Imaginez : vous possédez plus de 43 500 bitcoins, vous êtes soutenu par le géant des stablecoins Tether, par l’échange Bitfinex et même par SoftBank. Vous choisissez le moment parfait pour entrer en bourse via un SPAC porté par Cantor Fitzgerald. Tout est aligné pour devenir le nouveau roi des trésoreries Bitcoin. Et puis… Bitcoin décide de corriger de ses sommets historiques. Résultat ? Votre action dégringole et les investisseurs commencent à douter. C’est exactement ce qui arrive en ce moment à Twenty One Capital.
Un géant du Bitcoin qui débarque en bourse au pire moment
Le timing paraissait pourtant idéal. Après des mois de négociations discrètes, Twenty One Capital a fusionné avec un SPAC sponsorisé par Cantor Fitzgerald – la banque d’investissement dont le PDG n’est autre que Brandon Lutnick, fils du secrétaire au Commerce américain Howard Lutnick. Une connexion politique et financière en or.
Mais depuis octobre 2025, Bitcoin a perdu plus de 15 % depuis son pic au-dessus des 108 000 $. Conséquence directe : les sociétés qui détiennent massivement du BTC (les fameuses Digital Asset Treasury ou DAT) voient leur prime de valorisation se compresser violemment. Et Twenty One Capital, qui arrive sur le marché avec une valorisation reposant presque exclusivement sur ses bitcoins, en fait les frais.
Qui se cache vraiment derrière Twenty One Capital ?
La structure actionnariale ne laisse aucun doute sur l’origine du projet. Tether et Bitfinex en sont les actionnaires majoritaires. SoftBank détient une participation minoritaire mais significative. Autant dire que le projet est né dans le giron même de l’écosystème USDT, le stablecoin qui pèse plus de 120 milliards de dollars de capitalisation.
À la tête de l’entreprise, on retrouve Jack Maller, un entrepreneur discret mais respecté dans la sphère Bitcoin. Il dirige pour l’instant une équipe… de quatre personnes seulement. Oui, quatre. Cela peut sembler dérisoire quand on compare à MicroStrategy et ses centaines de salariés, mais Maller assume totalement ce choix minimaliste.
« Nous étions choqués, pour être honnêtes, que quelqu’un comme MicroStrategy continue simplement à s’endetter pour acheter toujours plus de Bitcoin indéfiniment », a déclaré Jack Maller lors d’une interview récente.
Le problème du mNAV : quand le marché ne croit plus au récit
Dans le secteur des DAT, tout repose sur un indicateur clé : le mNAV (market Net Asset Value). Il mesure le rapport entre la capitalisation boursière de l’entreprise et la valeur réelle des bitcoins détenus.
En début d’année 2025, certaines sociétés se négociaient jusqu’à 2,5x ou 3x leur mNAV. Les investisseurs payaient une prime énorme pour le « récit » : l’idée qu’une entreprise bien gérée saurait faire fructifier ses bitcoins au-delà de la simple détention. Aujourd’hui, avec la correction du marché, ces primes se sont effondrées. Beaucoup de DAT cotent désormais proche, voire en dessous, de leur mNAV.
Exemple concret : si Twenty One Capital détient 43 500 BTC valant environ 4 milliards de dollars au cours actuel (92 000 $), une cotation à 1,2x mNAV signifierait une capitalisation de 4,8 milliards. À 0,8x, elle tomberait à 3,2 milliards. L’écart représente des milliards de dollars qui peuvent s’évaporer en quelques semaines.
Un modèle économique encore flou
Jack Maller le répète : Twenty One Capital ne veut pas être un « simple » coffre-fort Bitcoin. L’objectif affiché est de développer des produits de crédit et de prêt adossés à Bitcoin. L’idée est séduisante sur le papier : utiliser les bitcoins comme collatéral pour générer des revenus sans jamais les vendre.
Mais pour l’instant, aucun produit concret n’a été annoncé. Pas de roadmap publique, pas de date de lancement, pas d’équipe dédiée visible. Les investisseurs demandent des preuves tangibles, et vite.
John Todaro, analyste senior chez Needham, résume parfaitement la situation :
« Il devient de plus en plus difficile pour les DAT de lever des capitaux. Nous sommes désormais dans un environnement où ces sociétés doivent démontrer une différenciation réelle pour justifier les multiples mNAV qu’elles affichaient plus tôt dans l’année. »
Les concurrents ne dorment pas
MicroStrategy reste le leader incontesté avec plus de 250 000 BTC au bilan et une stratégie claire : continuer à s’endetter pour acheter encore plus de Bitcoin. Strive Asset Management vient d’annoncer une levée de 500 millions de dollars pour gonfler sa propre trésorerie BTC.
Dans ce contexte ultra-concurrentiel, arriver avec seulement 43 500 BTC et une équipe réduite peut paraître ambitieux. Voire risqué.
Ce que l’avenir réserve à Twenty One Capital
Tout va dépendre de la capacité de Jack Maller à transformer rapidement son trésor Bitcoin en véritable entreprise génératrice de revenus. Si les produits de crédit et de lending voient le jour rapidement et rencontrent leur public, Twenty One pourrait devenir un acteur majeur du Bitcoin DeFi institutionnel.
Mais si Bitcoin continue sa correction et que aucun produit concret n’émerge d’ici la fin du premier trimestre 2026, la prime mNAV risque de disparaître complètement. Voire de passer en discount, comme certaines small-caps DAT l’ont déjà vécu.
Le marché est impitoyable : il ne pardonne ni le mauvais timing ni l’absence de vision claire. Twenty One Capital a les moyens de ses ambitions grâce au soutien massif de Tether. Reste à prouver qu’elle a aussi la vision et l’exécution.
Le verdict du marché sera sans appel
Dans six mois, soit Twenty One Capital aura lancé ses premiers produits de crédit Bitcoin et reconstruit la confiance des investisseurs, soit elle rejoindra la liste des DAT qui n’auront pas survécu à la fin de l’euphorie 2024-2025.
Le compte à rebours est lancé.
Une chose est sûre : l’histoire de Twenty One Capital est loin d’être terminée. Et elle pourrait bien nous apprendre beaucoup sur l’avenir des trésoreries Bitcoin dans un monde où le récit ne suffit plus.









