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Intimidation Chinoise : Une Activiste Hongkongaise Ciblée par des Photos IA Pornographiques

Carmen Lau, 30 ans, activiste hongkongaise exilée à Londres, découvre que ses voisins ont reçu des lettres contenant des photos d’elle nue générées par IA, avec son adresse et une invitation sordide. Derrière cette opération, elle désigne Pékin. Mais jusqu’où ira cette traque des dissidents à l’étranger ?

Imaginez ouvrir votre boîte aux lettres et découvrir une enveloppe anonyme contenant des photos de vous… entièrement nue, le visage parfaitement reconnaissable, accompagnées de votre adresse exacte et d’un texte suggestif. Ce n’est pas le scénario d’un thriller, c’est la réalité qu’a vécue Carmen Lau, jeune militante prodémocratie hongkongaise de 30 ans exilée au Royaume-Uni.

Une nouvelle forme d’intimidation made in China

Le 11 novembre dernier, plusieurs habitants de Maidenhead, à l’ouest de Londres, préviennent leur député local : des courriers étranges ont été déposés devant leur porte. À l’intérieur : cinq images de Carmen Lau générées par intelligence artificielle, où son visage est greffé sur des corps dénudés ou en sous-vêtements, avec des mentions précises de son nom, de sa taille, de son poids et une invitation à peine voilée à se rendre à son domicile.

« Cela m’a choquée et terrifiée, et en même temps cela m’a mise en colère », confie-t-elle lors d’un entretien téléphonique. L’enveloppe portait un timbre de Macao, région administrative spéciale chinoise. Pour la police britannique, l’affaire est suffisamment grave pour ouvrir une enquête.

Un mode opératoire déjà rodé

Ce n’est malheureusement pas la première fois que Carmen Lau est visée. Plus tôt dans l’année, ses voisins avaient déjà reçu des lettres les incitant à la dénoncer auprès de l’ambassade de Chine en échange de dizaines de milliers de livres sterling. Résultat : elle a dû déménager… pour la deuxième fois.

Cette nouvelle campagne franchit cependant un cap. Utiliser des deepfakes sexuellement explicites pour discréditer et terroriser une femme de 30 ans révèle une volonté claire de briser psychologiquement les dissidents, même à des milliers de kilomètres de Hong Kong.

« C’est une guerre psychologique pour nous empêcher de continuer ce que nous faisons »

Carmen Lau

Un million de dollars hongkongais sur sa tête

En décembre 2024, la police de Hong Kong a officiellement placé Carmen Lau et cinq autres activistes exilés sur une liste de personnes recherchées. Chef d’accusation : atteinte à la sécurité nationale. Prime promise : un million de dollars hongkongais (environ 109 000 euros) pour toute information menant à leur arrestation.

Cette pratique de « bounty hunting » transnational n’est pas nouvelle. Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin en 2020, des dizaines de militants prodémocratie ont fui à l’étranger. Beaucoup pensaient trouver la sécurité en Europe ou en Amérique du Nord. La réalité est plus cruelle.

Deepfakes : l’arme ultime de la honte

L’utilisation d’images pornographiques générées par IA n’est pas anodine. Dans de nombreuses cultures asiatiques, la honte publique liée à la sexualité reste extrêmement puissante. En collant le visage d’une activiste respectée sur des corps dénudés, les auteurs cherchent à la salir aux yeux de sa communauté, de sa famille, ses soutiens.

Au-delà de l’aspect sexuel, ces images ont aussi pour but de faire peur aux voisins britanniques : « Regardez ce qu’elle est vraiment », semble suggérer le message. Une technique classique de désinformation visant à isoler la cible.

Objectif triple des deepfakes malveillants :

  • Humilier et discréditer la personne publique
  • Faire peur à son entourage immédiat
  • Décourager d’autres activistes de parler

La réponse britannique et le silence chinois

Le député de Maidenhead, Joshua Reynolds, n’a pas mâché ses mots : « Les efforts déployés par Pékin pour intimider et menacer les Hongkongais prodémocratie comme Carmen sont tout à fait grotesques. » Il a immédiatement alerté les autorités.

Du côté de l’ambassade de Chine à Londres, on rejette toute implication. Un porte-parole a qualifié l’histoire de « bizarre » et reposant uniquement sur « les affirmations d’une personne ». Pourtant, le mode opératoire – timbre de Macao, récompense publique, harcèlement répété – pointe clairement vers un acteur étatique ou para-étatique.

L’exil n’est plus un refuge

Ce cas n’est pas isolé. De Londres à Vancouver en passant par Sydney, les diasporas hongkongaises font état de pressions croissantes : visites d’« amis d’amis » à la famille restée sur place, comptes bancaires gelés, menaces voilées sur WeChat, et maintenant des campagnes de deepfakes.

Pour Carmen Lau, le fardeau psychologique est le plus lourd à porter. « On vit avec cette épée de Damoclès en permanence. On se demande qui va nous trahir, qui nous surveille, jusqu’où ils sont prêts à aller. »

Malgré tout, elle refuse de se taire. Comme beaucoup d’exilés, elle continue ses prises de parole, ses interviews, son militantisme. Car céder signifierait offrir une victoire totale à ceux qui veulent étouffer la voix de Hong Kong.

L’histoire de Carmen Lau nous rappelle une chose essentielle : dans le monde connecté d’aujourd’hui, l’exil physique ne protège plus totalement. Les régimes autoritaires ont appris à exporter leur répression, utilisant les nouvelles technologies comme armes de destruction massive de la dignité humaine.

Et pendant ce temps, à Maidenhead, une jeune femme de 30 ans vérifie trois fois sa serrure avant de dormir, en se demandant quelle sera la prochaine enveloppe.

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