InternationalPolitique

Soudan du Sud : L’ONU Ferme Ses Bases en Pleine Crise

Le Soudan du Sud, encore marqué par une guerre civile dévastatrice, voit la mission de l'ONU fermer plusieurs bases malgré une situation sécuritaire explosive. Coupes budgétaires ou abandon prématuré ? Les employés locaux dénoncent la précipitation, tandis que certains habitants estiment que le pays doit apprendre à se débrouiller seul. Mais alors que des milliers de civils continuent de fuir les violences...

Imaginez un pays encore hanté par les cicatrices d’une guerre civile qui a coûté la vie à des centaines de milliers de personnes. Un pays où la paix reste fragile, où les violences éclatent régulièrement, et où des millions de citoyens dépendent d’une présence internationale pour leur sécurité. Pourtant, c’est précisément dans ce contexte que l’ONU décide de réduire sa présence. Au Soudan du Sud, la mission de maintien de la paix commence à fermer plusieurs bases, une décision qui interroge profondément.

Une décision qui surprend dans un contexte explosif

Le Soudan du Sud, indépendant depuis quatorze ans, n’a jamais vraiment connu la stabilité. Après une guerre civile sanglante entre 2013 et 2018, le pays reste marqué par des tensions profondes. Cette année, les craintes d’un nouveau conflit ont été ravivées par des événements politiques majeurs, notamment l’arrestation du vice-président et son inculpation pour crimes contre l’humanité.

Dans ce climat tendu, la mission des Nations Unies, connue sous le nom de Minuss, joue un rôle crucial depuis sa création en 2011. Elle protège les civils, facilite l’aide humanitaire et contribue à stabiliser les régions les plus vulnérables. Pourtant, malgré les alertes répétées sur la fragilité sécuritaire, plusieurs bases sont en train d’être fermées.

Des bases qui se vident sous les yeux des habitants

À Torit, dans le sud du pays, la scène est éloquente. Des véhicules blindés aux couleurs de l’ONU encadrent des camions chargés qui quittent la base. Des centaines de personnes y étaient déployées il y a encore peu : casques bleus, personnel de sécurité, employés locaux. Aujourd’hui, l’activité s’estompe, laissant un sentiment d’abandon.

Cette base n’est pas un cas isolé. D’autres sites, comme ceux d’Aweil au nord, près de la frontière avec le Soudan, de Warrap, théâtre d’affrontements interclaniques meurtriers, et de Rumbek au centre, sont également concernés par ces fermetures imminentes.

Pour les observateurs sur place, le contraste est saisissant. Une région où des combats ont été signalés régulièrement cette année voit partir ceux qui étaient censés protéger la population.

Les coupes budgétaires à l’origine du retrait

La raison officielle est claire : des contraintes financières. Les missions de maintien de la paix de l’ONU subissent des réductions importantes, notamment sous l’effet de décisions américaines impactant les budgets. Pour la Minuss, cela se traduit par une diminution de 25 % des effectifs militaires et policiers dans les mois à venir.

Le responsable des opérations de paix à l’ONU l’a confirmé récemment : fermetures de bureaux de terrain, rapatriement de personnel en uniforme déjà en cours, réduction des employés nationaux et internationaux. Une reconfiguration forcée qui touche de nombreuses missions à travers le monde.

Cette rationalisation budgétaire intervient alors que la Minuss comptait encore, avant ces annonces, plus de 13 000 militaires et 1 500 policiers. Un effectif conséquent pour un pays aussi vaste et instable.

L’impact sur les employés locaux

Pour ceux qui travaillaient sur place, la nouvelle a été un choc. Un responsable des employés sud-soudanais a exprimé sa frustration face à cette mesure prise sans préparation adéquate. Beaucoup se retrouvent soudain sans emploi, sans perspective immédiate.

Aucun dispositif n’a été mis en place pour accompagner leur transition, tout s’est fait dans la hâte.

Ces postes représentaient souvent le principal moyen de subsistance pour des familles entières dans des régions où les opportunités économiques sont rares. Le départ précipité laisse un vide humain autant que sécuritaire.

