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Colère Agricole Explosive : Les Éleveurs Défient l’État

Des cercueils devant le ministère, des feux dans la Marne, des gendarmes autour d’une ferme… Les agriculteurs français sont à bout. Dermatose nodulaire, abattages forcés, menace Mercosur : jusqu’où ira la révolte avant que tout bascule ?

Imaginez-vous réveiller au milieu de la nuit parce que des camions de l’État viennent chercher vos vaches, une à une, pour les abattre. Des bêtes saines, vaccinées, qui représentent des années de travail et souvent l’héritage familial. C’est la réalité que vivent certains éleveurs français en cette fin d’année 2025.

Une Colère Qui Embrase la France Agricole

Depuis plusieurs semaines, la tension est palpable dans les campagnes. Des rassemblements devant les préfectures aux dépôts de déchets nocturnes, en passant par les « feux de la colère » et les cercueils symboliques, les agriculteurs expriment un ras-le-bol profond. Et cette fois, ce n’est pas seulement une question de prix du lait ou de carburant.

Au cœur de la tempête : la gestion de la dermatose nodulaire contagieuse, une maladie bovine apparue fin juin en Savoie et qui se propage malgré les efforts. L’État a choisi la méthode radicale : l’abattage systématique des troupeaux dans les foyers et autour. Une décision qui passe très mal sur le terrain.

Des Scènes Surréalistes dans les Fermes

Dans l’Ariège, une exploitation est restée bloquée plusieurs jours par des dizaines d’agriculteurs déterminés à empêcher l’euthanasie de 207 vaches. Les gendarmes ont formé un cordon autour de la ferme, créant une ambiance digne d’un siège. Ailleurs, dans le Doubs, les forces de l’ordre ont dû employer des gaz lacrymogènes pour déloger les manifestants venus protéger 83 bêtes pourtant vaccinées.

Ces images choc tournent en boucle sur les réseaux sociaux et dans les groupes WhatsApp des campagnes. Elles cristallisent une fracture évidente entre le monde agricole et les décisions prises à Paris ou à Bruxelles.

« L’État ne veut plus entendre les paysans. Il persiste à appliquer des politiques mortifères qui détruisent les fermes, les vies et les territoires. »

Confédération paysanne

Une Maladie Qui Divise Même les Syndicats

Ce qui frappe, c’est l’unité inhabituelle dans la contestation. D’ordinaire divisés, les grands syndicats agricoles parlent d’une même voix contre la stratégie gouvernementale. La Coordination rurale dénonce une « concurrence déloyale » permanente et un abandon total du secteur. Même la FNSEA, pourtant souvent proche du pouvoir, a boycotté le discours de la ministre de l’Agriculture lors du lancement des conférences sur la souveraineté alimentaire, qualifiant l’événement d’opération de communication.

Quand le premier syndicat du pays refuse de siéger aux côtés du gouvernement, c’est un signal fort. Très fort.

La Goutte d’Eau : l’Accord UE-Mercosur

Mais la dermatose nodulaire n’est que la partie visible de l’iceberg. Derrière, se profile une menace bien plus grande pour des milliers d’éleveurs : l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur. Le vote approche, prévu avant le 20 décembre, et pourrait ouvrir grand les portes aux importations de bœuf, de volaille, de sucre ou de miel sud-américains.

Le problème ? Les normes de production sont bien moins strictes en Amérique latine. Pas les mêmes contraintes environnementales, sanitaires ou sociales. Les agriculteurs français parlent ouvertement de concurrence déloyale et craignent une déstabilisation définitive de filières déjà fragilisées.

Et comme un malheur n’arrive jamais seul, la grippe aviaire continue de frapper durement, notamment dans les Landes, premier bassin de production de canards gras. Un nouveau foyer a été détecté récemment, rappelant que la menace est permanente.

