Imaginez : un influenceur algérien connu sous le pseudo « Imad Tintin » se retrouve en détention provisoire, accusé d’avoir appelé à des actes terrifiants sur le sol français. Sept ans de prison pèsent sur lui. Quelques mois plus tard, il ressort avec… une simple amende de 450 euros, et encore, avec sursis. Cette histoire vraie illustre à quel point un emballement médiatique et politique peut déformer la réalité judiciaire.
Un revirement judiciaire qui fait parler
Le mardi 9 décembre 2025, la cour d’appel de Grenoble a rendu sa décision : l’influenceur algérien Imad Ould Brahim, plus connu sous le nom d’Imad Tintin, a vu sa peine initiale de 450 euros d’amende transformée en amende avec sursis. Il reste cependant reconnu coupable de menaces de violences, un délit bien moins grave que celui dont on l’accusait au départ.
Son avocat, Me Alexandre Rouvier, s’est félicité de cette issue : « La cour d’appel a donc diminué la sanction. Cette décision vient établir une vérité judiciaire qui nous paraît conforme à la vérité factuelle. » Il ajoute que son client « sort particulièrement abîmé de cette procédure » après des mois de pression médiatique intense.
Retour sur le début de la tempête
Tout commence début 2024, en pleine crise diplomatique entre Paris et Alger. Expulsions réciproques de fonctionnaires, rappel d’ambassadeurs, restrictions de visas… Le climat est électrique. C’est dans ce contexte qu’une vidéo TikTok d’Imad Tintin, tournée en arabe dialectal algérien, est signalée.
Une première traduction, réalisée par un autre influenceur algérien concurrent, affirme que le jeune homme appelle à « brûler vif, tuer et violer sur le sol français ». L’information fait le tour des réseaux et des rédactions. Le parquet de Grenoble ouvre immédiatement une enquête pour provocation directe à un acte de terrorisme.
Janvier 2024, Imad Tintin est interpellé et placé en détention provisoire. L’affaire devient un symbole des tensions entre les deux pays. Certains y voient une preuve de la dangerosité de certains discours sur les réseaux, d’autres une instrumentalisation politique.
L’expertise qui change tout
Mais une seconde expertise linguistique, plus rigoureuse, tombe : les phrases incriminées… n’existent tout simplement pas dans la vidéo. Les propos ont été mal traduits, sortis de leur contexte ou carrément inventés par le premier traducteur.
« Une nouvelle expertise avait démontré par la suite que ces propos n’apparaissaient pas dans la vidéo. »
Extrait du communiqué de l’avocat
Le chef de provocation au terrorisme est abandonné. En première instance, le 23 mai 2025, Imad Tintin est finalement condamné pour menaces de violences à 450 euros d’amende. Le parquet fait appel, estimant la peine trop clémente. L’appel aboutit à la décision de ce mardi : même amende, mais avec sursis.
Un avertissement sur la fiabilité des traductions
Cette affaire met en lumière un problème récurrent : la traduction de l’arabe dialectal maghrébin, surtout lorsqu’elle est réalisée à la va-vite par des non-professionnels, peut créer des catastrophes judiciaires. Un mot mal compris, une intonation mal interprétée, et une vie bascule.
Me Rouvier insiste d’ailleurs sur ce point : « Cette décision vient renforcer la démonstration de l’indépendance de la justice face à des dossiers politisés et médiatisés à outrance et de manière prématurée sans vérifications sérieuses en amont. »
Points clés de l’affaire Imad Tintin
- Janvier 2024 → Détention provisoire pour provocation au terrorisme
- Mai 2025 → Condamnation en 1re instance à 450 € d’amende
- Décembre 2025 → En appel, amende avec sursis
- Chefs abandonnés → Provocation à acte terroriste, apologie, incitation à la haine
- Chef retenu → Menaces de violences (sans passage à l’acte)
Les séquelles d’une médiatisation extrême
Au-delà du verdict, c’est l’impact humain qui frappe. Plusieurs mois en détention provisoire, une réputation détruite, des menaces de mort reçues des deux côtés de la Méditerranée… Imad Tintin, même avec un sursis, ne ressort pas indemne.
Son avocat le répète : son client est « particulièrement abîmé ». Perte d’abonnés, difficultés à retrouver un emploi, stress post-traumatique : les conséquences d’un emballement médiatique sont souvent sous-estimées.
Et maintenant ?
Cette affaire pourrait faire jurisprudence sur plusieurs points :
- L’obligation de faire réaliser des traductions par des experts assermentés dès qu’un risque terroriste est évoqué
- La prudence des parquets face aux signalements venus des réseaux sociaux
- La protection des personnes mises en cause avant toute vérification sérieuse
Elle rappelle aussi que la justice, même sous pression politique ou médiatique, peut finir par trancher selon les preuves et non selon l’émotion du moment.
Imad Tintin, lui, va tenter de reconstruire sa vie. Quant à nous, cette histoire nous invite à la plus grande prudence avant de partager ou relayer une information qui pourrait détruire une existence.
Parce qu’entre une traduction hasardeuse et une vérité judiciaire, il n’y a parfois qu’un pas… que la justice française, dans ce cas précis, a su franchir avec mesure.








