Imaginez une soirée humide à Accra, où les notes joyeuses d’une musique entrainante font oublier l’heure tardive. Des familles, des amis et des collègues se laissent emporter par des rythmes qui semblent venus tout droit du cœur de l’Afrique de l’Ouest. C’est le highlife, ce genre musical qui fait danser le Ghana depuis un siècle et qui, ce mois-ci, vient de recevoir une reconnaissance mondiale exceptionnelle.
Une Reconnaissance Historique pour le Highlife
Le 10 décembre, l’Unesco a officiellement inscrit le highlife ghanéen sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Cette décision célèbre une musique qualifiée d’expression monumentale du génie créatif et de l’influence culturelle du Ghana. Elle met en lumière un héritage vivant qui a traversé les générations depuis le début du XXe siècle.
Ce n’est pas seulement une distinction honorifique. Elle place le highlife aux côtés des grands trésors culturels protégés dans le monde. Elle ouvre aussi la voie à une meilleure préservation, à plus d’investissements dans les industries créatives et à un rayonnement accru du tourisme musical au Ghana.
Qu’est-ce que le Highlife, Au Juste ?
Le highlife est bien plus qu’un style musical : c’est une fusion unique. Il mêle rythmes traditionnels africains, influences jazz venues d’Amérique et touches caribéennes. Le résultat ? Un son dansant, mélodique, porté par des guitares superposées, des cuivres chaleureux et des percussions irrésistibles.
Né au début des années 1920, il tire ses racines du palm-wine, cette musique acoustique jouée dans les bars informels où l’on buvait le vin de palme. Rapidement, il s’est électrifié, enrichi de cuivres et est devenu la bande-son des fêtes, des célébrations et même des moments plus introspectifs de la vie ghanéenne.
Ce qui le distingue particulièrement, c’est sa capacité à raconter des histoires. Amour, vie sociale, joies, peines : le highlife parle de tout. Il n’est jamais vide de sens, toujours chargé d’un message qui résonne dans le quotidien des auditeurs.
Une Soirée Typique Sous le Signe du Highlife
Dans un restaurant comme le Zen Garden à Accra, l’ambiance est électrique en semaine comme en week-end. Les musiciens montent sur scène, les guitares s’entremêlent, les rythmes chaloupés invitent immédiatement à la danse. Les mouchoirs blancs volent au-dessus des têtes, signe traditionnel d’appréciation et de joie.
Des couples glissent sur la piste, des inconnus se retrouvent à danser ensemble, unis par la même énergie. On rit, on chante en chœur, on trinque entre deux bouchées. Pour beaucoup, c’est une véritable thérapie, un moyen de relâcher la pression accumulée et de se reconnecter à soi et aux autres.
Les groupes comme Kwan Pa, dont le nom signifie « le droit chemin », excellent dans cet art. Quatre jeunes musiciens qui enchaînent les morceaux avec passion, faisant vibrer un public conquis bien après minuit. Leur leader, Asah Nkansah, voit dans chaque prestation une occasion de transmettre cet héritage.
« C’est comme une thérapie »
Cette phrase lancée par un client résume parfaitement l’effet du highlife sur ceux qui l’écoutent et le vivent.
Cent Ans d’Histoire et de Passion
2025 marque un anniversaire symbolique : cent ans depuis les premières traces du highlife, que certains situent précisément en septembre 1925. Cette coïncidence avec la reconnaissance Unesco donne une saveur particulière aux célébrations actuelles.
Des légendes ont porté ce genre au sommet. Des artistes comme E.T. Mensah, Nana Ampadu, Paapa Yankson ou encore Kojo Antwi ont marqué des générations entières. Ils ont transformé le highlife en pilier de l’identité nationale ghanéenne.
Le genre a aussi essaimé bien au-delà des frontières. Il a influencé le hiplife local, fusion avec le hip-hop, et même l’afrobeats qui domine aujourd’hui les charts mondiaux. Des groupes comme Osibisa ont porté ses sonorités jusqu’en Europe et aux États-Unis dès les années 1970.
