Imaginez la scène : un pétrolier battant pavillon vénézuélien arrêté en pleine mer par la marine américaine, pendant que, à des milliers de kilomètres, deux présidents discutent au téléphone et scellent leur solidarité. Cette image résume parfaitement la nouvelle escalade entre Washington, Caracas et Moscou.
Un appel téléphonique au cœur de la tempête géopolitique
Jeudi dernier, Vladimir Poutine a personnellement appelé Nicolas Maduro. Le Kremlin n’a pas tardé à publier un communiqué clair : le président russe exprime sa solidarrière solidarité avec le peuple vénézuélien et confirme son soutien à la politique du gouvernement légitime face aux pressions extérieures croissantes.
Le message est limpide : la Russie se place en bouclier diplomatique et stratégique du Venezuela au moment où les États-Unis passent à l’action concrète avec la saisie d’un pétrolier chargé de brut.
Ce que Moscou a exactement dit
Le communiqué officiel russe reste mesuré mais ferme. On y lit que Vladimir Poutine a :
- Exprimé sa solidarité avec le peuple vénézuélien
- Confirmé son soutien à la politique de Nicolas Maduro pour protéger les intérêts nationaux et la souveraineté
- Réaffirmé l’engagement mutuel dans les projets économiques, énergétiques et commerciaux
Aucune mention directe des États-Unis, mais tout le monde comprend le sous-texte.
La version venezuelienne, plus chaleureuse
Du côté de Caracas, le ton est encore plus offensif. Le palais de Miraflores parle d’un « important entretien » au cours duquel Poutine a réitéré que les canaux de communication restent « ouverts en permanence » et que la Russie continuera à soutenir le Venezuela dans sa lutte pour la souveraineté et la paix en Amérique latine.
« Le peuple vénézuélien mérite un respect absolu dans sa lutte légitime pour la défense de sa souveraineté et de son indépendance. »
Communiqué de la présidence vénézuélienne
Maduro, de son côté, aurait informé son homologue russe des « progrès constants » du pays en matière de paix, de croissance économique et de stabilité sociale – un discours optimiste qui contraste fortement avec la réalité quotidienne des Vénézuéliens.
Contexte : pourquoi maintenant ?
Cet appel intervient quelques heures seulement après la saisie par les États-Unis d’un pétrolier vénézuélien au large des côtes. Une opération inédite qui marque un durcissement spectaculaire de la stratégie américaine.
Les hydrocarbures représentent plus de 90 % des recettes d’exportation du Venezuela. Chaque tanker bloqué ou saisi est une attaque directe contre l’économie déjà exsangue du pays.
Depuis l’été, Washington a déployé un important dispositif naval dans les Caraïbes. L’objectif affiché : empêcher tout commerce pétrolier jugé illégal. La saisie de ce navire constitue donc la première concrétisation visible de cette menace.
Une alliance ancienne et renforcée
Il ne s’agit pas d’un soutien ponctuel. Moscou et Caracas entretiennent des relations privilégiées depuis l’époque d’Hugo Chávez. Prêts russes, investissements dans le pétrole, livraisons d’armes, coopération militaire… les liens sont nombreux et profonds.
En mai dernier, Nicolas Maduro annonçait même la signature d’un nouveau traité de coopération stratégique avec la Russie, preuve que l’alliance ne cesse de se renforcer malgré les sanctions internationales.
Aujourd’hui, la Russie est l’un des rares pays à reconnaître encore la légitimité de Nicolas Maduro après les élections contestées de 2018 et la proclamation de Juan Guaidó comme président par intérim par une cinquantaine de pays.
Les enjeux énergétiques au cœur du bras de fer
Le pétrole vénézuélien, parmi les plus lourds du monde, nécessite des technologies spécifiques que seules quelques compagnies maîtrisent. Or, la russe Rosneft a été l’un des derniers partenaires majeurs à continuer d’acheter et de transporter le brut vénézuélien malgré les sanctions américaines.
En saisissant des tankers, Washington vise directement ces circuits parallèles qui permettent au régime de Maduro de survivre économiquement.
La réponse russe est donc aussi une défense de ses propres intérêts dans la région.
Vers une nouvelle guerre froide en Amérique latine ?
Ce soutien public de Poutine à Maduro s’inscrit dans une stratégie globale de contestation de l’hégémonie américaine. De la Syrie à l’Ukraine en passant par l’Afrique, Moscou multiplie les partenariats avec les pays en conflit avec Washington.
Le Venezuela représente un terrain idéal : proche géographiquement des États-Unis, riche en pétrole, et dirigé par un président prêt à défier l’« empire » comme il l’appelle.
En retour, Maduro offre à la Russie une tête de pont en Amérique latine et un levier pour négocier ailleurs.
Et maintenant ?
La question que tout le monde se pose : jusqu’où ira Moscou ? Une intervention militaire directe semble improbable, mais un renforcement de la présence navale russe dans les Caraïbes, des livraisons d’armes supplémentaires ou une aide financière déguisée restent possibles.
Une chose est sûre : ce coup de fil entre Poutine et Maduro n’était pas anodin. Il marque une étape supplémentaire dans la transformation de la crise vénézuélienne en affrontement par procuration entre grandes puissances.
Et pendant ce temps, dans les stations-service de Caracas, les files d’attente s’allongent, les rues restent plongées dans le noir plusieurs heures par jour. Car derrière les grands discours sur la souveraineté, c’est bien le peuple vénézuélien qui continue de payer le prix fort de cette guerre géopolitique.
À suivre, très probablement, avec la plus grande attention.









