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Coup d’État Avorté au Bénin : La CEDEAO Frappe Fort

Dimanche soir, des militaires annoncent avoir pris le pouvoir au Bénin. Quelques heures plus tard, l’aviation nigériane bombarde Cotonou et la CEDEAO envoie des troupes. Comment expliquer cette réaction fulgurante après tant d’échecs ? La réponse risque de vous surprendre…

Imaginez la scène : dimanche soir, la télévision béninoise diffuse soudain l’annonce classique d’un coup d’État militaire. Quelques heures plus tard, des chasseurs nigérians survolent Cotonou et frappent les positions des putschistes. En moins de 24 heures, le calme revient. Ce scénario, presque irréel il y a encore deux ans, vient de se produire au Bénin. Et il marque un tournant brutal dans l’histoire récente de l’Afrique de l’Ouest.

La Réponse Éclair qui Change Tout

Depuis 2020, la région ouest-africaine vacille sous les coups d’État successifs. Mali, Guinée, Burkina Faso deux fois, Niger… la liste s’allonge et la CEDEAO, régulièrement, reste figée ou menace sans agir. Pourtant, cette fois, l’organisation régionale a frappé fort et surtout frappé vite.

Dès dimanche soir, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest annonce l’envoi de troupes issues de sa force en attente. Nigeria, Côte d’Ivoire, Sénégal, Ghana : quatre pays se mobilisent immédiatement. Le volume exact des effectifs reste confidentiel, mais l’essentiel est ailleurs : la décision est prise en quelques heures.

Le président de la Commission de la CEDEAO, Omar Alieu Touray, le dit sans détour : « Notre communauté est en état d’urgence ». Jihadisme galopant, instabilité politique chronique… l’organisation sait qu’elle joue sa survie.

Pourquoi Cette Fois-Ci et Pas les Autres ?

La question brûle toutes les lèvres sur les réseaux sociaux et dans les chancelleries. Pourquoi une intervention massive au Bénin et pas au Niger en 2023 ? Plusieurs éléments expliquent ce revirement spectaculaire.

D’abord, le président béninois Patrice Talon a immédiatement lancé un appel à l’aide clair et officiel. Contrairement à certains de ses homologues, il n’a jamais été soupçonné de jouer un double jeu. La légitimité du pouvoir en place ne faisait aucun doute.

« Il y a eu une demande officielle d’aide du Bénin. Le cas de la Guinée-Bissau était totalement différent », explique Confidence MacHarry, analyste sécurité.

Ensuite, la géographie a joué un rôle déterminant. Le Bénin partage plus de 700 kilomètres de frontière avec le Nigeria, première économie de la région. Une chute de Cotonou aurait directement menacé Lagos.

Enfin, l’effet domino redouté. Un Bénin basculant dans le camp des juntes aurait offert un accès à la mer à l’Alliance des États du Sahel (Mali, Burkina, Niger) et probablement signé l’arrêt de mort de la CEDEAO version actuelle.

Le Nigeria, Acteur Décisif du Retour en Force

Le rôle du géant nigérian apparaît central. Quelques heures après l’annonce du putsch, l’aviation d’Abuja menait déjà des frappes ciblées sur Cotonou, à la demande expresse des autorités béninoises légitimes.

Le président Bola Tinubu, qui avait pourtant reculé face au Niger en 2023, assume pleinement cette fois : « Nous avons aidé à stabiliser un pays voisin ».

Les raisons sont multiples. Économiques d’abord : le Bénin représente une route commerciale vitale. Sécuritaires ensuite : les deux pays coopèrent étroitement contre le jihadisme qui progresse vers le golfe de Guinée. Un accord économique majeur venait d’ailleurs d’être signé en juin.

« L’instabilité au Bénin poserait un risque direct à l’économie nigériane et à ses problèmes sécuritaires », analyse Usman Ibrahim, expert chez SARI Global.

Pour Abuja, laisser tomber Cotonou aurait équivalu à ouvrir sa propre porte arrière aux groupes armés et aux juntes hostiles.

