En ce lendemain d’élections législatives, l’heure est au bilan et aux questionnements pour Emmanuel Macron et son camp. Avec seulement 245 députés, la majorité présidentielle se retrouve minoritaire à l’Assemblée nationale, une situation inédite sous la Ve République. Comment gouverner dans ces conditions ? Quelles alliances nouer ? Tour d’horizon des défis et opportunités qui attendent le chef de l’État.
Une majorité relative qui oblige au dialogue
Avec 245 sièges, le bloc présidentiel (Renaissance, Modem, Horizons) est loin de la majorité absolue fixée à 289 députés. Une douche froide pour Macron, qui va devoir composer avec les autres forces politiques pour faire adopter ses réformes. Une situation qui l’oblige à plus d’ouverture et de concertation, lui qui était parfois accusé de verticalité lors de son premier mandat.
On conduit avec des antibrouillards.
– Un proche d’Emmanuel Macron
Pour l’heure, le président a demandé à Élisabeth Borne de rester Première ministre afin d’assurer la stabilité du pays. Mais il n’exclut pas de procéder à un remaniement dans les prochains jours pour tenir compte de la nouvelle donne.
Quelles alliances possibles ?
Pour faire adopter ses textes, Macron va devoir trouver des alliés au cas par cas. Plusieurs options s’offrent à lui :
- Un accord de gouvernement avec Les Républicains, qui disposent de 64 députés
- Des alliances ponctuelles avec la gauche sur certains sujets comme l’écologie ou le pouvoir d’achat
- L’appui de députés d’autres groupes (UDI, régionalistes…) sur des textes précis
Mais ces alliances s’annoncent fragiles et à géométrie variable. Macron devra faire preuve de souplesse et accepter des compromis, au risque de décevoir son électorat.
Un travail parlementaire plus compliqué
Autre conséquence de ce parlement morcelé : un travail législatif plus laborieux. Sans majorité nette, chaque texte fera l’objet d’âpres négociations et les débats s’annoncent houleux. Le camp présidentiel craint une forme de paralysie, avec une opposition qui pourrait multiplier les motions de censure et les obstacles procéduraux.
Pour contourner ces difficultés, Macron pourrait être tenté de recourir plus souvent au 49-3, un outil constitutionnel permettant d’adopter un texte sans vote. Mais cette option, perçue comme un “passage en force”, risque de braquer l’opposition et de cristalliser les mécontentements.
Cap sur les réformes structurelles
Malgré ces contraintes, Macron veut maintenir le cap de son programme, articulé autour de grandes réformes comme celles des retraites ou de la dépendance. Mais il devra revoir son calendrier et ses ambitions à la baisse. Des arbitrages seront nécessaires pour ne pas bloquer le pays.
Le chef de l’État devrait insister sur les mesures les plus consensuelles, comme le pouvoir d’achat ou la transition écologique, pour obtenir des victoires rapides et rassembler au-delà de son camp. Il pourrait aussi jouer la carte de l’apaisement sur des sujets clivants comme l’immigration ou la sécurité.
On avance, on construit des majorités texte après texte.
– Gabriel Attal, ministre des Comptes publics
Un test pour nos institutions
Au-delà des enjeux de gouvernance, ces législatives constituent un test pour nos institutions. Avec ce parlement sans majorité nette, la Ve République entre en terre inconnue. Certains y voient l’opportunité de renouer avec l’esprit originel de nos institutions, qui devait favoriser le consensus et le dépassement des clivages.
D’autres craignent au contraire une forme d’instabilité chronique, avec une succession de motions de censure et de dissolutions. Le spectre des IIIe et IVe Républiques, marquées par des gouvernements éphémères et des crises à répétition, refait surface.
Emmanuel Macron joue donc gros dans les prochains mois. De sa capacité à manœuvrer avec ce parlement complexe dépendra la réussite de son second quinquennat. Un défi d’autant plus ardu que la défiance envers le pouvoir reste élevée, comme l’a montré la forte poussée des extrêmes lors de ces législatives.
Quelle place pour la société civile ?
Autre enjeu majeur : associer davantage les citoyens aux décisions. Lors de la crise des Gilets jaunes, Macron avait promis d’instaurer de nouvelles formes de participation citoyenne, comme des référendums ou des conventions. Des promesses qui sont restées lettre morte.
Avec ce parlement sans majorité claire, le chef de l’État pourrait être tenté de renouer avec cette volonté d’inclure la société civile. Histoire de contourner des oppositions politiques qu’il aura du mal à surmonter et de trouver de nouveaux relais d’opinion.
Les prochains mois s’annoncent donc décisifs pour Emmanuel Macron, contraint de réinventer sa pratique du pouvoir pour s’adapter à cette nouvelle donne politique. Un véritable casse-tête, mais aussi une formidable opportunité de rénover notre vie démocratique. À lui de saisir cette chance, en traçant une voie étroite entre fermeté et ouverture, verticalité et compromis.