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Condamnée à 10 Ans : L’Histoire Troublante d’une Revenante de Daesh

Une jeune Française partie à 18 ans en Syrie, mariée à des cadres de Daesh, mère de deux enfants... Rapatriée en 2022, elle vient d'être condamnée à 10 ans de prison. Comment a-t-elle basculé ? Et pourquoi a-t-elle fermé les yeux sur les horreurs ? L'histoire est glaçante...

Imaginez une adolescente de 18 ans, issue d’une famille chrétienne ordinaire en région parisienne, qui décide un jour de tout quitter pour rejoindre l’État islamique en Syrie. Ce n’est pas un scénario de film, mais la réalité vécue par Carole Sun, une femme aujourd’hui âgée de 30 ans, qui vient d’être condamnée à dix ans de réclusion criminelle.

Son histoire, marquée par la radicalisation, les mariages avec des figures du jihad et une vie au cœur de l’organisation terroriste, soulève des questions profondes sur les mécanismes de l’engagement extrémiste et les défis du rapatriement. Ce jugement, rendu devant une cour d’assises spéciale, illustre la complexité de ces dossiers qui continuent d’arriver devant la justice française.

Une Peine de Dix Ans pour Association de Malfaiteurs Terroriste

Après trois jours d’audience intense, la cour a reconnu Carole Sun coupable d’association de malfaiteurs terroriste. La sentence prononcée est lourde : dix ans de prison, assortis d’une période de suivi socio-judiciaire de cinq ans et d’une obligation de soins.

Cette affaire n’est pas isolée. Elle concerne la deuxième femme rapatriée des camps syriens à être jugée dans ce cadre spécifique à Paris. L’avocate générale avait requis douze ans, soulignant non seulement l’enjeu d’ordre public, mais aussi la nécessité d’une réponse ferme face à la « massification » de ces procédures.

En effet, une soixantaine de femmes attendent encore d’être jugées pour des faits similaires. Sur les plus de 1500 Français ayant rejoint la zone irako-syrienne, plus du tiers étaient des femmes. À ce jour, environ 160 sont rentrées en France, et une trentaine ont déjà été condamnées par une cour d’assises spécialement composée.

Le Départ en Syrie : Une Radicalisation Rapide et Profonde

Tout commence en juillet 2014. Carole Sun, alors âgée de 18 ans, part avec son frère aîné pour la Syrie. Sa radicalisation s’opère principalement sur les réseaux sociaux, où elle trouve un moyen de combler des failles personnelles profondes.

Elle évoque des événements traumatiques, notamment un viol collectif survenu à l’âge de 14 ans. Ce départ apparaît comme une fuite, un « colmatage » de blessures intimes, dans une idéologie qui promettait ordre et justice.

À son arrivée, les choses s’accélèrent. Elle rencontre sur Facebook Salaheddine Guitone, un propagandiste français connu pour ses messages violents. Séduite par son apparence et sa douceur apparente, elle l’épouse rapidement. Leur mariage dure à peine dix jours : il meurt au combat.

Cette union éclair illustre la rapidité avec laquelle les recrues étrangères intégraient la structure de l’organisation. Carole Sun se retrouve dès ses premiers pas au contact de figures médiatisées et redoutées.

Une Vie Entourée de Figures Sanguinaires de l’État Islamique

Dans le territoire contrôlé par Daesh, Carole Sun côtoie des individus impliqués dans les pires exactions. Son frère, Charly Sun, rejoint une unité de police islamique dirigée par Salim Benghalem, connu pour avoir été le geôlier d’otages occidentaux.

Charly se vante même auprès d’elle de ses actes, comme sur une photo où il pose avec une tête décapitée. Plus tard, Carole Sun épouse en secondes noces un membre des services de renseignement de l’organisation, l’Amni, chargé d’éliminer les traîtres.

Elle décrit cet homme dans des courriers à sa mère comme quelqu’un qui « bute les traîtres ». Ces unions successives la placent au cœur du système répressif de Daesh, même si elle n’a pas directement participé aux combats.

Interrogée sur une photo montrant son bébé avec un pistolet semi-automatique sur les genoux, elle répond qu’elle était « dedans », que l’idéologie l’empêchait de percevoir la gravité. Elle admet avoir intégré les codes de l’organisation et contribué à sa propagande.

Face aux récits sanglants de son frère, elle avoue ne pas s’être offusquée. « Je fermais les yeux sur les exactions », confie-t-elle finalement après plusieurs heures d’interrogatoire. Cette admission révèle l’emprise totale de l’idéologie à cette période.

La Chute du Califat et l’Arrestation

En décembre 2017, alors que l’État islamique s’effondre, Carole Sun est arrêtée par les forces kurdes au bord de l’Euphrate. Elle fait partie d’un convoi où figurent d’autres figures féminines connues du jihad français.

Les services de renseignement français y voient une tentative de l’organisation de relocaliser ses membres vers des zones encore sous contrôle, comme Idlib. Mère de deux enfants à ce moment, elle entame alors une longue période d’attente dans les camps de déplacés.

