Imaginez embrasser votre mère pour la dernière fois, lui promettre de lui rendre visite bientôt, puis apprendre que l’avion qui la ramenait chez elle a simplement disparu des écrans radar. C’est ce cauchemar qui hante Jiang Hui depuis le 8 mars 2014. Onze ans plus tard, ce fils chinois continue de chercher des réponses, refusant d’accepter la mort de sa mère sans la moindre preuve tangible.
Un adieu qui n’aurait jamais dû être le dernier
Jiang Hui se souvient parfaitement de ce jour-là, à Pékin. Sa mère, Jiang Cuiyun, âgée de 72 ans, avait préparé un petit sac en tissu et s’apprêtait à partir en voyage. Elle lui avait promis des souvenirs et des friandises à son retour. Ce sourire, cette promesse simple, reste gravé dans sa mémoire comme la dernière image de sa mère vivante.
Le vol MH370 de Malaysia Airlines, reliant Kuala Lumpur à Pékin, transportait 239 personnes, dont sa mère. L’avion décolle normalement, puis disparaît des radars peu après. Depuis, rien. Pas un débris, pas un signal, pas une explication claire. Cette absence totale de traces transforme le deuil en une souffrance sans fin.
Le plus grand mystère de l’aviation moderne
Le vol MH370 reste l’une des plus grandes énigmes de l’histoire aéronautique. Malgré les recherches les plus vastes jamais menées, l’appareil n’a jamais été retrouvé. Les familles, et particulièrement les proches des 153 passagers chinois, vivent avec un vide insupportable.
Les années passent, mais le sentiment d’injustice grandit. Beaucoup reprochent aux autorités malaisiennes et à la compagnie aérienne un manque de transparence. Les informations sont rares, les réponses évasives, et les promesses souvent non tenues.
La reprise des recherches : un espoir fragile
Fin 2025, la Malaisie annonce la reprise des recherches sous-marines à partir du 30 décembre. Une société britannique spécialisée dans l’exploration des fonds marins est engagée pour explorer une zone jugée comme la plus probable. Pour Jiang Hui et les autres familles, cette nouvelle apporte un mince rayon d’espoir.
Mais l’enthousiasme est tempéré. Les familles demandent des détails précis : la localisation exacte de la zone, le calendrier, les moyens déployés. Pour l’instant, aucune réponse claire n’a été donnée. Certains craignent que cette annonce ne soit qu’une opération de communication.
« Nous n’avons toujours reçu aucune réponse à ce jour », se désole Jiang Hui.
Cette opacité alimente la méfiance. Jiang Hui gère un groupe de messagerie instantanée où les familles échangent informations et soutien. Cet espace est devenu leur refuge, mais aussi le lieu où se partagent les doutes et les frustrations.
Une vie dédiée à la quête de vérité
Dans son appartement du nord-est de Pékin, Jiang Hui a transformé une pièce entière en mémorial. Des étagères pleines de livres sur la catastrophe, un modèle réduit du Boeing 777, des dizaines de T-shirts portés lors de rassemblements de familles, des dossiers, des lettres, des cartes. Tout est soigneusement classé.
Il appelle ces objets ses « archives historiques ». Chaque document, chaque photo, chaque souvenir est un pas de plus dans sa quête. Pour lui, retrouver l’avion, retrouver sa mère, découvrir ce qui s’est passé, est devenu le but de sa vie.
« Retrouver l’avion, retrouver ma mère et découvrir la vérité, je crois que c’est un des buts de ma vie. »
Il évoque le lien profond qui l’unissait à sa mère. Une femme ordinaire, forte, qui a travaillé dur pour élever sa famille. Il rêvait de voyager avec elle quand les enfants seraient grands, de lui offrir des vieux jours paisibles. Cette disparition a brisé ce rêve.
Les années les plus difficiles
Les recherches officielles ont été suspendues en 2017. Pour Jiang Hui, cette période a été la plus douloureuse. Sans aucune nouvelle, sans aucun espoir concret, le vide devient écrasant. Beaucoup de familles ont cru que l’affaire était définitivement classée.
Pourtant, Jiang Hui n’a jamais abandonné. Il a continué à écrire aux autorités, à participer à des réunions, à maintenir le contact avec les autres proches. Sa détermination est intacte, même après plus d’une décennie.
