Imaginez-vous faire la queue pour voter, le cœur battant, en sachant que des hommes armés vous observent à quelques mètres. Au Honduras, ce scénario digne d’un film noir est devenu réalité pour des milliers d’électeurs le 30 novembre dernier.
Quand la démocratie tremble sous la menace des gangs
Une ONG de défense des droits humains a révélé jeudi une réalité glaçante : lors de l’élection présidentielle, des membres de gangs ont littéralement contraint certains électeurs à glisser un bulletin précis dans l’urne. Présence physique intimidante près des bureaux de vote, diffusion d’enregistrements audio terrifiants… la liste des pressions est longue et documentée.
Le directeur des enquêtes de l’organisation Cristosal, René Valiente, n’y va pas par quatre chemins : « Nous avons identifié certains actes de coercition à l’égard de l’électorat. » Il ajoute que des individus liés aux réseaux criminels se tenaient ostensiblement à proximité des lieux de vote, créant un climat de peur palpable.
« Des enregistrements audio intimidants provenant vraisemblablement de réseaux criminels ont circulé et ont influencé le choix des électeurs. »
René Valiente, directeur des enquêtes Cristosal
Sept assassinats politiques en pleine campagne
Mais l’intimidation n’a pas été que verbale ou visuelle. Le rapport intitulé La démocratie menacée recense pas moins de 67 actes de violence politique pendant la campagne. Parmi eux, sept meurtres ciblés qui glacent le sang.
Six victimes étaient des hommes qui briguent ou occupaient déjà des postes municipaux. La septième était un enfant de cinq ans, tué lors d’une attaque à main armée contre une manifestation du parti Libre, la formation de gauche de la présidente sortante Xiomara Castro.
Cette mort d’un enfant dans un contexte électoral marque un seuil particulièrement abject dans la spirale de violence qui ronge le pays.
Les maras, fléau historique du Honduras
Il est impossible de parler de violence au Honduras sans évoquer les deux organisations qui terrorisent la population depuis des décennies : le Barrio 18 et la Mara Salvatrucha (MS-13). Considérées comme des organisations terroristes par les États-Unis, ces structures contrôlent des quartiers entiers et imposent leur loi par la peur.
Leur influence ne s’arrête pas au trafic de drogue ou aux extorsions. Elles s’immiscent désormais ouvertement dans le processus démocratique, transformant l’élection en une parodie où le bulletin de vote se décide parfois sous la menace d’une arme.
Xiomara Castro dénonce des menaces ciblées contre son camp
La présidente sortante, candidate à sa propre succession sous les couleurs du parti Libre, n’a pas mâché ses mots. Selon elle, ce sont surtout ses électeurs qui ont subi des menaces directes de la part de bandes criminelles dans plusieurs régions du pays.
Arrivée troisième selon les derniers décomptes intermédiaires, elle crie aujourd’hui à la falsification du scrutin et dénonce même une ingérence des États-Unis. Des accusations graves qui viennent s’ajouter à un climat déjà explosif.
Un dépouillement bloqué depuis douze jours
Le plus aberrant ? Douze jours après la fermeture des bureaux de vote, le Honduras n’a toujours pas de résultats officiels. Le Conseil national électoral (CNE) affirme examiner 2 749 procès-verbaux présentant des « incohérences ». Le processus a été suspendu à plusieurs reprises.
Pendant ce temps, la tension monte. Salvador Nasralla, candidat du Parti libéral qui fut un temps donné vainqueur, hurle au vol électoral. Nasry Asfura, candidat conservateur soutenu ouvertement par Donald Trump lors de la précédente élection, serait désormais en tête d’une courte marge.
À retenir
- Présence physique de membres de gangs près des bureaux de vote
- Circulation d’enregistrements audio menaçants
- 7 assassinats politiques documentés, dont un enfant de 5 ans
- 67 actes de violence politique recensés pendant la campagne
- Résultats toujours pas proclamés 12 jours après le scrutin
Un scrutin à plusieurs enjeux
Ce n’était pas seulement la présidente qui était en jeu le 30 novembre. Les Honduriens renouvelaient également l’intégralité du Congrès unicaméral. Un double scrutin qui rend l’équation politique encore plus complexe.
Dans ce contexte, chaque voix compte. Et quand certaines de ces voix sont obtenues sous la contrainte, c’est la légitimité même des futures institutions qui se trouve entachée dès le départ.
Vers une nouvelle crise institutionnelle ?
Le Honduras n’en est malheureusement pas à sa première crise électorale. En 2017 déjà, la réélection contestée de Juan Orlando Hernández avait déclenché des manifestations massives et des accusations de fraude.
Aujourd’hui, le pays semble se diriger vers un nouveau chapitre sombre. Entre les dénonciations croisées de fraude, les pressions criminelles avérées et l’absence de résultats définitifs, tous les ingrédients d’une explosion sociale sont réunis.
La communauté internationale observe avec inquiétude. Car ce qui se joue au Honduras dépasse largement ses frontières : c’est la capacité même d’un État gangréné par la violence organisée à organiser une élection libre et transparente qui est en cause.
Dans les rues de Tegucigalpa et San Pedro Sula, beaucoup retiennent leur souffle. La démocratie hondurienne vacille. Et pour l’instant, personne ne sait si elle tiendra debout.
À suivre de très près.









