Imaginez-vous sur une table d’opération, totalement vulnérable, confiant votre vie à des mains censées vous sauver. Et si l’une de ces mains décidait, en secret, de vous faire basculer de l’autre côté ? C’est la terrifiante réalité qu’explore depuis trois mois la cour d’assises de Besançon dans l’une des affaires judiciaires les plus glaçantes de ces dernières décennies.
La perpétuité requise contre Frédéric Péchier
Ce vendredi, le sort de l’anesthésiste de 53 ans va se jouer un peu plus. Les deux avocates générales ont achevé leurs réquisitions et demandent la peine maximale : la réclusion criminelle à perpétuité. Pour elles, Frédéric Péchier n’est rien de moins qu’un criminel en blouse blanche, responsable de trente empoisonnements, dont douze ont été mortels.
Le ton est grave, presque solennel. Les magistrates n’ont pas hésité à employer des termes rarement entendus dans un tribunal à l’encontre d’un médecin.
Un « tueur en série » en blouse blanche
« Il n’est évidemment ni Guy Georges ni Michel Fourniret, il n’en est pas moins un tueur en série. » La phrase, prononcée avec une froide détermination, a résonné dans la salle d’audience. L’accusation refuse de minimiser la gravité des faits sous prétexte que l’accusé exerce une profession respectée.
« Un criminel qui a utilisé la médecine pour tuer »
Cette formule choc résume la conviction profonde du parquet : Frédéric Péchier aurait détourné ses connaissances médicales pour commettre l’irréparable.
Le mode opératoire présumé
Selon l’accusation, tout serait parti d’un geste apparemment anodin : polluer des poches de perfusion. Potassium en surdose, anesthésiques locaux, adrénaline, héparine… Des substances courantes en bloc opératoire, mais mortelles à forte dose.
Le but ? Provoquer des arrêts cardiaques brutaux ou des hémorragies massives chez des patients pris en charge par des collègues. Des confrères avec lesquels, selon le parquet, Frédéric Péchier entretenait des relations conflictuelles.
Une vengeance froide, calculée, menée sous le couvert de l’anonymat du bloc opératoire.
Trente dossiers passés au crible
Pendant toute une journée, les deux représentantes du ministère public se sont relayées pour décortiquer chaque cas. Trente fois, elles ont demandé aux jurés de retenir la culpabilité de l’accusé.
À chaque fois, elles ont également requis la circonstance aggravante : préméditation ou vulnérabilité particulière de la victime. Des patients âgés, fragiles, parfois enfants – tous placés dans une confiance absolue envers le corps médical.
Un accusé imperturbable
Face à cette charge d’une rare violence, Frédéric Péchier est resté de marbre. Assis au côté de sa sœur et de son avocat, il prenait des notes, écoutait, sans jamais laisser transparaître la moindre émotion.
À la sortie de l’audience, interrogé sur l’étiquette de « serial killer » qui lui a été collée, il a répondu avec une économie de mots sidérante : « C’est leur avis. On verra à la fin. »
Deux thèses irréconciliables
Depuis le premier jour de l’enquête, deux visions s’opposent frontalement. D’un côté, le parquet persuadé d’avoir démasqué un empoisonneur particulièrement retors. De l’autre, un médecin qui reconnaît l’existence d’un coupable… mais assure que ce n’est pas lui.
Frédéric Péchier a toujours maintenu qu’un autre individu sévissait dans les deux cliniques privées où il exerçait. Il pointe des dysfonctionnements, des erreurs collectives, mais refuse catégoriquement d’endosser la responsabilité des faits.
Une défense confiante avant la dernière ligne droite
Maître Randall Schwerdorffer, l’un des avocats de la défense, ne cache pas son optimisme. « Ces réquisitions ne constituent pas une surprise », explique-t-il. Il rappelle que le procès a toujours opposé deux thèses antagonistes.
À ses yeux, la plaidoirie de la défense, prévue lundi, doit permettre de faire basculer la conviction des jurés. « Je n’ai aucun doute que la cour écoutera cet argumentaire », affirme-t-il avec assurance.
Le tabou du meurtre médical
Au-delà du cas individuel, c’est tout un système qui est mis en lumière. Le procès soulève la question terrifiante de la confiance absolue accordée aux soignants. Comment imaginer qu’un médecin puisse franchir la ligne rouge ?
Les avocates générales ont elles-mêmes parlé d’une « affaire totalement hors norme », marquée par « le tabou social du meurtre médical ». Un tabou qui rend l’accusation d’autant plus difficile à entendre… et à prouver.
Un verdict avant Noël
Le délibéré est attendu au plus tard le 19 décembre. Après trois mois d’un procès épuisant pour toutes les parties – familles de victimes, accusé, jurés –, la cour d’assises devra trancher.
Perpétuité ou acquittement ? Entre la conviction implacable du parquet et la défense acharnée de l’innocence, les jurés portent une responsabilité écrasante.
Une chose est sûre : quelle que soit l’issue, cette affaire laissera des traces profondes dans le monde médical et dans l’opinion publique. Le mythe du médecin au-dessus de tout soupçon en sortira forcément ébranlé.
En attendant, la France entière retient son souffle avant le dernier acte de ce drame judiciaire hors norme.
À suivre : la plaidoirie de la défense lundi, puis le verdict attendu dans les tout prochains jours.
(Article mis à jour au fur et à mesure des développements du procès)









