Imaginez un instant que le robinet de l’aide militaire se ferme presque complètement. Ce n’est plus une hypothèse lointaine : c’est ce qui pourrait arriver à l’Ukraine dès l’année prochaine.
Un institut allemand reconnu vient de tirer la sonnette d’alarme. Selon les derniers chiffres disponibles, 2025 s’annonce comme l’année la plus creuse en matière de soutien militaire depuis le début de l’invasion russe. Et le constat est brutal : l’Europe, qui porte désormais l’essentiel de l’effort, commence à faiblir.
Un retrait américain qui change tout
Jusqu’à récemment, les États-Unis assumaient plus de la moitié des livraisons d’armes et de munitions. Leur contribution était colossale, tant en volume qu’en qualité technologique. Tout a basculé avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier 2025.
La nouvelle administration a rapidement mis fin aux flux massifs qui avaient marqué les années précédentes. Ce choix politique, attendu par certains, redouté par d’autres, a créé un vide immense que les partenaires européens devaient combler.
Pendant quelques mois, le vieux continent a tenu bon. Les annonces se sont multipliées, les engagements ont grimpé. Mais dès l’été, la dynamique s’est essoufflée. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Des chiffres qui font froid dans le dos
Sur les dix premiers mois de 2025, environ 32,5 milliards d’euros d’aide militaire ont été promis ou livrés. C’est déjà moins que les années précédentes à période équivalente. Pour rappel, la plus faible année complète depuis 2022 affichait 37,6 milliards. La moyenne tournait autour de 41,6 milliards.
Pour simplement égaler 2022 d’ici la fin décembre, il faudrait débloquer plus de 5 milliards d’euros en deux mois. Pour rester dans la moyenne historique, il en faudrait plus de 9 milliards. Or, entre juillet et octobre, le rythme mensuel n’a été que de 2 milliards en moyenne.
La trajectoire est claire : sans un sursaut majeur, 2025 deviendra l’année du grand ralentissement.
« D’après les données disponibles jusqu’en octobre, l’Europe n’a pas réussi à maintenir l’élan du premier semestre 2025 »
Christoph Trebesch, responsable de l’étude
L’Europe à plusieurs vitesses
Tous les pays européens ne réagissent pas de la même façon. Certains ont considérablement accéléré leurs efforts.
- La France a plus que doublé ses contributions par rapport aux années précédentes.
- L’Allemagne a également multiplié ses engagements, parfois par trois.
- Le Royaume-Uni, même hors Union européenne, reste un pilier solide et a fortement augmenté ses livraisons.
Mais d’autres traînent des pieds. L’Italie a réduit son aide de 15 % cette année. L’Espagne, plus préoccupante encore, n’a annoncé aucune nouvelle aide militaire sur l’ensemble de 2025 jusqu’à présent.
Ces disparités créent une frustration croissante parmi les pays les plus engagés, qui estiment porter seuls le poids du conflit.
Le plan des 90 milliards sur la table
Face à cette situation alarmante, la Commission européenne explore une piste audacieuse : utiliser les avoirs gelés de la banque centrale russe, estimés à près de 200 milliards d’euros au sein de l’Union.
L’idée est de faire emprunter à l’établissement financier Euroclear une partie de ces fonds, que l’UE prêterait ensuite à Kiev. Un premier paquet de 90 milliards d’euros pourrait être débloqué dès le sommet du 18 décembre à Bruxelles.
Le montage est complexe, presque acrobatique. Il s’agit d’un prêt, pas d’une confiscation pure et simple, pour contourner les obstacles juridiques. Mais il se heurte déjà à une résistance farouche, notamment de la Belgique, qui craint des représailles russes directes sur son sol.
À retenir : Ce mécanisme, s’il aboutit, pourrait changer la donne pour plusieurs années. S’il échoue, l’Ukraine risque de se retrouver dans une situation militaire extrêmement précaire dès le printemps 2026.
Pourquoi ce ralentissement est si dangereux
Sur le terrain, chaque mois compte. Les besoins en munitions, en pièces de rechange, en systèmes de défense aérienne ne diminuent pas. Au contraire, la Russie a intensifié sa production et ses frappes.
Un affaiblissement prolongé du soutien occidental pourrait créer un déséquilibre stratégique difficile à rattraper. Les responsables militaires ukrainiens le répètent depuis des mois : sans un flux constant, tenir les lignes devient une équation impossible.
Le risque n’est pas seulement militaire. Il est aussi politique. Un sentiment d’abandon pourrait fragiliser le moral de la population et renforcer les voix qui appellent à négocier à tout prix, même au détriment des intérêts vitaux du pays.
Vers un réveil européen ou une résignation ?
Le sommet du 18 décembre sera décisif. Soit les dirigeants européens trouvent un accord historique et débloquent des moyens inédits, soit ils laissent filer une occasion unique de démontrer leur détermination.
Certains y voient l’opportunité de franchir enfin un cap dans la construction d’une véritable défense européenne. D’autres craignent que les divergences internes ne l’emportent une fois de plus.
Quoi qu’il arrive, une chose est sûre : l’année 2025 marquera un tournant. Soit celui d’une solidarité renforcée face à l’agression, soit celui d’un lent désengagement qui pourrait changer le cours du conflit.
Le temps presse. Et les chiffres, impitoyables, rappellent chaque jour que les belles déclarations ne suffisent plus.









