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La Pierre de Jérusalem Résiste à la Crise en Cisjordanie

En Cisjordanie, la mythique pierre de Jérusalem, surnommée "or blanc", continue d'être extraite malgré une crise économique sans précédent. Mais entre occupation, chute des exportations et menaces d'annexion, ce secteur vital vacille. Que réserve l'avenir à ces carrières qui font vivre des milliers de familles ?

Imaginez un paysage où la terre semble avoir été mordue par des géants mécaniques, laissant derrière eux des cratères blanchâtres à perte de vue. Au cœur de la Cisjordanie, des hommes couverts de poussière blanche s’activent encore, extrayant une pierre légendaire qui orne certains des lieux les plus sacrés du monde. Pourtant, derrière cette activité persistante se cache une lutte quotidienne pour la survie économique.

L’or blanc qui défie les tempêtes économiques

Dans le sud de la Cisjordanie, près d’Hébron, les carrières de pierre de Jérusalem continuent de fonctionner malgré un contexte particulièrement hostile. Ce calcaire aux teintes crème, souvent appelé or blanc pour sa valeur, représente une source de revenus essentielle pour toute une région. Les exploitants et ouvriers y voient non seulement un métier, mais un pilier de l’économie locale.

Cette pierre mythique, utilisée depuis des millénaires, équipe les bâtiments emblématiques de Jérusalem et bien au-delà. Elle symbolise à la fois beauté architecturale et identité culturelle. Mais aujourd’hui, son extraction se heurte à des obstacles multiples qui menacent son avenir.

Un secteur vital pour l’économie palestinienne

Les carrières et ateliers de taille de pierre jouent un rôle majeur dans l’industrie des Territoires palestiniens. Elles contribuent à environ un quart des revenus industriels et représentent près de 5 % du produit intérieur brut. Près de 20 000 personnes en dépendent directement pour leur subsistance.

Il existe environ 300 sites d’extraction répartis principalement autour d’Hébron, comme à Beit Fajjar ou Saïr. Ces zones concentrent une activité intense où machines et main-d’œuvre humaine collaborent pour découper d’immenses blocs de calcaire.

Les familles impliquées depuis des générations transmettent un savoir-faire unique. Pour beaucoup, posséder une carrière n’est pas seulement une entreprise, c’est une tradition ancrée dans l’histoire locale.

Voici quelques chiffres clés qui illustrent l’importance de ce secteur :

  • Contribution : 25 % des revenus industriels palestiniens
  • Part du PIB : environ 4,5 %
  • Emplois directs : près de 20 000 personnes
  • Nombre de carrières : autour de 300
  • Principale destination d’exportation : 65 % vers le marché israélien

Ces données montrent à quel point l’extraction de cette pierre est intégrée à l’économie régionale.

Les défis liés au marché et aux exportations

Historiquement, une grande partie de la production était destinée à Israël. De nombreuses municipalités israéliennes imposent même l’utilisation de cette variété spécifique de calcaire pour accorder des permis de construction. Cela créait un débouché stable et important.

Mais depuis les événements du 7 octobre 2023 et la guerre à Gaza qui a suivi, les échanges commerciaux ont été fortement perturbés. Les exploitants rapportent des difficultés accrues pour exporter vers ce marché principal.

Les intermédiaires, souvent israéliens, continuent d’acheter pour revendre sur des chantiers. Cependant, le volume a diminué sensiblement. Cette situation affecte directement les revenus des carrières palestiniennes.

« Il y a ces problèmes de débouchés commerciaux car on exportait la majeure partie des pierres vers Israël, et après le 7-Octobre, on a rencontré des difficultés. »

Cette citation d’un exploitant expérimenté résume bien la frustration ressentie sur le terrain.

Par ailleurs, certains regrettent un manque de soutien de la part d’autres pays arabes. Malgré la présence de cette pierre emblématique dans de nombreux projets à travers le monde, du Golfe aux États-Unis, les achats locaux restent limités.

La crise financière de l’Autorité palestinienne

L’Autorité palestinienne traverse actuellement une période extrêmement difficile sur le plan budgétaire. Cette situation impacte l’ensemble de l’économie, y compris le secteur des carrières.

Les services publics fonctionnent au ralenti, et de nombreux fonctionnaires ne perçoivent plus leurs salaires régulièrement. Certains se reconvertissent même en ouvriers journaliers dans les carrières, seul domaine qui continue d’embaucher.

