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Crise USA-Venezuela : Le Pétrolier Saisi Qui Fait Trembler Maduro

Soldats en rappel depuis des hélicoptères, un pétrolier arraisonné au large des Caraïbes… Washington vient de frapper là où ça fait mal : le cœur financier de Maduro. Mais cette saisie est-elle un coup isolé ou le début d’une chasse massive qui pourrait faire basculer le Venezuela dans une nouvelle crise dramatique ?

Imaginez la scène : en pleine nuit caraïbe, des hélicoptères noirs surgissent au-dessus d’un immense pétrolier. Des commandos descendent en rappel sur le pont, armes à la main. Le bateau, qui voguait discrètement vers Cuba, vient d’être arraisonné par la marine américaine. Ce n’est pas un film hollywoodien. C’est ce qui s’est passé cette semaine avec le Skipper, et cela marque une nouvelle escalade dans la guerre économique que livrent les États-Unis au régime de Nicolás Maduro.

Une opération qui va bien au-delà de la lutte antidrogue

Depuis août, Washington a déployé un impressionnant dispositif naval dans la région, officiellement pour traquer les narco-trafiquants. Mais personne n’est dupe. En s’emparant de ce tanker chargé de brut vénézuélien, les États-Unis touchent directement la principale artère financière du pouvoir chaviste : le pétrole.

Caracas a immédiatement dénoncé un « vol éhonté » destiné à s’approprier les ressources du pays. Une accusation récurrente, mais qui trouve ici un écho particulier alors que le Venezuela lutte pour maintenir ses exportations malgré un embargo renforcé depuis 2019 et durci encore en 2025.

Les plus grandes réserves mondiales dans un pays en ruine

Le paradoxe est saisissant. Le Venezuela possède les plus grandes réserves prouvées de pétrole brut au monde : 303,221 millions de barils selon l’OPEP, devant l’Arabie saoudite et l’Iran. Pourtant, le pays est exsangue.

La production, qui dépassait les 3 millions de barils par jour au début des années 2000, a chuté jusqu’à un creux historique de 350 000 barils. Grâce à des efforts désespérés et à l’aide discrète de partenaires russes et chinois, elle est remontée à environ 930 000 barils par jour en 2025. Un chiffre encore très loin des capacités réelles.

Les experts sont unanimes : sans investissements colossaux – impossibles sous le régime de sanctions – la production restera plafonnée. Les installations vieillissantes, le manque de pièces détachées et la fuite des compétences ont transformé l’eldorado pétrolier en cimetière industriel.

Les « bateaux fantômes », une flotte clandestine pour survivre

Pour contourner l’embargo, le Venezuela a développé tout un arsenal de ruses maritimes. Les pétroliers éteignent leur transpondeur AIS, changent de pavillon en pleine mer, déclarent de fausses destinations ou transfèrent leur cargaison en haute mer vers d’autres navires. On les appelle les bateaux fantômes.

Le Skipper, arraisonné cette semaine, faisait partie de cette flotte de l’ombre. Déjà sanctionné par le Trésor américain en 2022 pour ses liens présumés avec les Gardiens de la révolution iranienne, il battait cette fois pavillon guyanien – un voisin pétrolier du Venezuela qui sert parfois de couverture.

« La circulation de ces bateaux est visible et, jusqu’à présent, largement tolérée »

Un expert maritime sous couvert d’anonymat

Cette tolérance semble appartenir au passé.

Cuba, Chine, cryptomonnaies : les circuits de survie de Caracas

Environ 5 % de la production vénézuélienne part toujours vers Cuba, paiement d’une vieille dette idéologique. La Havane règle en médecins, en services ou en nature. Le Skipper se dirigeait justement vers l’île lorsqu’il a été intercepté.

Pour le reste, la Chine absorbe l’essentiel – officiellement près de 80 % – mais en passant par des intermédiaires malaisiens qui re-étiquettent le brut comme étant malais. Les paiements? Principalement en stablecoins, surtout USDT, pour échapper au système bancaire américain.

Au premier semestre 2025, sur 380 millions de dollars d’exportations, seuls 43 millions passaient par cryptomonnaie. Au second semestre, ce chiffre a explosé à 310 millions – plus de 80 %. L’économie vénézuélienne, déjà largement dollarisée, se numérique de force.

Même Chevron, dernier grand opérateur américain présent grâce à une licence exceptionnelle, ne peut plus verser d’argent liquide à l’État. L’entreprise règle ses taxes… en barils de pétrole.

Un message clair : « Nous pouvons saisir tous vos navires »

La saisie du Skipper représente une perte estimée entre 50 et 75 millions de dollars pour Caracas. Mais l’impact symbolique est bien plus lourd.

« C’est un message très dur : on peut continuer à saisir des bateaux »

Elías Ferrer, analyste chez Orinoco Research

Si les arraisonnements se multiplient, les armateurs de la flotte fantôme risquent de purement et simplement refuser de charger au Venezuela. La prime de risque exploserait, les rabais exigés par les acheteurs aussi, et les volumes exportés s’effondreraient.

Conséquence : moins de devises, marché des changes paralysé, importations bloquées, retour possible des rayons vides et des files d’attente interminables devant les pharmacies – le cauchemar de la période 2016-2018.

Jusqu’où les alliés de Maduro sont-ils prêts à aller ?

La grande question est désormais celle-ci : la Chine, la Russie et l’Iran accepteront-ils de prendre des risques accrus pour maintenir la flottille à flot ? Jusqu’à présent, Pékin a privilégié la discrétion. Moscou envoie des techniciens, mais pas des navires militaires. Téhéran fournit du carburant et des pièces, mais sous le radar.

Maduro a déjà survécu à pire : 300 000 barils par jour, une inflation à un million pour cent, des pénuries généralisées. Mais chaque nouvelle pression resserre l’étau.

Et cette fois, Washington semble décidé à aller jusqu’au bout.

L’arraisonnement du Skipper n’est peut-être qu’un avertissement. Ou le premier domino d’une chute qui pourrait emporter tout l’édifice chaviste. Dans les rues de Caracas, on retient son souffle.

En résumé : Les États-Unis viennent de passer à la vitesse supérieure dans leur stratégie de « pression maximale » en s’attaquant directement aux navires qui permettent au Venezuela de respirer. Entre bateaux fantômes, paiements en cryptomonnaies et alliés de plus en plus prudents, le régime de Maduro joue sa survie pétrolière – et donc politique – dans les prochains mois.

La mer des Caraïbes, autrefois calme, est devenue un champ de bataille économique où chaque tanker compte. Et pour l’instant, c’est Washington qui mène la danse.

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