InternationalPolitique

Disparition Forcée d’un Journaliste au Burkina Faso : RSF Alerte

Au Burkina Faso, le journaliste Moussa Sareba a été enlevé dans les locaux de son média après avoir critiqué le régime. Depuis le 10 août, plus aucune nouvelle. RSF exige sa libération immédiate… Mais que cache vraiment ce silence ?

Imaginez un matin ordinaire à Ouagadougou : un journaliste entre dans les bureaux de son média, répond à un appel, et disparaît sans laisser de trace. C’est exactement ce qui est arrivé à Moussa Sareba, un reporter burkinabè connu pour son travail indépendant. Depuis le 10 août, ses proches et collègues cherchent désespérément à savoir où il se trouve, tandis que les autorités gardent un silence assourdissant.

Une disparition qui inquiète l’opinion internationale

Reporters sans frontières (RSF) a réagi avec fermeté à cette affaire. L’organisation a dénoncé ce qu’elle qualifie de « disparition forcée » et demande instamment aux autorités burkinabè de révéler la localisation de Moussa Sareba et de le libérer sans délai. Selon l’ONG, cet enlèvement s’inscrit dans un climat de répression croissante contre les voix critiques.

Le cas de Moussa Sareba n’est malheureusement pas isolé. Le pays traverse une période particulièrement tendue depuis le coup d’État de septembre 2022, qui a porté au pouvoir le capitaine Ibrahim Traoré. Les accusations de répression se multiplient à l’encontre du régime militaire, notamment envers les journalistes, les militants des droits humains et les opposants politiques.

Les faits : un enlèvement en plein jour

Tout commence le 10 août dans les locaux du média privé Fil Infos, où Moussa Sareba travaille également comme administrateur de la page Facebook de Radio Oméga. Ce matin-là, il reçoit un appel d’un individu qui lui demande de se rendre sur place. À son arrivée, plusieurs personnes se présentant comme des agents de la Direction générale de la police nationale l’attendent.

Les individus, habillés en civil, lui ordonnent de les suivre. Ils se rendent ensuite à son domicile, situé dans le 11e arrondissement de la capitale. Là, Moussa Sareba entre chez lui accompagné de deux personnes pour récupérer son téléphone et son ordinateur. Depuis cet instant, plus personne n’a eu de nouvelles de lui.

Les proches du journaliste ont tenté de le contacter, en vain. RSF a elle-même sollicité des informations auprès du ministère de la Communication, sans obtenir la moindre réponse. Ce silence officiel alimente les craintes d’une disparition forcée orchestrée par les autorités.

Le contexte : une critique qui a coûté cher

Quelques jours avant son enlèvement, Moussa Sareba avait publié sur la page Facebook de Radio Oméga un article qui qualifiait le régime de « junte ». Ce terme a visiblement déplu aux autorités. Peu après cette publication, le média privé Radio Oméga a été suspendu pour trois mois par le Conseil supérieur de la communication (CSC). La sanction était justifiée par le caractère jugé « offensant » du mot « junte » envers les autorités.

Cette suspension illustre la sensibilité du pouvoir face à toute forme de critique. Les médias indépendants sont sous pression constante, et les journalistes qui osent pointer du doigt les dérives du régime s’exposent à des représailles.

Il est important de noter que Moussa Sareba n’est pas le seul à avoir été visé. Un autre journaliste, auteur de la brève incriminée, a été interpellé le 9 août et libéré le lendemain soir. Cette libération rapide contraste avec le sort de Moussa Sareba, qui reste introuvable depuis plus de trois mois.

Un climat de peur généralisé

Depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré, les observateurs internationaux dénoncent une dérive autoritaire. Les médias indépendants sont régulièrement suspendus, les journalistes intimidés, et les opposants arrêtés ou enlevés. Les disparitions forcées sont devenues un outil redouté pour faire taire les voix discordantes.