La question de la déclaration de décès
En Chine, un tribunal de Pékin a récemment ordonné à Malaysia Airlines de verser plus de 2,9 millions de yuans (environ 410 000 dollars) à huit familles ayant déclaré leurs proches décédés. Quarante-sept autres dossiers ont fait l’objet d’accords extrajudiciaires.
Mais pour Jiang Hui, déclarer sa mère décédée sans preuve reste inconcevable. Sur les 78 dossiers portés devant la justice chinoise, 23 restent en suspens, faute de déclaration de décès ou de procédure achevée.
« J’ai l’impression qu’on me demande de déclarer ma mère décédée sans aucune preuve, ce qui est très difficile à accepter pour moi. Je trouve cela inhumain. »
Il refuse catégoriquement de signer un tel document. Pour lui, accepter la mort sans corps ni explication reviendrait à abandonner la quête de vérité. Cette position lui coûte cher, car elle l’empêche de recevoir une quelconque indemnisation.
Un combat pour la transparence
Les familles reprochent à la compagnie et aux autorités malaisiennes un manque de communication. Elles demandent des rapports détaillés, des explications sur les choix techniques, sur les zones explorées. Chaque silence renforce leur sentiment d’être laissées pour compte.
Jiang Hui et ses compagnons de douleur espèrent que la nouvelle campagne de recherches sera menée avec plus d’ouverture. Ils veulent des mises à jour régulières, des données accessibles, une vraie collaboration.
Les autres nationalités à bord
Le vol MH370 transportait des passagers de 14 nationalités différentes. Outre les 153 Chinois, on comptait 50 Malaisiens, ainsi que des ressortissants d’autres pays. Les familles malaisiennes n’ont pas engagé de procédure judiciaire en Malaisie, selon les informations disponibles.
Cette diversité ajoute une complexité supplémentaire. Chaque pays a ses propres procédures, ses propres attentes. Mais le sentiment d’abandon est partagé par tous les proches, quelle que soit leur nationalité.
Un espoir qui renaît, mais fragile
La reprise des recherches en eaux profondes est une lueur d’espoir pour Jiang Hui. Il sait que les chances de retrouver l’avion restent minces, mais il refuse de perdre foi. Chaque jour sans réponse est douloureux, mais chaque jour avec un nouvel effort est une victoire.
Il continue de porter les T-shirts de rassemblement, d’écrire des lettres, de parler aux médias. Sa quête n’est pas seulement personnelle : elle est aussi un combat pour toutes les familles qui veulent la vérité.
La piété filiale au cœur du combat
Dans la culture chinoise, la piété filiale occupe une place centrale. Pour Jiang Hui, retrouver sa mère, même sous forme de restes, est la meilleure façon de lui rendre hommage. Il veut pouvoir lui dire au revoir correctement, lui offrir une sépulture digne.
Ce combat dépasse la simple recherche d’un avion. Il s’agit d’un fils qui veut honorer sa mère, qui refuse de laisser l’histoire s’arrêter sur un mystère sans fin.
Un mystère qui continue de hanter le monde
Le vol MH370 reste un cas unique. Aucun autre avion commercial n’a jamais disparu de façon aussi totale. Les théories abondent : détournement, panne technique, acte délibéré du pilote… Mais aucune n’a pu être confirmée.
Chaque nouvelle campagne de recherches relance les débats, ravive les espoirs et rouvre les blessures. Pour les familles, le temps s’est arrêté en 2014. Pour le reste du monde, l’affaire reste un fascinant mystère.
Vers une possible résolution ?
Les prochaines semaines seront décisives. Si l’équipe britannique réussit à localiser des débris ou l’épave, cela pourrait enfin apporter des réponses. Mais même en cas de découverte, de nombreuses questions resteront sans doute sans réponse.
Pour Jiang Hui, l’important est de ne jamais abandonner. Il porte en lui la conviction que la vérité finira par éclater, même après tant d’années. Sa détermination est un exemple pour toutes les familles touchées par cette tragédie.
Onze ans après, le vol MH370 continue de hanter les océans et les esprits. Et tant que l’avion n’aura pas été retrouvé, tant que les familles n’auront pas pu dire un vrai adieu, la quête de Jiang Hui et de ses compagnons de douleur se poursuivra.









