Il est un peu plus de trois heures du matin quand le ciel de Tver se déchire. Un grondement sourd, une lumière aveuglante, puis l’explosion. Dans le quartier de Proletarka, un immeuble de plusieurs étages tremble sous l’impact. Les vitres volent en éclats, les murs se fissurent, et l’incendie se propage rapidement aux premiers niveaux. Sept personnes sont blessées, dont un enfant. Vingt autres doivent être évacuées dans l’urgence. Une nouvelle nuit de guerre, à seulement 180 kilomètres de Moscou.
Une attaque qui frappe les civils au cœur
Les autorités locales n’ont pas tardé à réagir. Le gouverneur par intérim de la région de Tver, Vitali Koroliov a publié un message sur Telegram dès les premières heures : les secours luttent contre les conséquences de la chute de débris d’un drone sur un immeuble d’habitation. Six adultes et un enfant ont été hospitalisés. Leurs jours ne seraient pas en danger, mais le choc est immense.
Sur place, les images parlent d’elles-mêmes. La façade des premiers étages est noircie par les flammes, les fenêtres soufflées sur plusieurs appartements. Des caméras de surveillance ont capturé l’instant précis de l’impact : une boule de feu illumine la nuit avant que tout ne soit plongé dans la fumée.
« On a vu une énorme flamme, une flamme très forte. Ce n’est que plus tard, quand l’incendie a été éteint, que nous avons pu nous rendre compte à quel point c’était une tragédie »
Natalia, riveraine habitant la maison voisine
Le chapiteau d’un cirque installé à quelques mètres a également été endommagé par l’onde de choc. Un symbole presque absurde : là où les enfants venaient rire il y a encore quelques jours, les sirènes hurlent désormais.
Une nuit particulièrement intense dans le ciel russe
Cette attaque ne s’est pas produite isolément. L’armée russe annonce avoir intercepté pas moins de 90 drones ukrainiens au cours de la même nuit. La veille, elle revendiquait déjà l’abattage de plus de 300 appareils, l’une des vagues les plus massives depuis le début du conflit.
Ces chiffres donnent le vertige. Ils témoignent d’une capacité ukrainienne à frapper loin dans les terres russes, même si la majorité des drones sont détruits avant d’atteindre leurs cibles. Mais quand l’un d’eux passe au travers des défenses, les conséquences peuvent être dramatiques pour la population civile.
Les régions de Moscou, Tver, Briansk, Koursk ou Belgorod sont désormais régulièrement survolées. Les habitants apprennent à vivre avec les alertes, les sirènes et parfois les impacts. Une routine terrifiante qui semblait encore impensable il y a quelques années.
Un conflit qui s’enlise et s’étend
Depuis février 2022, l’Ukraine subit des bombardements russes quasi quotidiens sur l’ensemble de son territoire. Villes, villages, infrastructures énergétiques : rien n’est épargné. En réponse, Kiev a développé une industrie de drones longue portée capable de frapper la Russie en profondeur.
Les cibles officiellement visées sont militaires ou énergétiques : raffineries, dépôts de carburant, bases aériennes. Mais parfois, comme à Tver cette nuit, ce sont des immeubles d’habitation qui se retrouvent touchés – volontairement ou à cause de débris d’interception.
Chaque camp accuse l’autre de terrorisme. Chaque camp pleure ses victimes. Et pendant ce temps, la ligne de front reste figée, les pertes s’accumulent, et les civils paient le prix fort des deux côtés.
L’impatience américaine et l’absence de percée diplomatique
Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier 2025, Donald Trump s’est positionné en médiateur autoproclamé du conflit. Il multiplie les appels téléphoniques, promet une paix rapide, menace parfois de couper l’aide militaire à l’un ou l’autre camp.
Mais pour l’instant, les résultats se font attendre. Jeudi, le président américain a publiquement exprimé son exaspération face à l’absence de progrès concrets dans les pourparlers. « Ils continuent à se bombarder pendant que nous parlons », aurait-il déclaré selon plusieurs sources.
Cette attaque de Tver, survenue quelques heures à peine après ces déclarations, illustre cruellement la difficulté de la tâche. Tant que les armes parlent plus fort que la diplomatie, les nuits resteront explosives.
Que retenir de cette nuit à Tver ?
D’abord, que la guerre n’est plus cantonnée aux zones frontalières. Elle atteint désormais des villes situées à des centaines de kilomètres des combats, là où les habitants pensaient être à l’abri.
Ensuite, que les défenses antiaériennes russes, bien que performantes, ne sont pas infaillibles. Un seul drone qui passe peut causer des dégâts considérables.
Enfin, que chaque nouvelle attaque de ce type éloigne un peu plus la perspective d’une désescalade. Car à chaque immeuble touché, à chaque enfant blessé, la haine et la volonté de vengeance se renforcent.
À Tver, ce vendredi matin, les secours continuaient de sécuriser le bâtiment sinistré. Les habitants choqués rentraient peu à peu chez eux, ou étaient relogés. Et dans le ciel, les drones continuaient, quelque part, de voler vers leurs cibles.
La guerre, malheureusement, ne prend pas de pause.
Tant que la diplomatie restera sourde aux explosions, des scènes comme celle de Tver se répéteront. Et chaque fois, l’enfant blessé pourrait ne pas s’en sortir.









