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Érythrée : 13 Prisonniers Libérés Après 18 Ans Sans Procès

Après 18 ans passés dans l’enfer des prisons érythréennes, sans procès ni avocat, treize personnes viennent d’être libérées. Un ancien athlète olympique et d’ex-policiers figurent parmi eux. Mais des milliers d’autres croupissent encore dans l’oubli. Que cache vraiment ce régime opaque ?

Imaginez être arraché à votre vie un matin ordinaire, jeté en prison sans explication, sans jugement, et y rester presque vingt ans. Pas de visite, pas d’avocat, parfois même pas de contact avec le monde extérieur. C’est la réalité qu’ont vécue treize Érythréens jusqu’à il y a quelques jours seulement.

Leur libération, annoncée par une organisation de défense des droits humains basée à l’étranger, est une lueur dans l’un des régimes les plus fermés de la planète. Mais cette petite lumière ne doit pas masquer l’immense obscurité qui continue de régner sur le pays.

Une libération aussi rare qu’inattendue

Parmi les treize personnes rendues à la liberté figurent d’anciens membres des forces de l’ordre et même un athlète qui avait représenté l’Érythrée aux Jeux olympiques. Tous étaient détenus depuis près de dix-huit ans dans la prison de Mai Serwa, située non loin d’Asmara, la capitale.

Aucun n’avait été formellement inculpé. Aucun n’avait comparu devant un juge. Aucun n’avait pu bénéficier de l’assistance d’un avocat. Leur crime ? On l’ignore encore aujourd’hui.

Cette absence totale de procédure judiciaire est la norme dans ce pays dirigé sans partage depuis 1993 par le président Issaias Afwerki. Aucune élection nationale n’a jamais été organisée. Les voix dissidentes disparaissent purement et simplement.

Des conditions de détention indignes

Les témoignages recueillis au fil des années dessinent un tableau terrifiant. Nombre de ces prisonniers ont passé de longues périodes en isolement total. D’autres ont été enfermés dans des conteneurs métalliques transformés en cellules.

Dans ces boîtes d’acier, la température peut atteindre 50 °C le jour et descendre très bas la nuit. Une torture lente, physique et mentale, que les organisations internationales qualifient de traitement cruel, inhumain et dégradant.

« Beaucoup ont subi l’isolement et des conditions s’apparentant à de la torture, notamment l’emprisonnement dans des conteneurs métalliques où les températures oscillent entre une chaleur extrême et un froid mordant. »

Cette citation résume des années de souffrance silencieuse. Et pourtant, ces treize libérations interviennent avec un retard que beaucoup estiment colossal.

Un système qui broie les vies entières

L’Érythrée compte environ 3,5 millions d’habitants. Dans ce petit pays de la Corne de l’Afrique, le service national est obligatoire et, dans les faits, illimité. Des dizaines de milliers de jeunes sont enrôlés de force, parfois dès l’âge de seize ans, pour une durée qui peut s’étendre à la vie entière.

L’ONU a qualifié ce système de « travail forcé » et même d’« esclavage contemporain ». Ceux qui tentent de fuir risquent la prison à vie ou l’exécution sommaire. Les familles des déserteurs sont lourdement sanctionnées.

Dans ce contexte, la notion même de prisonnier d’opinion prend une dimension terrifiante. Journalistes, responsables religieux non reconnus, simples citoyens ayant critiqué le régime : tous peuvent disparaître du jour au lendemain.

Plus de 10 000 personnes encore derrière les barreaux

Si la libération de treize personnes est saluée, elle ne doit pas faire illusion. Les organisations estiment que le pays détient encore plus de dix mille prisonniers pour leurs idées ou leur foi.

  • Dissidents politiques
  • Journalistes indépendants
  • Membres de minorités religieuses interdites
  • Conscrits ayant refusé le service illimité
  • Étudiants ayant manifesté
  • Citoyens ordinaires au mauvais endroit au mauvais moment

Cette liste, aussi glaçante soit-elle, n’est pas exhaustive. Elle donne seulement un aperçu de l’ampleur de la répression.

Un appel pressant à la communauté internationale

Face à cette situation, les voix s’élèvent pour demander une réaction plus ferme. L’Union africaine, les Nations unies, les États-Unis et l’Union européenne sont interpellés.

Il ne s’agit plus seulement de condamner verbalement. Il faut, selon les défenseurs des droits humains, mettre en place des mécanismes concrets de pression et de responsabilité.

Car tant que le régime ne sera pas contraint de rendre des comptes, les libérations resteront l’exception. Et les disparitions, la règle.

Un pays fermé sur lui-même

L’Érythrée est souvent qualifiée de « Corée du Nord de l’Afrique ». Internet y est extrêmement limité, les journalistes étrangers quasi inexistants, les ambassades réduites au minimum.

Dans ce blackout médiatique, chaque information qui filtre prend une importance capitale. Chaque libération devient un événement. Chaque témoignage, une preuve accablante.

Les treize personnes libérées ces derniers jours portent en elles dix-huit années de silence forcé. Leur retour à la lumière, aussi timide soit-il, rappelle au monde qu’un pays entier vit encore dans l’ombre.

Et après ?

Pour ces hommes et femmes enfin libres, le chemin de la reconstruction sera long. Retrouver une vie normale après tant d’années d’enfermement et de traumatismes relève du défi.

Mais leur libération porte aussi un message plus large : même dans les régimes les plus durs, la pression internationale et la ténacité des défenseurs des droits peuvent parfois fissurer le mur du silence.

Reste à espérer que ce ne sera pas qu’un geste isolé. Que d’autres portes de prison s’ouvriront. Que les dix mille autres voix étouffées pourront, un jour, se faire entendre.

En attendant, chaque histoire comme celle-ci nous rappelle une chose essentielle : la liberté n’est jamais acquise. Et là où elle est bafouée, il est du devoir de tous de continuer à en parler.

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