéler bien plus que prévu.

Dans un secteur où la réputation compte autant que les résultats financiers, l’issue de cette affaire sera scrutée avec attention par l’ensemble de la filière vinicole française. Elle pourrait influencer la manière dont les entreprises abordent leurs partenariats internationaux à l’avenir.

Pour l’instant, le suspense reste entier. Les prochains développements judiciaires diront si ce conflit se résout dans la discrétion d’un accord ou dans la lumière crue d’un procès très médiatisé.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.