Imaginez la scène : on ouvre les enveloppes, on attend le chiffre magique… et rien. Silence radio. C’est exactement ce qui vient de se produire pour les droits de diffusion de la plus belle compétition du football français. La Coupe de France, celle des exploits des petits clubs et des finales mythiques au Stade de France, se retrouve sans acheteur au prix souhaité pour la période 2026-2030.
Un appel d’offres qui fait pschitt : les dessous d’un échec
La Fédération française de football avait pourtant mis les petits plats dans les grands. Trois lots distincts, une possibilité d’exclusivité totale, un calendrier clair. Objectif : dépasser largement les 12 millions d’euros annuels actuels (8 pour France Télévisions, 4 pour beIN Sports). Mais le couperet est tombé : aucune offre n’a atteint le prix de réserve fixé en secret par Philippe Diallo, président de la FFF.
Le message est brutal pour le football français : même sa compétition la plus romantique ne fait plus recette auprès des diffuseurs.
Les trois lots proposés : une architecture ambitieuse
Pour comprendre l’ampleur du projet, revenons sur la construction de cet appel d’offres :
- Lot A : 10 matches premium (5 en 32es + le choix n°1 jusqu’à la finale) – l’équivalent actuel de France Télévisions
- Lot B : 53 matches avec co-diffusion des 10 du lot A – l’équivalent actuel de beIN Sports
- Lot AB’ : l’exclusivité totale dès les 32es de finale, soit 63 matches au total
Une formule pensée pour attirer un acteur majeur prêt à tout rafler… mais personne n’a mordu à l’hameçon au prix demandé.
Un contexte financier tendu à la FFF
Le timing est particulièrement mauvais. Ce samedi, lors de l’assemblée fédérale, la FFF doit présenter un déficit de 8 millions d’euros pour l’exercice 2024-2025. Perdre plusieurs millions par an sur les droits de la Coupe de France serait une catastrophe.
Philippe Diallo joue donc son va-tout : refuser les offres actuelles pour tenter d’obtenir plus en négociation privée. Risqué, mais compréhensible quand on connaît la situation.
« On préfère repartir en gré à gré plutôt que brader la compétition »
Cette phrase (non officielle mais largement partagée dans les couloirs) résume la stratégie : tenir bon, même si le marché dit le contraire.
Pourquoi les diffuseurs freinent des quatre fers ?
Plusieurs raisons convergent pour expliquer cette frilosité historique :
- Saturation du marché : entre Ligue 1 (DAZN/Prime), Ligue des Champions (Canal+/M6), Premier League, Liga… les budgets sont déjà explosés
- Audiences en baisse : même les finales peinent à dépasser les 5 millions de téléspectateurs ces dernières années
- Concurrence du streaming : les plateformes gratuites (YouTube clubs amateurs) captent une partie du public jeune
- Image dégradée du foot français : domination outrageuse du PSG, incidents répétés, sentiment de compétition faussée
Résultat : même une compétition aussi populaire que la Coupe de France ne fait plus rêver les financiers.
Que va-t-il se passer maintenant ? Les scénarios possibles
La FFF ouvre désormais la phase de négociations de gré à gré. Plusieurs hypothèses se dessinent :
Scénario 1 – Reconduction light
France Télévisions conserve le lot premium à prix légèrement réduit, beIN Sports reste sur la multidiffusion. Montant total autour de 10-11 M€/an.
Scénario 2 – Arrivée d’un nouvel acteur
Un streamer (DAZN, Prime Video déjà présent sur la Ligue 1, ou même Netflix dans une stratégie sport) tente le coup à prix cassé.
Scénario 3 – Fragmentation extrême
Plusieurs lots vendus séparément à des acteurs différents (chaîne gratuite + chaîne payante + plateforme), avec risque de confusion pour le téléspectateur.
Scénario 4 – Bras de fer raté
Personne ne bouge, la FFF doit revoir drastiquement ses prétentions à la baisse en 2026.
Le scénario le plus probable à ce stade ? Une reconduction à prix légèrement inférieur avec les acteurs historiques, histoire de sauver les meubles.
Comparaison avec les autres compétitions nationales
Pour mesurer l’ampleur du problème, un petit tableau s’impose :
| Compétition | Droits TV actuels/an | Tendance | |
| Coupe de France | 12 M€ | En baisse forte | |
| Coupe d’Angleterre (FA Cup) | ≈ 140 M€ | Stable | |
| Coupe d’Italie | ≈ 50 M€ | Légère hausse | |
| Coupe d’Allemagne (DFB Pokal) | ≈ 65 M€ | Stable |
La France est clairement le mauvais élève du Big 5. La romance ne paie plus.
Vers une révolution du modèle ?
Cet échec pourrait paradoxalement être salutaire. Et si la FFF saisissait l’occasion pour repenser totalement la diffusion de sa compétition phare ?
On peut imaginer :
- Une plateforme dédiée 100 % gratuite financée par le sponsoring
- Des matches en clair massivement dès les 32es
- Des partenariats avec Twitch ou YouTube pour les clubs amateurs
- Un abonnement spécifique « Coupe de France Pass » à prix modique
Le football français a besoin de retrouver le cœur des Français. Peut-être que moins d’argent immédiat mais plus de visibilité serait gagnant à long terme.
En attendant, la FFF marche sur un fil. Philippe Diallo joue gros. Très gros.
Affaire à suivre dans les prochaines semaines. Une chose est sûre : l’époque où une compétition française se vendait à prix d’or semble bel et bien révolue.