Les Années dans les Camps Syriens : Un Enfer Quotidien

Plus de quatre années passées dans ces camps marquent profondément Carole Sun. Elle décrit un environnement extrême, où la chaleur du désert, les maladies et la précarité passent presque au second plan face à la dangerosité de la population.

« C’est comme une jungle », dit-elle. Un lieu rempli de rumeurs, de peurs et de femmes restées extrêmement radicalisées. Elle parle d’une « guerre de mœurs » permanente, même entre les enfants.

Deux groupes se distinguent : celles arrivées avant la chute de Baghouz, dernier bastion en 2019, et celles d’après. Les plus extrêmes pratiquent l’excommunication et imposent une surveillance mutuelle constante. « On est à l’affût », résume-t-elle.

Plusieurs Françaises témoignent lors du procès qu’elle restait perçue comme « pro-Daesh » dans le camp. Elle s’en défend vigoureusement, affirmant avoir évolué dans sa pensée.

Le Rapatriement et le Retour en France

Le 5 juillet 2022, Carole Sun fait partie du premier rapatriement massif de femmes et d’enfants organisé par la France depuis la chute du califat. Ce retour marque la fin d’une longue attente pour de nombreuses familles.

Mais il signe aussi le début des procédures judiciaires. Arrivée sur le sol français, elle est immédiatement placée en garde à vue, puis mise en examen. Son procès intervient quelques années plus tard, dans un contexte où l’État accélère le traitement de ces dossiers.

Ce rapatriement massif reste controversé. Certains y voient une nécessité humanitaire, surtout pour les enfants. D’autres craignent un risque sécuritaire lié au retour de personnes potentiellement encore radicalisées.

Le Procès : Entre Regrets et Accusations

L’audience dure trois jours. Le président de la cour revient longuement sur le parcours de l’accusée, soulignant ses fréquentations et son immersion totale dans l’idéologie.

Carole Sun exprime des regrets, mais certains apparaissent tardifs aux yeux de la cour. Elle reconnaît avoir « fermé les yeux » sur les violences, avoir adopté les codes de l’organisation.

L’avocate générale insiste sur la gravité des faits. Au-delà du cas individuel, elle évoque la nécessité d’une peine exemplaire face au nombre important de dossiers similaires en attente.

À l’enjeu d’ordre public s’ajoute la massification alors qu’il reste tant de femmes à juger.

Cette phrase résume l’approche du parquet : dissuader et protéger la société tout en traitant un flux important de procédures.

Les Défis de la Déradicalisation et du Suivi

La peine inclut une obligation de suivi socio-judiciaire de cinq ans après la sortie de prison, ainsi qu’une injonction de soins. Ces mesures visent à accompagner une éventuelle réinsertion et à prévenir toute récidive.

Les experts soulignent la difficulté de la déradicalisation, surtout lorsque l’engagement a été aussi profond. Le passage par les camps, où certaines idéologies extrêmes persistaient, complique parfois le processus.

Le cas de Carole Sun illustre ces ambiguïtés : regrets exprimés, mais fréquentations et actes passés lourds à assumer. La justice doit trouver l’équilibre entre punition et possibilité de rédemption.

Un Dossier qui Interroge la Société Française

Cette affaire dépasse le seul parcours individuel. Elle pose des questions sur la prévention de la radicalisation, particulièrement en ligne chez les jeunes vulnérables.

Comment des adolescents issus de milieux ordinaires basculent-ils si rapidement ? Quels traumatismes non traités ouvrent la porte à ces idéologies ? Et comment gérer le retour de centaines de personnes marquées par des années sous un régime totalitaire ?

Le jugement de Carole Sun s’inscrit dans une série de procès qui vont continuer à occuper la justice française dans les années à venir. Chaque dossier apporte son lot de détails glaçants sur la vie sous Daesh et les mécanismes de l’engagement jihadiste.

Derrière les peines prononcées, il y a aussi des enfants nés là-bas, des familles brisées et une société qui cherche à comprendre pour mieux prévenir. L’histoire de cette « revenante » rappelle que le terrorisme laisse des traces durables, bien au-delà des champs de bataille.

En refermant ce chapitre judiciaire, une interrogation persiste : la prison et le suivi suffiront-ils à effacer des années d’endoctrinement ? Seul l’avenir le dira.

Résumé des éléments clés du parcours :

  • Départ en Syrie en 2014 à 18 ans
  • Mariages avec deux cadres de Daesh
  • Fréquentations de figures impliquées dans les attentats et exactions
  • Arrestation en 2017 par les forces kurdes
  • Quatre ans dans les camps syriens
  • Rapatriement en juillet 2022
  • Condamnation à 10 ans en 2025

Ces points retracent une trajectoire qui, vue de l’extérieur, paraît irréelle. Pourtant, elle concerne des dizaines de Françaises parties rejoindre l’État islamique.

Le traitement judiciaire de ces retours continue d’évoluer, entre impératifs sécuritaires et considérations humanitaires. Chaque verdict contribue à dessiner les contours d’une réponse collective à un phénomène qui a marqué la décennie précédente.

Au final, l’histoire de Carole Sun reste un témoignage brut sur les illusions perdues et les conséquences irréversibles d’un choix fait à l’adolescence.

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