Un pays toujours au bord du précipice

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Depuis le début de l’année, près de 1 850 personnes ont été tuées, plus de 1 690 blessées et plus de 420 enlevées. Des chiffres qualifiés d’inadmissibles par le Haut-Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, qui a décrit le pays comme étant au bord du gouffre.

À cela s’ajoutent deux millions de déplacés internes et des centaines de milliers de personnes ayant fui vers les pays voisins. Le Soudan du Sud accueille lui-même plus d’un million de réfugiés venant du Soudan en guerre.

L’aide internationale atteint des niveaux historiquement bas, alors que les besoins n’ont jamais été aussi criants. Dans ce contexte, la réduction de la présence onusienne apparaît à beaucoup comme un signal inquiétant.

Des voix divergentes sur l’efficacité de la Minuss

Tous ne voient pas ce retrait d’un mauvais œil. Certains habitants, comme cet habitant de Torit interrogé récemment, estiment qu’il est temps pour le pays de prendre son destin en main.

Laissons-les partir. Le Soudan du Sud doit apprendre à se gérer seul.

Un analyste local va plus loin, affirmant que la fermeture des bases n’aura pas d’impact significatif sur la population. Selon lui, la présence de la Minuss n’a jamais vraiment empêché les conflits.

Il pointe les violences persistantes malgré des milliards dépensés et les mandats non pleinement remplis. Une critique récurrente à l’encontre des missions de paix : une présence symbolique plus qu’efficace face à des dynamiques locales complexes.

Entre nécessité budgétaire et responsabilité internationale

Cette situation pose une question plus large : jusqu’où les contraintes financières peuvent-elles justifier un retrait dans des contextes aussi fragiles ? La communauté internationale a investi massivement dans la stabilisation du Soudan du Sud depuis son indépendance.

La Minuss a protégé des civils dans des camps, facilité la distribution d’aide, surveillé les cessez-le-feu. Son départ progressif risque de créer des vides que les forces nationales, encore divisées, peinent à combler.

Les régions concernées par les fermetures sont souvent celles où les tensions intercommunautaires ou politiques sont les plus vives. Le timing apparaît d’autant plus délicat que des incertitudes planent sur l’avenir politique du pays.

Vers une autonomie forcée ?

Pour certains, ce retrait pourrait être l’occasion d’une prise de responsabilité accrue des autorités sud-soudanaises. Le pays dispose de ressources, mais la gouvernance reste un défi majeur. La corruption, les divisions ethniques et politiques freinent toute avancée durable.

Pour d’autres, c’est un abandon qui risque d’aggraver la spirale de violence. Les organisations humanitaires, déjà sous-financées, craignent une détérioration rapide de la situation.

Le débat est ouvert : la présence internationale prolongée favorise-t-elle vraiment la paix, ou empêche-t-elle le pays de trouver ses propres solutions ?

Les défis à venir pour le Soudan du Sud

Quoi qu’il en soit, le Soudan du Sud fait face à des défis immenses. La réconciliation nationale reste inachevée. Les accords de paix signés en 2018 n’ont été que partiellement mis en œuvre.

Les violences locales, souvent liées à des questions de bétail, de terres ou de ressources, continuent de faire des victimes. L’insécurité alimentaire touche des millions de personnes.

Dans ce tableau sombre, le départ partiel de la Minuss ajoute une couche d’incertitude. Les prochains mois seront décisifs pour mesurer les conséquences réelles de cette décision.

Le monde observe, mais le quotidien des Sud-Soudanais, lui, continue entre espoir ténu et réalité brutale. Une réalité qui rappelle que la paix, une fois brisée, demande des années, voire des décennies, pour être reconstruite solidement.

En résumé : Le retrait progressif de la Minuss illustre les dilemmes du maintien de la paix contemporain. Entre impératifs budgétaires et devoir de protection, le Soudan du Sud se trouve à un tournant. La communauté internationale doit réfléchir à la meilleure façon d’accompagner ce jeune État sans le laisser sombrer à nouveau dans le chaos.

Ce qui se joue aujourd’hui dépasse les seules bases fermées. C’est l’avenir d’un peuple qui tente, malgré tout, de se relever.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.