Imaginez une capitale plongée dans le chaos en quelques heures seulement. Des milliers de personnes dans les rues, des cris de colère, des flammes qui s’élèvent vers le ciel nocturne. Hier, à Dacca, cette scène est devenue réalité après l’annonce d’un décès qui a ravivé de vieilles blessures.
Une mort qui met le feu aux poudres
Le Bangladesh traverse une nouvelle vague de tensions depuis jeudi. Tout a commencé avec la confirmation du décès de Sharif Osman Hadi, âgé de 32 ans. Ce jeune homme n’était pas un inconnu : il incarnait une partie de la contestation qui avait secoué le pays en 2024.
Grièvement blessé lundi lors d’une attaque armée par des assaillants masqués, il avait été transféré à Singapour pour recevoir des soins d’urgence. Malgré les efforts médicaux, il n’a pas survécu. L’annonce de sa mort a immédiatement déclenché une vague de colère dans la capitale.
Des milliers de manifestants ont envahi les rues, réclamant justice et l’arrestation rapide des responsables. Ce qui aurait pu rester une manifestation pacifique a rapidement dégénéré en violences généralisées.
Des violences ciblées contre les médias
Parmi les cibles principales des émeutiers : les sièges des deux plus grands quotidiens du pays. Ces bâtiments ont été incendiés et vandalisés dans la soirée de jeudi. Les autorités ont rapporté des dégâts considérables.
À l’intérieur de l’un de ces journaux, la situation était dramatique. Des employés se sont retrouvés piégés par la fumée envahissant les locaux. Les pompiers sont intervenus tard dans la nuit pour les évacuer.
« Je n’arrive plus à respirer. Il y a trop de fumée. Je suis à l’intérieur. »
Ces mots, postés sur les réseaux sociaux par une journaliste sur place, témoignent de la panique vécue par les équipes. Pour la première fois dans l’histoire de ce média, la publication a dû être suspendue.
Le rédacteur en chef a exprimé sa profonde tristesse face à cet arrêt forcé. Son confrère du second quotidien touché a qualifié les événements d’attaque directe contre des valeurs fondamentales.
« C’est une attaque contre la liberté de la presse, d’expression, de dissidence et la diversité des opinions. »
Ces mots résument le sentiment de nombreux observateurs. Les deux journaux, parmi les plus influents du pays, sont souvent accusés par certains de pencher en faveur de l’Inde voisine.
Un contexte politique hautement inflammable
Pour comprendre l’ampleur de la colère, il faut remonter à l’année précédente. En août 2024, l’ancienne Première ministre Sheikh Hasina a quitté le pouvoir et s’est exilée en Inde. Ce départ a marqué la fin d’une ère et le début d’une période de transition fragile.
Sharif Osman Hadi était une voix critique, notamment à l’égard de l’Inde, perçue par certains comme ayant soutenu l’ancien régime. Membre actif du mouvement étudiant Inqilab Mancha, il avait même annoncé sa candidature aux élections législatives prévues pour février prochain.
Sa mort arrive donc à un moment particulièrement sensible. Les manifestants y voient non seulement un assassinat ciblé, mais aussi une tentative de faire taire l’opposition avant le scrutin.
Le Comité de protection des journalistes (CPJ) a rapidement réagi. Dans un communiqué, l’organisation s’est dite préoccupée par les attaques contre les médias. Elle appelle les autorités à protéger les journalistes et à poursuivre les responsables.
La réponse des autorités face à la crise
Face à l’escalade, le gouvernement n’est pas resté inactif. Vendredi, des troupes supplémentaires ont été déployées dans la capitale pour rétablir l’ordre. Les forces de sécurité tentent de contenir une situation qui pourrait dégénérer davantage.
Le mouvement Inqilab Mancha, dont était issu la victime, a publié un communiqué important. Tout en exprimant sa douleur, il prend ses distances avec les violences de jeudi soir.
Les responsables du mouvement accusent des « opportunistes » d’avoir profité du rassemblement pour commettre des actes de vandalisme. Selon eux, ces actions visent à déstabiliser le pays.
« Ils veulent mettre en péril l’indépendance et la souveraineté du pays. »
Cette déclaration montre la complexité de la situation. Même au sein des groupes contestataires, les positions divergent sur la manière de réagir.
Les enjeux profonds derrière les flammes
Au-delà des événements immédiats, cette crise révèle des fractures profondes dans la société bangladaise. La question de la liberté de la presse est au cœur des débats. Quand des médias sont attaqués physiquement, c’est tout le droit à l’information qui est menacé.
Les accusations récurrentes contre certains journaux illustrent aussi les tensions géopolitiques. L’Inde, voisin puissant, est souvent au centre des controverses. Son rôle passé dans les affaires bangladaises reste un sujet brûlant.
La mort de Sharif Osman Hadi cristallise ces ressentiments. Pour beaucoup de jeunes, il représentait l’espoir d’un changement réel après les événements de 2024. Sa disparition brutale ravive le sentiment d’injustice.
Les élections à venir ajoutent une pression supplémentaire. Dans moins de deux mois, les Bangladais devront choisir leurs représentants. Dans ce contexte, chaque incident peut influencer l’opinion publique.
Vers une sortie de crise incertaine
Aujourd’hui, la situation reste tendue à Dacca. Les déploiements militaires visent à prévenir de nouvelles violences, mais la colère populaire est toujours palpable. Les appels à la justice pour la victime se multiplient.
Les médias touchés tentent de reprendre leurs activités malgré les dégâts. Leur rôle dans la couverture des événements sera crucial dans les jours à venir. Informer sans pouvoir publier normalement représente un défi majeur.
Le pays se trouve à un carrefour. La manière dont les autorités géreront cette crise pourrait définir l’avenir proche. Trouver les responsables de l’attaque contre Sharif Osman Hadi sera un test important.
Par-delà les flammes et les fumées, c’est toute la question de la réconciliation nationale qui se pose. Le Bangladesh a connu des bouleversements majeurs ces derniers mois. La transition démocratique reste fragile.
Les prochaines heures et les prochains jours seront déterminants. La communauté internationale observe avec attention. La protection des libertés fondamentales, dont celle de la presse, est en jeu.
Dans cette période trouble, une chose est sûre : les Bangladais aspirent à la stabilité et à la justice. Reste à savoir si les événements tragiques de ces derniers jours permettront d’avancer vers ces objectifs, ou s’ils ne feront que creuser les divisions existantes.
À retenir : La mort d’une figure de l’opposition a déclenché des émeutes d’une rare violence à Dacca, avec des attaques ciblées contre des médias majeurs et un déploiement massif de troupes pour contenir la situation.
Cette crise illustre parfaitement les défis auxquels fait face le Bangladesh en cette fin d’année 2025. Entre héritage du passé et espoirs d’avenir, le pays navigue en eaux troubles.
Les regards sont tournés vers les autorités, mais aussi vers la société civile. La capacité à transformer la colère en dialogue constructif sera déterminante. Pour l’instant, la tension domine le paysage de Dacca.
Les événements de ces derniers jours marqueront sans doute longtemps les esprits. Ils rappellent que la démocratie, même en transition, reste un processus fragile qui demande vigilance et engagement de tous.
Le Bangladesh continue son chemin, entre souvenirs de révolte et aspirations à la paix. L’histoire s’écrit jour après jour, et les prochains chapitres dépendront largement des choix faits dans les semaines à venir.