Un Patrimoine Vivant, Pas une Relique
Loin d’être figé dans le passé, le highlife continue d’évoluer. Les musiciens actuels adaptent les mélodies pour toucher les plus jeunes. Ils reprennent des airs populaires, les habillent de rythmes palm-wine traditionnels, et créent ainsi des ponts entre générations.
Pour Asah Nkansah, il n’y a aucun doute : le highlife ne meurt pas. Il connaît simplement des hauts et des bas, comme tout genre vivant. Aujourd’hui, il estime que la courbe remonte, portée par une nouvelle vague de créativité et par cette reconnaissance internationale.
« Le highlife n’est pas en train de mourir, à mon avis. Il y aura des hauts et des bas… mais je pense que nous sommes en train de remonter. »
Cette conviction est partagée par les responsables culturels. Le secrétaire général de la Commission ghanéenne pour l’Unesco insiste sur le caractère vivant de ce patrimoine. Ce n’est pas un objet de musée, mais une pratique ancrée dans le quotidien.
Le Highlife Dans Tous les Moments de Vie
Ce qui rend le highlife si spécial, c’est sa présence à chaque étape importante de la vie ghanéenne. Lors des matchs de football, il anime les stades. Aux funérailles, il accompagne le recueillement avec dignité. Pendant les festivals, il exalte la joie collective.
Même pour des moments plus simples, comme partager un repas ou célébrer une réussite, il y a toujours une chanson highlife qui convient. Il reflète les émotions, les valeurs et les réalités sociales du pays.
Pour beaucoup de Ghanéens, écouter du highlife, c’est se reconnecter à leurs racines. C’est entendre l’histoire de leur société racontée en musique. Quand on se sent mal, il console. Quand on est heureux, il amplifie la joie. Quand on cherche l’inspiration, il guide.
« Le highlife, pour moi en tant que Ghanéenne, raconte notre histoire. Il touche tous les aspects de notre société. »
Ces mots d’une admiratrice illustrent parfaitement l’attachement profond que suscite ce genre.
Pourquoi Cette Reconnaissance Change Tout
L’inscription à l’Unesco n’est pas qu’un symbole. Elle peut entraîner des effets concrets : plus de fonds pour former les jeunes musiciens, meilleure protection des répertoires traditionnels, développement du tourisme culturel autour des lieux emblématiques du highlife.
Elle renforce aussi la fierté nationale. Dans un monde où les cultures se mondialisent à grande vitesse, voir son patrimoine reconnu au plus haut niveau rappelle l’importance de préserver ce qui fait l’unicité d’un peuple.
Enfin, elle incite les artistes à innover tout en restant fidèles à l’esprit originel. Le défi : continuer à faire aimer le highlife aux nouvelles générations, sans le dénaturer. En mélangeant habilement tradition et modernité, les musiciens actuels relèvent ce pari avec succès.
Vers un Avenir Rayonnant pour le Highlife
Au moment où le Ghana célèbre ce centenaire et cette distinction mondiale, l’avenir du highlife apparaît plus prometteur que jamais. Les scènes d’Accra continuent de vibrer, les jeunes groupes émergent, et le public, toutes générations confondues, répond présent.
Cette musique, qui a su traverser un siècle de changements sociaux et politiques, prouve sa résilience. Elle reste un miroir fidèle de la société ghanéenne, capable de s’adapter sans perdre son âme.
En écoutant les guitares s’entrelacer et les voix s’élever dans la nuit accraéenne, on comprend pourquoi le highlife mérite amplement sa place au patrimoine mondial. Il n’est pas seulement une musique : il est le battement de cœur culturel d’une nation entière.
Le highlife continue de prouver qu’une musique peut être à la fois ancrée dans la tradition et résolument tournée vers l’avenir. Sa reconnaissance par l’Unesco n’est que le début d’un nouveau chapitre passionnant pour ce trésor ghanéen.
Que vous connaissiez déjà ses mélodies envoûtantes ou que vous les découvriez aujourd’hui, le highlife invite à la danse, à l’émotion et à la célébration de la richesse culturelle africaine. Une raison de plus de porter un toast à ce patrimoine vivant qui, cent ans après ses débuts, n’a jamais été aussi vibrant.