Les coûts fixes pour les exploitants ont explosé : factures d’eau, d’électricité, maintenance des équipements. Dans un contexte où les ventes diminuent, ces charges deviennent écrasantes.

Un rapport récent des Nations Unies décrit cette période comme la pire crise économique jamais enregistrée dans les Territoires palestiniens. La guerre à Gaza a aggravé une situation déjà précaire.

Les contraintes liées à l’occupation et à la zone C

La majorité des carrières se situe en zone C, entièrement sous contrôle administratif et sécuritaire israélien selon les accords d’Oslo. Cela expose les exploitants à des risques spécifiques.

Les confiscations d’équipements lourds sont une menace constante. Les exploitants vivent dans la crainte de voir leurs machines saisies, ce qui paralyserait leur activité.

L’expansion des colonies israéliennes inquiète également. En 2025, leur croissance a atteint un niveau record, selon des observations internationales. Certains responsables politiques israéliens évoquent ouvertement des projets d’annexion.

« Si Israël annexe la Palestine, ça commencera par ces zones-ci. »

Un exploitant anonyme exprime ainsi ses appréhensions face à l’évolution possible de la situation.

Ces incertitudes politiques se traduisent par une perception d’une pression accrue sur le front économique.

La dure réalité du travail sur le terrain

Sur les sites d’extraction, le travail est physiquement épuisant. Les ouvriers manipulent des blocs immenses dans un environnement poussiéreux. Beaucoup opèrent sans protection adéquate, comme des masques.

Les problèmes de santé sont fréquents : douleurs au dos, irritations des yeux, troubles respiratoires. La poussière blanche recouvre tout, donnant aux travailleurs une apparence fantomatique.

Malgré ces conditions difficiles, l’activité persiste. Les ouvriers se relayent dans des fosses profondes, sous un soleil implacable ou dans le vent chargé de particules.

Pour certains, ce métier représente la seule option disponible localement. Un ancien enseignant, par exemple, a dû changer de carrière faute de salaire public régulier.

De l’or blanc à l’or gris : une métaphore révélatrice

Traditionnellement surnommée or blanc pour sa rentabilité, la pierre de Jérusalem perd de son éclat économique aux yeux de ceux qui en vivent. Les difficultés actuelles transforment cette ressource précieuse en quelque chose de plus terne.

La peur du futur domine. Les gens hésitent à investir dans la construction, préférant conserver leurs économies dans un climat d’incertitude.

« Ce n’est plus de l’or blanc en fait, c’est de l’or gris. »

Cette expression d’un employé d’un atelier de taille capture parfaitement le sentiment général : effort intense pour des retours diminués.

Malgré tout, les carrières tournent encore. Les machines continuent de gronder, les blocs sont extraits, taillés, expédiés quand possible. Cette résilience face aux adversités illustre la détermination des acteurs du secteur.

La pierre de Jérusalem reste un symbole puissant, présent dans des édifices sacrés et profanes à travers le monde. Son histoire millénaire se prolonge aujourd’hui dans ces paysages lunaires de Cisjordanie, où chaque bloc extrait raconte une histoire de persévérance.

Les défis sont nombreux : dépendance à un marché volatil, contraintes administratives, crise budgétaire générale, conditions de travail ardues. Pourtant, tant que la demande existe, même réduite, l’activité perdure.

L’avenir reste incertain. Les exploitants scrutent les évolutions politiques et économiques, espérant un retournement. En attendant, ils continuent de creuser, de tailler, de livrer cette pierre qui a traversé les siècles.

Dans ce décor blanchâtre et monumental, la vie économique locale pulse encore au rythme des marteaux-piqueurs. L’or blanc, devenu gris, n’a pas encore dit son dernier mot.

Ce secteur illustre parfaitement la complexité de la situation économique en Cisjordanie : une ressource précieuse confrontée à des obstacles structurels et conjoncturels profonds.

Les prochaines années diront si ces carrières parviendront à surmonter les tempêtes actuelles ou si elles devront affronter des restrictions encore plus sévères. Pour l’instant, elles résistent, bloc après bloc.

La pierre de Jérusalem continue d’être extraite, témoignage muet d’une économie qui refuse de s’effondrer complètement malgré les pressions. Son destin reste étroitement lié à celui de la région toute entière.

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