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Saisie Record : 110 Millions d’Euros Bloqués sur Google en France

Mercredi, plus de 110 millions d'euros appartenant à Google ont été gelés en France… sur demande de sa propre filiale russe en liquidation. Comment la maison mère se retrouve poursuivie par sa succursale ? L'histoire est à peine croyable, mais elle vient de franchir une nouvelle étape décisive…

Imaginez la scène : une entreprise américaine parmi les plus puissantes du monde se fait saisir plus de 110 millions d’euros sur le sol français… à la demande de sa propre filiale russe déclarée en faillite. Ce qui ressemble à un scénario de thriller juridique vient pourtant de se produire cette semaine.

Un gel d’avoirs spectaculaire au cœur de Paris

Mercredi, des commissaires de justice ont procédé à une saisie conservatoire d’une ampleur rare. Actions et créances détenues par Google France au bénéfice de la maison mère américaine ont été purement et simplement bloquées. Le montant ? Plus de 110 millions d’euros. Et l’auteur de cette opération n’est autre que Google LLC Russie, aujourd’hui en liquidation.

Cette procédure, confirmée par l’avocat représentant les intérêts russes en France, marque une étape cruciale dans un conflit interne qui oppose depuis des mois la filiale déchue filiale moscovite à son géant de parent californien.

Retour sur la genèse d’un divorce explosif

Tout commence bien avant l’invasion de l’Ukraine. Dès 2018, la maison mère décide unilatéralement de modifier les conditions contractuelles qui la lient à sa branche russe. Conséquence directe : les flux financiers sortant de Russie vers Mountain View explosent.

Puis viennent les sanctions internationales en 2022. Google Russie, privée de revenus publicitaires locaux et asphyxiée par les restrictions, se déclare en faillite en 2023. Mais avant de mettre la clé sous la porte, la filiale effectue un virement massif de 9,5 milliards de roubles (environ 110 millions d’euros à l’époque) vers les États-Unis.

Un transfert que les liquidateurs russes, nommés après la faillite, considèrent aujourd’hui comme un siphonnage organisé des derniers actifs de l’entreprise en difficulté.

« Il s’agissait clairement d’une extraction de fonds au détriment des créanciers russes »

William Julié, avocat des liquidateurs russes en France

La justice russe donne raison aux liquidateurs

À l’été 2024, un tribunal russe rend une décision lourde de conséquences : il invalide rétroactivement ce virement de 2021 et ordonne son remboursement. Pour les juges, la modification contractuelle de 2018 et le transfert ultérieur constituent une opération frauduleuse destinée à vider la filiale de sa substance avant la veille de sa chute.

Google, évidemment, conteste vigoureusement cette décision et refuse de rembourser. La maison mère considère que la justice russe n’a aucune légitimité à juger ses contrats internes, surtout dans le contexte géopolitique actuel.

Mais les liquidateurs, eux, passent à l’offensive internationale.

Une stratégie mondiale de recouvrement

La saisie française n’est que la partie visible d’une opération beaucoup plus vaste. Des procédures identiques ont d’ores et déjà été lancées en Espagne, au Brésil et en Turquie. L’objectif est clair : identifier partout dans le monde des actifs appartenant à Google LLC (la maison mère) via ses filiales locales et les faire geler en attendant reconnaissance du jugement russe.

En France, les commissaires de justice ont ciblé avec précision les actions de Google France détenues par la société américaine ainsi que des créances inter-compagnies. Des actifs théoriquement intouchables… jusqu’à mercredi.

Les pays déjà concernés par les saisies conservatoires :

  • 🇫🇷 France – plus de 110 millions d’euros
  • 🇪🇸 Espagne – procédure en cours
  • 🇧🇷 Brésil – procédure en cours
  • 🇹🇷 Turquie – procédure en cours

D’autres juridictions pourraient rapidement s’ajouter à cette liste.

La bataille juridique ne fait que commencer

Pour l’instant, il ne s’agit que d’une mesure conservatoire. Les fonds sont gelés, mais pas encore attribués. La prochaine étape décisive sera la procédure au fond devant les tribunaux français, qui devront déterminer si la décision russe peut être reconnue et exécutée en France.

C’est là que tout se jouera. Car exécuter un jugement russe en Europe, même dans un litige purement commercial, relève aujourd’hui du parcours du combattant. Les sanctions européennes contre la Russie, la méfiance envers son système judiciaire et les principes d’ordre public pourraient faire obstacle.

Pourtant, les liquidateurs russes avancent un argument massue : le litige est antérieur aux sanctions les plus sévères et porte sur des relations contractuelles purement privées entre deux entités commerciales. Un argument qui pourrait trouver un écho favorable auprès de certains juges français.

Un précédent qui pourrait faire trembler tout le secteur tech

Si la France reconnaissait le jugement russe, l’impact serait considérable. Ce serait la première fois qu’une filiale en faillite d’un géant américain parvient à faire exécuter un jugement russe contre sa maison mère en Europe occidentale malgré le contexte géopolitique.

D’autres entreprises américaines ayant quitté la Russie dans des conditions similaires (Microsoft, IBM, Oracle…) pourraient se retrouver exposées à des risques comparables. Les liquidateurs de leurs anciennes filiales russes pourraient être tentés de suivre le même chemin.

À l’inverse, un rejet pur et simple par la justice française enverrait un signal fort : même dans les litiges commerciaux, les jugements russes post-2022 ont peu de chances d’être exécutés en Europe.

Google silencieux, les liquidateurs confiants

Contacté à plusieurs reprises, le groupe Google n’a pas souhaité commenter cette saisie spectaculaire. Une stratégie de communication classique dans ce type de procédure : mieux vaut laisser les avocats parler.

Du côté des liquidateurs russes, représentés en France par Me William Julié, la confiance est de mise. « Nous disposons d’éléments solides prouvant la fraude contractuelle. La justice française, traditionnellement protectrice des créanciers, pourrait nous donner raison » confie-t-il.

Le cabinet qui le représente a déjà obtenu des résultats similaires dans d’autres dossiers impliquant des actifs russes à l’étranger. L’expérience joue en leur faveur.

Prochain rendez-vous décisif : l’audience au fond devant le tribunal judiciaire de Paris, dont la date reste à fixer. Le monde tech retient son souffle.

Au-delà du montant en jeu, c’est toute la question de la responsabilité des maisons mères vis-à-vis de leurs filiales en difficulté qui est posée. Jusqu’où peut-on vider une structure locale avant sa faillite sans que cela soit considéré comme abusif ?

Dans un contexte où de nombreuses entreprises occidentales ont brutalement quitté la Russie ces dernières années, souvent en laissant derrière elles des entités exsangues, ce dossier Google pourrait créer une jurisprudence lourde de conséquences.

Une chose est sûre : l’histoire est loin d’être terminée. Et le prochain chapitre s’écrira probablement dans une salle d’audience parisienne.

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