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Procès Lumbala à Paris : Perpétuité Requise pour Crimes en RDC

À Paris, le parquet vient de requérir la prison à perpétuité contre l’ex-chef rebelle Roger Lumbala pour les massacres de 2002-2003 en RDC. Il boycotte son propre procès et nie tout. Mais les témoignages sont accablants. Le verdict tombe lundi…

Imaginez une salle d’audience presque vide, un box des accusés désespérément désert, et pourtant des dizaines de voix venues du fond de la forêt congolaise qui résonnent encore entre ces murs parisiens. Depuis un mois, la cour d’assises de Paris juge par contumace Roger Lumbala, ancien chef rebelle de 67 ans, pour complicité de crimes contre l’humanité. Vendredi, l’accusation a requis la réclusion criminelle à perpétuité.

Un procès historique face à l’impunité congolaise

Ce n’est pas tous les jours qu’un tribunal français se penche sur les pires atrocités commises il y a plus de vingt ans dans le nord-est de la République démocratique du Congo. L’opération baptisée Effacer le Tableau, menée entre fin 2002 et début 2003, reste l’une des pages les plus sombres des guerres successives qui ravagent l’est du pays depuis près de trente ans.

Pour les organisations de défense des droits humains, ce procès représente une brèche majeure dans le mur d’impunité qui protège encore trop souvent les anciens seigneurs de guerre congolais. Même si les combats continuent aujourd’hui malgré les accords signés récemment à Washington.

Roger Lumbala refuse de reconnaître la justice française

Dès le premier jour d’audience, l’accusé a choisi l’absence. À 67 ans, l’ancien député et éphémère ministre congolais estime que la France n’a aucune légitimité à le juger. Il n’est plus revenu dans le box depuis.

L’un des avocats généraux a pourtant eu cette phrase lourde de sens : « Il nous fait faux bond parce qu’il se retrouve devant un problème qu’il n’imaginait jamais rencontrer un jour : il est devant la justice. » Une justice qu’il a toujours fuie.

« Effacer le Tableau » : l’horreur absolue en Ituri

Entre octobre 2002 et mars 2003, les combattants du RCD-N (Rassemblement congolais pour la démocratie – Kisangani/Mouvement de libération), groupe armé dirigé par Roger Lumbala et soutenu par l’Ouganda, ont semé la terreur dans le territoire de l’Ituri et une partie de la Province orientale.

Viols collectifs devant les familles, esclavage sexuel, exécutions sommaires, mutilations, cannibalisme forcé, pillages systématiques, racket des ressources minières… Les témoignages entendus pendant un mois à Paris glacent le sang.

« Ils ont coupé l’oreille de mon frère et lui ont ordonné de la manger. Comme il refusait, ils l’ont abattu sous nos yeux. »

Témoignage d’une victime à la barre

Les victimes appartenaient majoritairement aux communautés nande et pygmées bambuti, accusées de soutenir une faction rivale. L’objectif était clair : nettoyer ethniquement certaines zones pour contrôler les mines de diamants et de coltan.

Un acteur secondaire devenu « grand ordonnateur »

Pendant l’enquête, Roger Lumbala s’est toujours présenté comme un simple responsable politique sans commandement militaire effectif. Une version contredite par de nombreux éléments.

  • Des photos le montrent en treillis, kalachnikov à l’épaule.
  • Des interviews d’époque où il revendique les avancées de « ses » troupes.
  • Des témoins affirmant que les combattants se présentaient comme « les soldats de Lumbala ».
  • Des meetings dans les villes théâtre des massacres où il arrivait en hélicoptère chargé de munitions et repartait avec or et coltan.

Pour Me Clémence Witt, avocate des parties civiles : « Roger Lumbala était bel et bien le grand ordonnateur de ces atrocités. »

La compétence universelle, seule voie possible

Aucun tribunal congolais n’a jamais poursuivi ces faits. La Cour pénale internationale a bien condamné trois chefs de guerre congolais – Thomas Lubanga, Germain Katanga et Bosco Ntaganda (30 ans de prison en 2019, peine la plus lourde jamais prononcée par la CPI) – mais jamais pour les exactions précises d’Effacer le Tableau.

C’est donc la justice française, grâce à la compétence universelle, qui a pris le relais. Roger Lumbala résidant en France depuis plusieurs années, le parquet national antiterroriste a pu ouvrir une information judiciaire en 2016.

C’est la première fois qu’une cour nationale étrangère juge des crimes commis lors de ce que Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix 2018, qualifie de « conflit le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale ».

Un verdict attendu lundi dans une salle à moitié vide

Lundi, les jurés rendront leur décision. Roger Lumbala risque la perpétuité. Même s’il continue de nier farouchement, même s’il a choisi le silence et l’absence, les fantômes de l’Ituri, eux, ont parlé pendant un mois entier.

Et pour la première fois, un tribunal occidental a écouté jusqu’au bout ces voix que l’on avait trop longtemps voulu effacer.

Ce procès ne rend enfin visible l’invisible : des crimes que certains voulaient rayer de l’histoire comme on a voulu rayer des villages entiers de la carte. La justice, même tardive, même imparfaite, reste le dernier rempart contre l’oubli.

Restera à voir si cette décision, quelle qu’elle soit, aura un effet dissuasif sur ceux qui, aujourd’hui encore, sèment la terreur à quelques centaines de kilomètres de là où Effacer le Tableau a eu lieu. Car la guerre, elle, n’a jamais vraiment cessé à l’est de la RDC.

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