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Soudan : L’ONU Lance une Nouvelle Initiative de Paix à Genève

Antonio Guterres vient d’annoncer l’organisation de discussions à Genève avec l’armée soudanaise et les paramilitaires des FSR. Mais alors que l’ONU accuse ouvertement ces derniers des pires atrocités, une question cruciale demeure : les deux camps accepteront-ils vraiment de s’asseoir à la même table ?

Imaginez un pays autrefois connu comme le grenier de l’Afrique, aujourd’hui déchiré par une guerre sans merci qui a déjà fait des dizaines de milliers de morts et déplacé douze millions de personnes. Depuis avril 2023, le Soudan vit un cauchemar quotidien entre l’armée régulière et les paramilitaires des Forces de soutien rapide. Et soudain, une lueur : l’ONU annonce vouloir rassembler les deux camps à Genève.

Un nouvel espoir diplomatique pour le Soudan

C’est lors d’une interview accordée à la chaîne saoudienne Al-Arabiya que le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a révélé cette initiative. « Nous tiendrons à Genève des réunions avec les deux côtés », a-t-il déclaré avec une détermination mesurée. L’objectif ? Mettre fin à un conflit qui, en moins de trois ans, a transformé le Soudan en l’une des pires crises humanitaires de la planète.

À New York, son porte-parole adjoint, Farhan Haq, a toutefois tempéré l’enthousiasme : aucune date n’est encore fixée. Il s’agirait dans un premier temps de discussions techniques, une étape préalable qui pourrait, espère-t-on, déboucher sur des négociations plus substantielles.

El-Facher, symbole des atrocités récentes

Parmi les annonces les plus marquantes figure la promesse d’un accès humanitaire imminent à El-Facher. Cette ville, dernière grande agglomération du Darfour à avoir résisté aux Forces de soutien rapide, est tombée en octobre dernier. Sa prise a été accompagnée de massacres, de viols systématiques et de pillages à grande échelle, selon de nombreux témoignages convergents.

« Aucun des deux camps ne se comporte bien mais il y en a clairement un qui commet les pires atrocités, c’est celui des FSR »

Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU

Cette phrase, prononcée sans détour, marque une prise de position rare de la part du plus haut responsable onusien. Elle reflète la gravité des exactions attribuées aux paramilitaires de Mohamed Hamdan Daglo, dit « Hemedti ».

L’Arabie saoudite, acteur clé de la médiation

Antonio Guterres s’exprimait depuis Ryad, où il venait de s’entretenir avec le prince héritier Mohammed ben Salmane. L’Arabie saoudite, membre du « Quad » (avec les États-Unis, l’Égypte et les Émirats arabes unis), a nettement intensifié ses efforts ces derniers mois.

Fin novembre, le président américain Donald Trump avait lui-même affirmé vouloir mettre fin aux « atrocités » au Soudan, à la demande expresse du dirigeant saoudien lors de sa visite à Washington. Cette convergence diplomatique entre Riyad et Washington pourrait constituer un levier décisif.

Un conflit aux conséquences dramatiques

Pour bien mesurer l’urgence, rappelons quelques chiffres accablants :

  • Des dizaines de milliers de morts (le chiffre exact reste inconnu tant les zones sont inaccessibles)
  • 12 millions de personnes déplacées ou réfugiées – le plus grand déplacement de population au monde actuellement
  • Près de 25 millions de Soudanais en situation d’insécurité alimentaire aiguë
  • Des infrastructures vitales (hôpitaux, écoles, réseaux d’eau) systématiquement détruites ou pillées

Le Darfour, déjà marqué par le génocide des années 2000, replonge dans l’horreur. Les témoignages de survivants d’El-Facher décrivent des scènes apocalyptiques : exécutions sommaires dans les rues, femmes et jeunes filles violées en pleine rue, quartiers entiers incendiés.

Pourquoi Genève et pas Jeddah ou Addis-Abeba ?

Plusieurs rounds de négociations ont déjà échoué par le passé, notamment ceux de Jeddah sous égide saoudienne et américaine en 2023. Le choix de Genève présente plusieurs avantages : neutralité suisse historique, présence de nombreuses agences onusiennes, et distance géographique qui peut désamorcer certaines tensions.

Les « discussions techniques » annoncées pourraient porter sur des points concrets : couloirs humanitaires sécurisés, cessez-le-feu localisés, libération de prisonniers, ou encore mécanismes de surveillance des violations.

Les obstacles restent immenses

Malgré l’optimisme prudent de l’ONU, plusieurs écueils menacent cette nouvelle initiative :

  1. La méfiance totale entre le général Al-Burhan (chef de l’armée) et Hemedti (chef des FSR)
  2. Les soutiens extérieurs divergents : Égypte et Iran d’un côté, Émirats arabes unis et Russie de l’autre
  3. Le contrôle effectif du terrain par les FSR dans de nombreuses régions, qui leur donne un sentiment de force
  4. L’absence de pression internationale suffisamment forte pour forcer un compromis

Enfin, la question de la justice transitionnelle et de la lutte contre l’impunité risque de bloquer rapidement toute discussion de fond. Les deux camps s’accusent mutuellement de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

Vers un début de solution ou un énième échec ?

L’histoire récente du Soudan est jalonnée de faux espoirs. Pourtant, plusieurs éléments laissent penser que cette fois pourrait être différente : l’implication personnelle de Mohammed ben Salmane, la volonté affichée de Donald Trump, et surtout l’épuisement extrême de la population qui rend tout prolongement du conflit insoutenable.

L’accès promis à El-Facher, s’il se concrétise, serait déjà une victoire humanitaire majeure. Il permettrait enfin aux agences onusiennes de secourir des centaines de milliers de personnes prises au piège depuis des mois.

Le chemin reste long, sinueux et semé d’embûches. Mais pour la première fois depuis longtemps, une fenêtre semble s’entrouvrir. Reste à savoir si les belligérants auront le courage – ou seront contraints – de la franchir.

Le monde a les yeux tournés vers Genève. Et des millions de Soudanais retiennent leur souffle.

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