Les élections législatives 2024 ont redessiné le paysage politique français, laissant de nombreuses questions en suspens quant à l’avenir de nos institutions démocratiques. Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol), nous livre son analyse approfondie de ce scrutin historique.
Un scrutin qui obscurcit le paysage politique
Selon Dominique Reynié, ces législatives n’ont fait qu’obscurcir le paysage politique, ne permettant pas de dégager de « vainqueur clair ». Malgré le récit orchestré par la gauche, celle-ci n’a jamais été aussi minoritaire dans le pays.
Pour les Français, ce n’est pas rien de voir que l’on s’est ligué pour empêcher la victoire du premier parti de France.
Dominique Reynié
Le barrage républicain contre le Rassemblement national a certes fonctionné, mais il soulève des questions sur le fonctionnement de notre démocratie. Est-ce une victoire quand on se ligue pour empêcher le premier parti du pays d’accéder au pouvoir ?
L’émergence d’un “Nouveau Front Populaire”
L’alliance des gauches, baptisée “Nouveau Front Populaire” par certains, est présentée comme la grande gagnante de ce scrutin. Pourtant, Dominique Reynié relativise cette victoire :
La gauche n’a jamais été aussi minoritaire dans le pays. Son score cumulé est historiquement bas.
Dominique Reynié
Selon le politologue, cette alliance est avant tout une alliance de circonstance pour faire barrage au RN. Reste à voir si elle saura durer et proposer un projet alternatif crédible.
Un vote sanction contre le pouvoir en place
Plus qu’une adhésion aux idées de l’extrême-droite ou de la gauche radicale, ce scrutin traduit surtout un vote sanction contre le pouvoir en place et la politique menée par Emmanuel Macron.
Les Français ont voulu sanctionner un pouvoir jugé trop vertical, trop déconnecté des réalités. Mais ce vote ne résout en rien la crise de défiance envers la politique.
Dominique Reynié
Au contraire, l’émergence d’un paysage politique morcelé, sans majorité claire, risque de renforcer le sentiment d’impuissance de l’action politique et d’alimenter la défiance.
Quelles conséquences pour nos institutions ?
Avec une Assemblée nationale ingouvernable, le risque est grand de voir le pays paralysé, incapable de mener les réformes nécessaires. Dominique Reynié s’inquiète des conséquences à long terme pour nos institutions :
Nous entrons dans une zone de turbulences institutionnelles. Le risque est celui d’une cohabitation conflictuelle, d’un blocage généralisé qui ne ferait qu’aggraver la crise de confiance envers la politique.
Dominique Reynié
Face à cette situation inédite sous la Ve République, il appelle à une réflexion de fond sur l’évolution de nos institutions pour les adapter aux nouveaux défis démocratiques.
Quel avenir pour notre démocratie ?
Au-delà des résultats, ces législatives interrogent sur l’état de santé de notre démocratie. La montée des extrêmes, l’abstention record, la défiance envers les élites politiques sont autant de symptômes d’un malaise profond.
Notre démocratie est à un tournant. Il est urgent de retisser le lien entre les citoyens et leurs représentants, de refonder un projet collectif qui redonne sens à l’engagement politique.
Dominique Reynié
Pour le directeur de la Fondapol, cela passe par une rénovation profonde de nos pratiques démocratiques, une plus grande proximité des élus, mais aussi un travail de pédagogie sur le sens et les enjeux de la vie politique.
Ces élections législatives 2024 resteront comme un scrutin historique qui aura profondément bousculé notre vie politique. Elles ouvrent une période d’incertitudes et de défis pour notre démocratie. Saura-t-on en tirer les leçons pour construire l’avenir ? C’est tout l’enjeu des prochains mois.
