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Joseph Oughourlian Quitte Padoue : Fin d’une Ère Italienne

Joseph Oughourlian s’apprête à tourner la page italienne. Après avoir sauvé Padoue de la faillite et ramené le club en Serie B, le propriétaire du RC Lens vend ses parts. Mais pourquoi maintenant ? La réponse se trouve peut-être du côté de Lens et de l’opération Bollaert…

Imaginez un homme qui rachète un club au bord du gouffre, le sauve de la faillite, le fait remonter en division supérieure… et qui, six ans plus tard, décide de tout lâcher. C’est exactement ce qui est en train de se passer avec Joseph Oughourlian et le Calcio Padova. L’histoire semblait pourtant belle. Elle finit, semble-t-il, par un divorce pragmatique.

Un parcours italien commencé dans l’ombre

Fin 2017, le Calcio Padova végète en Serie C et flirte dangereusement avec la disparition pure et simple. Joseph Oughourlian entre discrètement au capital comme actionnaire minoritaire. Personne, ou presque, ne remarque cette arrivée. Deux ans plus tard, au printemps 2019, la donne change radicalement : via sa holding luxembourgeoise J4A Holdings II SARL, il devient majoritaire.

Le projet est clair : reconstruire pierre par pierre. Les investissements pleuvent, les infrastructures sont modernisées, le recrutement devient plus ambitieux. Résultat ? Après des années de patience, Padova retrouve la Serie B à l’issue de la saison 2024-2025. Sur le papier, la mission est remplie. Pourtant, quelque chose cloche.

Padoue, un club qui ne décolle pas financièrement

Monter en Serie B, c’est bien. Y rester et prospérer, c’est une autre paire de manches. Malgré la promotion, les comptes du club restent dans le rouge. Les recettes de billetterie peinent à décoller, les sponsors locaux ne suivent pas au rythme espéré et les projets de modernisation du mythique stade Euganeo se heurtent à un mur administratif.

Oughourlian a pourtant l’habitude des opérations complexes. Chez Lens, il a su transformer un club endetté en machine de guerre de Ligue 1 tout en conservant une gestion saine. À Bogotá avec les Millonarios, il a également imposé sa patte. Mais à Padoue, le dialogue avec les autorités locales s’est révélé beaucoup plus compliqué que prévu.

« Les relations avec la municipalité ont toujours été tendues, surtout sur les questions d’investissement autour du stade »

Une source proche du dossier

Les supporters, l’autre point de rupture

En Italie, le football vit avant tout grâce à la passion populaire. À Padoue, cette ferveur existe, mais elle a montré des signes de fatigue. Fin de saison dernière, une partie des ultras a organisé une grève spectaculaire pour protester contre la gestion et le manque de résultats immédiats. Les tribunes, d’habitude bouillantes, se sont vidées lors de certains matches cruciaux.

Pour un investisseur comme Oughourlian, habitué à la communion quasi religieuse de Bollaert-Delelis, ce désamour a pesé lourd dans la balance. Quand le cœur n’y est plus, même les plus belles histoires peuvent s’arrêter.

L’opération Bollaert, le véritable déclencheur

Revenons en France. Cet automne, le RC Lens a réalisé l’un des plus gros coups immobiliers de son histoire : le rachat du stade Bollaert-Delelis à la communauté d’agglomération de Lens-Liévin pour environ 50 millions d’euros. Une opération stratégique qui permet au club de maîtriser enfin son outil de travail, mais qui augmente mécaniquement l’endettement.

Or, les règles du fair-play financier de l’UEFA et de la DNCG veillent. Pour conserver une santé financière irréprochable et continuer à investir dans l’équipe, le club doit trouver des liquidités. Et c’est là que l’équation Padoue devient intéressante.

Selon plusieurs sources italiennes concordantes, la vente des parts de Padova devrait rapporter environ 12 millions d’euros à la holding d’Oughourlian. Une somme qui, réinjectée dans les comptes lensois, permettrait d’alléger significativement la dette liée à Bollaert tout en respectant les exigences financières.

En résumé, l’opération est doublement gagnante pour le RC Lens :

  • Réduction de l’endettement lié au rachat du stade
  • Liquidités nouvelles pour le mercato ou les infrastructures
  • Concentration des efforts sur le projet principal : Lens

Qui pour reprendre Padoue ?

Du côté italien, un nom circule avec insistance : Marcelo Figoli. Cet homme d’affaires uruguayen installé en Italie depuis de nombreuses années serait en pole position pour reprendre les parts d’Oughourlian. Figoli connaît bien le calcio pour avoir été impliqué dans plusieurs projets sportifs dans la péninsule.

Si l’opération se concrétise dans les prochaines semaines, comme tout le laisse penser, ce sera donc un passage de relais entre deux profils d’investisseurs étrangers, chose devenue courante en Serie B ces dernières années.

La fin de la multipropriété à l’européenne ?

Cette vente marque-t-elle la fin d’une ère pour Joseph Oughourlian ? Pas totalement. Il reste actionnaire majoritaire des Millonarios en Colombie et détient encore 5 % du Real Saragosse en Espagne. Mais le message est clair : le projet lensois est désormais prioritaire à 100 %.

« Lens, c’est mon club de cœur. Tout le reste doit servir ce projet. »

Joseph Oughourlian, en substance, lors d’une interview récente

En se séparant de Padoue, il applique simplement cette philosophie. Moins de dispersion, plus de concentration. Une stratégie qui rappelle celle d’autres grands dirigeants européens ayant choisi de recentrer leurs efforts sur un seul club phare.

Ce que cela change pour le RC Lens

À court terme, cette opération offre une bouffée d’oxygène financière bienvenue. Les 12 millions récupérés peuvent être utilisés de plusieurs façons :

  • Amortissement plus rapide de l’emprunt Bollaert
  • Investissements dans les infrastructures (centre d’entraînement, tribunes)
  • Renforcement de l’équipe première lors des prochains mercatos
  • Ou simplement constitution d’une trésorerie de sécurité

À plus long terme, elle envoie un signal fort aux supporters sang et or : le propriétaire est prêt à faire des choix radicaux pour assurer la pérennité et ambition du projet lensois. Dans un football où certains actionnaires multiplient les clubs comme d’autres collectionnent les montres, ce recentrage a quelque chose de rafraîchissant.

Padoue, de son côté, tourne une page. Le club vénitien, riche de plus de 110 ans d’histoire, devra désormais écrire un nouveau chapitre sans celui qui l’a sauvé de la disparition. L’histoire d’amour aura duré sept ans. Elle se termine sans fracas, mais avec une certaine logique froide, celle des chiffres et de la stratégie.

Et pendant ce temps, à Lens, on se prend à rêver encore plus grand. Car quand un homme d’affaires de la trempe d’Oughourlian décide de tout miser sur un seul cheval, c’est généralement que ce cheval-là a de sérieuses chances de gagner la course.

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