Un Déficit Commercial Historique en Vue

La France, première puissance agricole européenne, pourrait enregistrer en 2025 son premier déficit commercial agroalimentaire depuis plus de cinquante ans. Un symbole terrible. Du blé aux vins en passant par la viande, des secteurs entiers traversent une crise sans précédent et doivent déjà importer pour compenser des productions en baisse.

Les agriculteurs se sentent pris dans un étau : normes toujours plus nombreuses d’un côté, concurrence low-cost de l’autre, et des aides européennes qui risquent de fondre comme neige au soleil.

La Réforme de la PAC : la Prochaine Bombe

Car oui, il y a pire en préparation. La prochaine Politique Agricole Commune (2028-2034) pourrait voir son budget réduit de 20 % et être diluée dans un fonds plus large. Pour la France, qui touche environ 9 milliards d’euros par an – soit les deux tiers du revenu de nombreux exploitants –, c’est une catastrophe annoncée.

Ces subventions sont un amortisseur vital, surtout depuis la guerre en Ukraine qui a fait exploser les coûts de l’énergie et des engrais. Sans elles, des milliers de fermes mettront la clé sous la porte.

« Depuis des années nous alertons : l’agriculture française est à bout, prise en étau entre des normes toujours plus nombreuses et une concurrence étrangère déloyale. Et qu’a fait le gouvernement ? Rien. »

Coordination rurale

Vers une Mobilisation Historique à Bruxelles

Face à ce sentiment d’abandon, les agriculteurs préparent la riposte. Une grande marche est annoncée le 18 décembre à Bruxelles. Jusqu’à 10 000 manifestants sont attendus, dont une très forte délégation française. Tracteurs, drapeaux, banderoles : tous les ingrédients d’une démonstration de force sont réunis.

Et cette fois, les syndicats appellent même les citoyens et les élus à les rejoindre. Le message est clair : ce n’est plus seulement une crise sectorielle, c’est un enjeu de société.

Un Sentiment d’Injustice Profonde

Ce qui ressort de toutes les prises de parole, c’est un immense sentiment d’injustice. Des hommes et des femmes qui se lèvent tous les jours à 5 heures du matin, qui travaillent 70 heures par semaine, qui transmettent un patrimoine familial, se voient imposer des décisions prises à des centaines de kilomètres sans concertation réelle.

L’abattage de troupeaux entiers pour contenir une maladie, alors que d’autres pays choisissent la vaccination et le suivi, est vécu comme une punition. Quand on sait que certaines bêtes abattues étaient vaccinées et en bonne santé, la pilule est encore plus dure à avaler.

Et pendant ce temps, on prépare l’arrivée massive de produits qui ne respectent pas les mêmes règles. Le sentiment d’être sacrifiés sur l’autel du libre-échange est total.

Que Reste-t-il de la Souveraineté Alimentaire ?

La question mérite d’être posée. La France vante souvent son modèle agricole, son savoir-faire, sa gastronomie. Mais quand le pays doit importer toujours plus et que ses éleveurs manifestent leur désespoir dans l’indifférence relative, on est en droit de s’interroger.

La souveraineté alimentaire, si souvent brandie comme un étendard, semble s’effriter jour après jour. Et avec elle, tout un pan de l’identité rurale française.

Les prochaines semaines seront décisives. Entre le vote sur le Mercosur, la mobilisation du 18 décembre et les négociations sur la future PAC, les cartes sont en train d’être redistribuées. Les agriculteurs l’ont bien compris : s’ils ne se font pas entendre maintenant, il sera trop tard.

Dans les campagnes, on parle déjà de janvier comme d’un mois charnière. Certains n’excluent pas des actions plus radicales si rien ne bouge. La colère est là, profonde, légitime pour beaucoup. Et elle ne semble pas prête de s’éteindre.

À retenir : La France agricole vit peut-être l’un des hivers les plus explosifs de son histoire récente. Entre maladies animales, menaces commerciales et réformes brutales, les éleveurs refusent de devenir les variables d’ajustement d’une mondialisation qui les broie. Leur cri de colère résonne jusqu’à Bruxelles. Restera-t-il lettre morte ?

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