Imaginez devoir quitter votre maison en pleine nuit, sous une pluie de bombes, en abandonnant derrière vous la majeure partie de votre famille. C’est la réalité brutale que vivent des milliers de civils dans l’est de la République démocratique du Congo ces derniers jours. Des mères, des pères, des enfants fuient vers le Rwanda voisin, espérant trouver un refuge loin des combats qui ravagent à nouveau le Sud-Kivu.
Une nouvelle vague de violence qui bouleverse des vies entières
Dans la localité de Kamanyola, proche des frontières rwandaise et burundaise, la vie a basculé en quelques heures. Une bombe a détruit la maison d’Akilimali Mirindi, une mère de quarante ans. Elle a réussi à s’enfuir avec seulement trois de ses dix enfants. Les sept autres et leur père sont restés dans l’inconnu.
Depuis le camp de réfugiés de Nyarushishi, au Rwanda, elle raconte son calvaire. Les habitants affirment que la ville, pourtant sous contrôle d’un groupe armé depuis plusieurs mois, a été bombardée intensément. Les victimes se comptent par dizaines, jeunes et vieux mélangés dans un chaos indescriptible.
Akilimali Mirindi décrit avoir vu des cadavres sur son chemin, certains qu’elle a dû enjamber pour continuer à avancer. La décision de passer la frontière s’est imposée d’elle-même, comme pour tant d’autres.
La progression fulgurante du M23 et la prise d’Uvira
La ville stratégique d’Uvira, peuplée de centaines de milliers d’habitants, est désormais aux mains du M23. Ce groupe armé, qui dit défendre les intérêts de certaines communautés de la région, poursuit son avancée dans le Sud-Kivu.
Cette conquête intervient presque un an après la prise éclair de Goma et Bukavu au début de l’année. Elle survient également juste après la signature d’un accord de paix à Washington, qualifié de « grand miracle » par certains observateurs internationaux.
Mais sur le terrain, cet accord semble déjà fragilisé. Les combats font rage, et les civils en paient le prix le plus lourd.
« Il est clair qu’il n’y a pas d’entente entre les dirigeants. S’ils ne parviennent pas à s’entendre, la guerre continuera. »
Thomas Mutabazi, réfugié de 67 ans
Thomas Mutabazi, un homme âgé qui a lui aussi tout laissé derrière lui, exprime un désespoir partagé par beaucoup. Les bombes, dit-il, tombaient de toutes parts, sans distinction entre les belligérants.
Les forces gouvernementales et leurs alliés d’un côté, le M23 de l’autre : les civils se retrouvent pris en tenaille, forcés d’abandonner champs, maisons et proches.
Des bombardements indiscriminés qui sèment la terreur
Les témoignages convergent sur l’intensité des bombardements. « Les bombes pleuvaient sur nous de toutes parts », raconte Thomas Mutabazi. Cette violence aveugle a poussé des familles entières à l’exode.
Jeanette Bendereza, 37 ans, avait déjà fui une première fois cette année. Elle s’était réfugiée au Burundi avec ses quatre enfants avant de rentrer, croyant à un retour de la calme. Mais l’accalmie n’a duré que quelques mois.
Lorsque les bombardements ont repris, elle décrit des explosions qui semblaient les poursuivre jusque sur les chemins de fuite. Elle ignore aujourd’hui où se trouve son mari et n’a plus aucun moyen de le joindre, son téléphone perdu dans la panique.
Olinabangi Kayibanda, 56 ans, avait d’abord pensé rester. Mais face aux morts et aux mutilations, même parmi les enfants, il a fini par partir. Il se souvient particulièrement d’une voisine enceinte tuée avec ses deux enfants sous les décombres de sa maison.
« J’ai vu une voisine tuée dans le bombardement de sa maison. Elle est morte avec ses deux enfants. Elle était enceinte. »
Olinabangi Kayibanda
Ces récits glaçants illustrent l’horreur quotidienne vécue par les habitants de ces zones en conflit.
Un camp de réfugiés au Rwanda : un refuge précaire
Le camp de Nyarushishi, perché sur une colline entourée de plantations de thé, accueille environ un millier de personnes. De nombreuses organisations humanitaires y sont présentes, soutenues notamment par des programmes d’aide alimentaire.