La France Discrètement aux Côtés du Bénin

Autre acteur discret mais présent : la France. L’Élysée a confirmé avoir apporté un « appui en termes de surveillance, d’observation et de soutien logistique » aux forces béninoises, à leur demande expresse.

Emmanuel Macron a personnellement coordonné les échanges d’informations avec les pays de la région. Formation, équipement, renseignement : Paris reste un partenaire militaire du Bénin.

Cette fois, l’erreur du Niger ne se répétera pas. En 2023, la France n’avait pas bougé pour rétablir Mohamed Bazoum, toujours détenu aujourd’hui. L’Élysée semble avoir tiré les leçons : mieux vaut prévenir qu’un nouveau putsch ne réussisse.

La Fracture Régionale Plus Visible que Jamais

Cet épisode met cruellement en lumière la division profonde de l’Afrique de l’Ouest. D’un côté, les juntes du Sahel (Mali, Burkina, Niger) réunies dans l’Alliance des États du Sahel, souverainistes et anti-occidentales. De l’autre, les États côtiers comme le Bénin, le Nigeria ou la Côte d’Ivoire, qui maintiennent des relations étroites avec Paris et Washington.

Sur les réseaux sociaux, les comptes pro-juntes jubilait à l’idée de voir Patrice Talon tomber. Un Bénin dans l’AES aurait changé la donne stratégique : accès à l’océan Atlantique, désintégration accélérée de la CEDEAO.

« Si le Bénin rejoignait l’AES, ce serait un boom pour les juntes sahéliennes », prévient Ryan Cummings, directeur de Signal Risk.

L’intervention rapide a brisé ce scénario cauchemar pour les États côtiers.

Vers une Doctrine de Réaction à Géométrie Variable ?

Beaucoup s’étonnent : pourquoi agir au Bénin et pas lors de la tentative récente en Guinée-Bissau ? La réponse tient en deux mots : demande officielle et légitimité.

  • Au Bénin : appel clair du président légitime
  • En Guinée-Bissau : soupçons forts que le président lui-même ait orchestré la tentative pour se renforcer
  • Au Niger : absence de demande claire du président déchu et risques trop élevés

La CEDEAO semble adopter une nouvelle approche : intervenir uniquement quand le pouvoir légitime le demande explicitement et quand les intérêts vitaux des membres lourds (Nigeria, Côte d’Ivoire) sont en jeu.

Cette doctrine pragmatique, voire cynique, pourrait stabiliser la région… ou l’achever si elle apparaît trop sélective.

Ce que Cet Épisode Nous Dit de l’Avenir

Plusieurs leçons se dégagent déjà de cette crise éclair.

Premièrement, la CEDEAO n’est pas morte. Quand ses intérêts vitaux sont menacés et qu’un État membre joue franc-jeu, elle peut encore mordre.

Deuxièmement, le Nigeria reste le pivot incontestable. Sans Abuja, rien n’aurait été possible aussi rapidement.

Troisièmement, la fracture entre Sahel et États côtiers se creuse dangereusement. L’intervention béninoise a peut-être sauvé la CEDEAO… mais elle a aussi renforcé la détermination des juntes de l’AES.

Enfin, la rapidité d’exécution change la donne. Les putschistes savent désormais qu’un coup peut être écrasé en quelques heures si le contexte s’y prête. Effet dissuasif garanti… ou invitation à frapper encore plus fort et plus discrètement ?

L’Afrique de l’Ouest entre dans une phase nouvelle, plus dure, plus pragmatique. Le temps des grandes déclarations et des menaces en l’air semble révolu. Reste à savoir si cette fermeté retrouvée suffira à enrayer la contagion putschiste ou si elle ne fera que déplacer le problème.

Une chose est sûre : ce qui s’est passé au Bénin ce week-end ne ressemble à rien de ce que la région a connu depuis cinq ans. Et les prochains mois nous diront si c’était le début d’une reconquête… ou le dernier sursaut avant l’implosion.

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