Le régime justifie souvent ces mesures par la lutte contre le terrorisme et la nécessité de maintenir l’unité nationale face aux groupes jihadistes. Pourtant, de nombreux cas concernent des personnes qui n’avaient aucun lien apparent avec ces groupes. Des leaders de la société civile, des proches d’hommes politiques et des journalistes ont ainsi été arrêtés, puis parfois mobilisés de force dans les opérations antijihadistes.

Ces derniers mois, une dizaine de personnes dans cette situation ont été libérées. Leur témoignage révèle des conditions de détention difficiles et des pressions pour rejoindre les forces de défense. Cette pratique soulève de graves questions sur le respect des droits humains au Burkina Faso.

RSF : « Faire taire toute voix indépendante »

« Son arrestation dans les locaux de son média et le silence autour de l’affaire démontrent une nouvelle fois la volonté des autorités de faire taire toute voix indépendante. »

Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF

Cette déclaration résume parfaitement l’inquiétude de l’organisation. Pour RSF, l’enlèvement de Moussa Sareba n’est pas un incident isolé, mais la preuve d’une stratégie délibérée visant à museler la presse libre. L’ONG rappelle que la liberté de la presse est un pilier de toute démocratie, même dans un contexte de crise sécuritaire.

Le silence des autorités burkinabè face aux demandes d’information renforce cette impression. En refusant de communiquer sur le sort du journaliste, le pouvoir laisse planer le doute et alimente les spéculations les plus sombres.

Les conséquences pour la liberté de la presse

Le cas de Moussa Sareba illustre les défis majeurs auxquels font face les journalistes dans de nombreux pays en crise. Lorsque critiquer le pouvoir devient synonyme de danger, l’autocensure s’installe rapidement. Les médias indépendants se font rares, et la population perd peu à peu accès à une information pluraliste.

Au Burkina Faso, la situation est d’autant plus préoccupante que le pays est en guerre contre des groupes armés jihadistes. Dans un tel contexte, la liberté de la presse est souvent sacrifiée au nom de la sécurité nationale. Pourtant, une presse libre reste essentielle pour dénoncer les abus, informer la population et contribuer à une gouvernance responsable.

L’enlèvement de Moussa Sareba envoie un message clair : même les journalistes les plus prudents peuvent être visés s’ils franchissent une ligne rouge. Cette affaire risque donc d’avoir un effet dissuasif important sur l’ensemble de la profession.

Que faire face à cette situation ?

Face à ce type de disparition, les organisations internationales jouent un rôle crucial. RSF, mais aussi Amnesty International, Human Rights Watch et d’autres ONG continuent de faire pression sur les autorités pour obtenir des réponses. Elles appellent également la communauté internationale à ne pas fermer les yeux sur ces violations des droits humains.

Les médias et les citoyens peuvent également contribuer en relayant ces affaires et en demandant des comptes aux responsables. Chaque voix qui s’élève compte pour rappeler que la liberté de la presse n’est pas un luxe, mais un droit fondamental.

En attendant, la famille et les collègues de Moussa Sareba vivent dans l’angoisse. Ils espèrent que leur journaliste reviendra bientôt, sain et sauf, et que les responsables de son enlèvement seront identifiés et sanctionnés.

Un appel à la vigilance

L’affaire Moussa Sareba nous rappelle à quel point la liberté de la presse est fragile dans de nombreux pays. Elle nous invite à rester vigilants face à toute atteinte à ce droit essentiel. Dans un monde où l’information est parfois instrumentalisée, les journalistes indépendants restent les garants de la vérité.

Espérons que ce cas trouvera rapidement une issue favorable et que Moussa Sareba pourra reprendre son travail sans crainte. En attendant, la communauté internationale doit continuer à faire pression pour que la lumière soit faite sur cette disparition et sur toutes les autres qui restent dans l’ombre.

Le sort de Moussa Sareba n’est pas seulement celui d’un homme, mais celui de toute une profession et d’un pays qui aspire à plus de liberté et de justice.

(Article d’environ 3 450 mots)

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.