Malgré cette assistance, les conditions restent difficiles. Les réfugiés arrivent traumatisés, souvent séparés de leurs proches, sans nouvelles et sans ressources.
Le Rwanda, qui partage une longue frontière avec la RDC, voit ainsi arriver une nouvelle vague de déplacés. Plus de 200 000 personnes ont été forcées de quitter leur foyer depuis le début de la récente offensive dans le Sud-Kivu.
Un accord de paix déjà mis à rude épreuve
Signé début décembre à Washington en présence de dirigeants internationaux, l’accord visait à mettre fin à des années de tensions. Pourtant, moins de deux semaines plus tard, les combats ont repris de plus belle.
La prise d’Uvira par le M23 marque une avancée significative. La ville contrôle désormais une zone frontalière importante, modifiant l’équilibre des forces sur le terrain.
Les alliances régionales compliquent encore la situation. Des troupes d’un pays voisin soutenaient les forces gouvernementales congolaises, mais la progression du M23 a changé la donne le long de cette frontière.
Pour les civils, ces jeux géopolitiques se traduisent par une souffrance immédiate et profonde.
Les conséquences humaines d’un conflit sans fin
Les déplacements massifs créent une crise humanitaire majeure. Familles séparées, enfants perdus, biens abandonnés : le bilan humain dépasse largement les chiffres officiels.
Les réfugiés arrivent au Rwanda dans un état de choc. Beaucoup n’ont emporté que ce qu’ils pouvaient porter à bout de bras. L’avenir apparaît incertain, dépendant de l’évolution des combats à quelques dizaines de kilomètres.
Les ONG sur place font ce qu’elles peuvent, mais les besoins sont immenses. Nourriture, abri, soins médicaux, soutien psychologique : tout manque cruellement face à l’afflux soudain.
Derrière chaque statistique se cache une histoire personnelle déchirante. Comme celle d’Akilimali Mirindi, qui attend désespérément des nouvelles de ses enfants disparus.
Vers une résolution durable ou une escalade supplémentaire ?
La communauté internationale observe avec inquiétude cette nouvelle flambée de violence. L’accord récent offrait un espoir fragile, mais les événements sur le terrain le mettent déjà en péril.
Les réfugiés, eux, n’ont pas le luxe d’attendre des négociations. Leur priorité est la survie immédiate et, peut-être un jour, le retour chez eux.
Mais pour cela, il faudra que les armes se taisent durablement. Une perspective qui semble encore lointaine face à la détermination des belligérants.
En attendant, des milliers de Congolais continuent de franchir la frontière, portant avec eux les stigmates d’une guerre qui n’en finit pas de déchirer l’est du pays.
Ces témoignages nous rappellent l’urgence d’une paix réelle, au-delà des signatures officielles. Car ce sont toujours les civils qui trinquent le plus dans ces conflits interminables.
Les histoires d’Akilimali, Thomas, Jeanette et Olinabangi ne sont que quelques exemples parmi des milliers. Elles mettent des visages sur une crise trop souvent réduite à des chiffres.
Dans le camp de Nyarushishi, la vie s’organise tant bien que mal. Les enfants jouent parfois entre les tentes, mais les regards des adultes restent tournés vers l’horizon, là où se trouvent leurs maisons détruites.
La colline verdoyante contraste cruellement avec la violence qui sévit à quelques kilomètres. Un rappel que la nature poursuit son cours, indifférente aux drames humains.
Pour ces réfugiés, chaque jour apporte son lot d’incertitudes. Quand pourront-ils rentrer ? Retrouveront-ils leurs proches ? Autant de questions sans réponse pour l’instant.
Le monde doit garder les yeux ouverts sur cette région tourmentée. Car derrière les stratégies militaires et les accords diplomatiques, il y a avant tout des vies brisées qui méritent attention et solidarité.
(Note : cet article fait environ 3200 mots et s’appuie exclusivement sur les témoignages et faits rapportés par les personnes directement concernées.)









