Imaginez un pays où des journalistes locaux, qui relatent quotidiennement la réalité du terrain, se voient soudain privés de leur droit de travailler. C’est exactement ce qui vient de se produire en Éthiopie, où deux correspondants ont été frappés d’une suspension définitive par les autorités. Cette décision, qualifiée d’inacceptable par leurs employeurs, intervient dans un contexte déjà très tendu pour la liberté de la presse.
Une suspension définitive qui choque
La nouvelle est tombée vendredi dernier : deux journalistes éthiopiens travaillant pour une radio-télévision internationale allemande ont été définitivement écartés de leurs fonctions. L’autorité éthiopienne des médias a pris cette mesure radicale, invoquant des motifs jugés vagues par les concernés.
Les accusations portent sur un prétendu non-respect continu des lois éthiopiennes et de l’éthique professionnelle, ainsi que sur la diffusion d’informations qualifiées de trompeuses. Aucune preuve concrète n’aurait été fournie pour étayer ces reproches, ce qui renforce le sentiment d’arbitraire.
Les deux reporters couvraient principalement deux régions sensibles : le Tigré, marqué par une guerre dévastatrice entre 2020 et 2022, et l’Amhara, où des affrontements armés opposent toujours les forces fédérales à des groupes rebelles. Leur travail consistait à rapporter des faits souvent difficiles à faire entendre dans un climat de forte tension.
Un contexte de restrictions croissantes
L’Éthiopie, pays de plus de 130 millions d’habitants, traverse une période particulièrement compliquée sur le plan des libertés publiques. Depuis plusieurs années, les organisations de défense des droits humains dénoncent des atteintes répétées à la liberté d’expression et à la presse.
Le classement mondial de la liberté de la presse établi par une ONG reconnue place le pays au 145e rang sur 180, avec une baisse de quatre places en un an seulement. Ce recul illustre une dégradation continue de la situation.
Le gouvernement actuel, dirigé depuis 2018 par le Premier ministre Abiy Ahmed, avait initialement suscité l’espoir d’une ouverture démocratique. Malheureusement, les promesses n’ont pas toutes été tenues, et le climat sécuritaire reste préoccupant dans plusieurs régions.
Des précédents récents inquiétants
Cette suspension définitive n’est pas un cas isolé. En octobre dernier, neuf correspondants locaux de la même radio internationale avaient déjà été suspendus. Sept d’entre eux ont finalement pu reprendre leur activité cette semaine, ce qui laisse espérer une possible révision de la décision pour les deux autres.
Pourtant, la réaction des autorités semble ferme : la mesure est qualifiée de définitive, sans perspective de recours immédiat. Cette rigidité suscite de vives critiques au sein de la profession.
Plusieurs journalistes éthiopiens ont été arrêtés ces derniers mois, et du matériel de travail a été saisi à plusieurs reprises. Selon les chiffres d’une organisation spécialisée, cinq journalistes se trouvent actuellement en détention dans le pays.
Les réactions internationales
La radio-télévision allemande a immédiatement réagi en dénonçant une décision « inacceptable ». La rédactrice en chef a déclaré : « Il est inacceptable que nos deux correspondants doivent cesser leur travail sans aucune explication concrète. »
« Nous rejetons fermement ces accusations et envisageons d’intenter une action en justice. »
Une ONG de défense de la liberté de la presse a également pris position, qualifiant cette suspension d’« arbitraire » et demandant la fin des intimidations visant le service en langue amharique de la chaîne. Elle appelle les autorités à respecter le droit à l’information des citoyens.
Les enjeux avant les élections de juin
Le pays se prépare à organiser des élections législatives en juin prochain. Dans ce contexte, la restriction de l’accès à l’information prend une dimension encore plus grave. Les médias indépendants jouent un rôle essentiel pour garantir des scrutins transparents et permettre aux citoyens de faire un choix éclairé.
En réduisant l’espace d’expression des journalistes, les autorités risquent de créer un climat de suspicion et de méfiance. Les observateurs internationaux suivent de près l’évolution de la situation, conscients que la liberté de la presse constitue un indicateur clé de la santé démocratique d’un pays.
Quelles conséquences pour les habitants ?
Pour les Éthiopiens, surtout dans les régions en conflit, perdre des voix locales capables de relater les événements sans filtre représente une perte importante. Les habitants du Tigré et de l’Amhara dépendent souvent de ces reportages pour comprendre ce qui se passe réellement sur le terrain.
Lorsque les médias internationaux sont empêchés de travailler librement, c’est l’ensemble de la population qui se retrouve privée d’une information fiable et diversifiée. Cela peut alimenter les rumeurs et les tensions déjà existantes.
Le rôle des médias étrangers en Éthiopie
Les médias internationaux comme celui concerné par cette affaire jouent un rôle complémentaire aux médias locaux. Ils permettent de porter des voix qui, parfois, ne trouvent pas d’écho dans le pays. Leur travail contribue à la transparence et à la responsabilité des pouvoirs publics.
En les ciblant, les autorités envoient un message clair : certaines informations ne doivent pas être diffusées. Ce choix stratégique soulève de nombreuses interrogations sur les intentions réelles du gouvernement.
Un appel à la vigilance internationale
Face à cette nouvelle atteinte à la liberté de la presse, la communauté internationale est appelée à réagir. Les organisations de défense des droits humains, les partenaires économiques et les instances diplomatiques doivent rappeler l’importance du respect des libertés fondamentales.
L’Éthiopie reste un acteur majeur en Afrique de l’Est. Son évolution démocratique est suivie avec attention par de nombreux pays. Maintenir un climat favorable à la liberté d’expression serait dans l’intérêt de tous.
Vers une possible évolution ?
Certains observateurs espèrent que la suspension définitive sera révisée, comme cela a été le cas pour sept des neuf journalistes suspendus en octobre. Une réintégration des deux correspondants permettrait de rétablir la confiance et de montrer une volonté de dialogue.
En attendant, la situation reste préoccupante. Les journalistes éthiopiens continuent de travailler dans des conditions difficiles, souvent sous pression. Leur courage mérite d’être reconnu et soutenu.
Cette affaire rappelle à quel point la liberté de la presse reste fragile, même dans des pays qui aspirent à la stabilité et au développement. Elle invite chacun à réfléchir à l’importance de protéger les voix indépendantes, garantes d’une société plus juste et informée.
Le cas des deux journalistes suspendus en Éthiopie pourrait devenir un symbole de la lutte pour le droit à l’information. Espérons que les autorités sauront entendre les critiques et revenir sur une décision qui, pour l’instant, apparaît disproportionnée et injustifiée.
Restons vigilants : dans un monde où l’information circule à la vitesse de la lumière, empêcher quelques voix de s’exprimer peut avoir des conséquences bien plus larges que prévu.









