Il est un peu plus de minuit quand les premières flammes lèvent leur langue orangée dans le ciel étoilé de Châteauneuf-sur-Isère. Dans ce village tranquille de la Drôme, bordé par l’Isère et entouré de champs, personne n’imaginait vivre une nuit pareille. Pourtant, en quelques heures, une trentaine de véhicules vont partir en fumée, délibérément.
Une nuit de feu dans un village paisible
Les habitants dorment profondément quand les premiers appels affluent vers les pompiers. Seize voitures sont déjà la proie des flammes, réparties sur deux secteurs distincts du centre-ville. Le bilan final sera bien plus lourd : près de trente véhicules touchés, certains totalement calcinés, d’autres gravement endommagés par la propagation du feu.
Ce qui frappe les témoins, c’est la rapidité d’exécution. L’auteur semble connaître parfaitement les lieux et agit avec une froide détermination. Les départs de feu sont multiples, espacés, comme pour maximiser l’effet de surprise et compliquer l’intervention des secours.
Un suspect qui défie l’imagination
La commune, par la voix de sa page officielle, livre un détail qui laisse tout le monde pantois : l’individu circulerait en trottinette électrique. Dans l’obscurité, ce moyen de déplacement silencieux devient l’outil parfait pour un pyromane moderne. Pas de bruit de moteur, aucune trace de pneu large, juste un fantôme qui glisse entre les rues avant de frapper.
Cette image – un homme encapuchonné, trottinette sous le bras, bidon d’essence à la main – dépasse la fiction. Elle révèle aussi une évolution inquiétante de la délinquance : l’utilisation détournée d’objets du quotidien devenus armes par destination.
« Un individu circulant en trottinette électrique a causé des dégradations sur plusieurs véhicules (dont une majorité incendiée) stationnés dans le centre du village »
Communiqué officiel de la mairie de Châteauneuf-sur-Isère
Le choc des habitants au réveil
À l’aube, le spectacle est apocalyptique. Des carcasses noircies fument encore le long des trottoirs. Des riverains, en pyjama, regardent sans comprendre ce qui a pu se passer. Une dame âgée fond en larmes devant sa petite Clio carbonisée, seule voiture qu’elle possédait pour aller faire ses courses.
Les discussions vont bon train. On parle d’un règlement de comptes, d’un déséquilibré, d’un jeune du coin qui aurait pété un câble. Mais personne n’a de visage à mettre sur ce suspect. La trottinette, engin banal, rend l’identification presque impossible dans l’immédiat.
Ce qui est certain, c’est la peur qui s’installe. Dans ce village de 4 000 âmes où l’on avait l’habitude de laisser les clés sur la porte, on commence à verrouiller deux fois et à surveiller la rue par la fenêtre.
Un mode opératoire qui interroge
Pourquoi choisir la trottinette ? La réponse est à la fois simple et terrifiante : elle permet de couvrir rapidement de grandes distances sans se fatiguer, de passer inaperçu, de repartir aussitôt après avoir allumé le feu. En quelques secondes, le suspect peut être à plusieurs centaines de mètres, fondue dans la nuit.
Les enquêteurs vont rapidement se pencher sur les caméras de vidéosurveillance privées et municipales. Dans une commune de cette taille, elles sont peu nombreuses, mais certaines habitations récentes en sont équipées. Chaque image sera scrutée pour tenter d’isoler une silhouette, une plaque, un détail vestimentaire.
Les caractéristiques du suspect recherché :
- Circule en trottinette électrique (probablement noire ou sombre)
- Agit de nuit, entre minuit et 5 heures du matin
- Opère seul
- Utilise très probablement un accélérant liquide
- Connaît parfaitement la topographie du centre-ville
La réponse des autorités
Dès 6 heures du matin, la situation est sous contrôle. Les pompiers ont maîtrisé tous les foyers. La compagnie de gendarmerie de Romans-sur-Isère ouvre immédiatement une enquête pour destruction volontaire par moyen dangereux. Les qualifications peuvent évoluer vers tentative d’homicide si un riverain avait été blessé par la propagation.
Les militaires vont procéder à un ratissage méthodique : relevé d’indices sur les lieux, audition des riverains réveillés par les explosions de pneus ou les cris, analyse des caméras. Ils savent que ce type d’auteur agit souvent en série. Le risque de récidive est élevé tant que l’individu court toujours.
La mairie, elle, promet une communication transparente et appelle la population à la vigilance. Des patrouilles de gendarmerie renforcées sont annoncées pour les nuits à venir.
Un phénomène qui n’est pas isolé
Si l’utilisation d’une trottinette électrique marque les esprits, les incendies volontaires de véhicules ne sont malheureusement pas rares en France. Chaque année, des milliers de voitures partent en fumée pour des motifs divers : vengeance, défi, pyromanie pure, ou simple ennui destructeur.
Dans la Drôme même, plusieurs communes ont connu des épisodes similaires ces dernières années. Le sentiment d’impunité, la facilité d’accès aux accélérants, la faible présence policière la nuit en zone rurale créent un terrain favorable à ce type d’actes.
Ce qui change, c’est la mobilité accrue que donnent les nouveaux engins électriques. Là où le pyromane d’hier courait ou prenait un vélo, celui d’aujourd’hui glisse sans bruit et peut frapper sur un rayon beaucoup plus large.
Les conséquences humaines et matérielles
Au-delà des images spectaculaires, il y a des vies bouleversées. Une famille qui se retrouve sans moyen de transport pour emmener les enfants à l’école. Un artisan qui perd son utilitaire rempli d’outils. Des assurances qui risquent de traîner des pieds pour indemniser rapidement.
Et puis il y a cette odeur âcre de plastique brûlé qui flotte encore dans les rues plusieurs jours après. Les riverains racontent qu’ils ne parviennent plus à dormir tranquillement. Le moindre bruit de moteur, le moindre crissement de pneu les met en alerte.
Dans les conversations de bistrot, on parle déjà de créer une milice citoyenne ou d’installer des caméras partout. La psychose est là, bien réelle.
Vers une identification rapide ?
Plusieurs éléments jouent en faveur des enquêteurs. D’abord, la trottinette électrique n’est pas un engin anodin : elle laisse des traces spécifiques (marque des pneus fins, absence de bruit). Ensuite, dans un village, tout le monde se connaît ou presque. Un comportement étrange les jours précédents a peut-être été remarqué.
Enfin, ce type d’auteur laisse souvent des indices par excès de confiance. Un bidon abandonné, un vêtement taché d’essence, un témoin qui aura vu quelqu’un rentrer à pied après avoir planqué sa trottinette.
Les gendarmes le savent : dans 80 % des affaires de ce genre, l’auteur est interpellé dans les quinze jours suivants, souvent grâce à un tuyau anonyme ou une erreur bête.
Pour l’heure, le village retient son souffle. Chaque nuit est une épreuve. Les habitants guettent le moindre reflet de LED dans l’obscurité, le moindre vrombissement discret d’un moteur électrique.
Châteauneuf-sur-Isère, si calme en apparence, porte désormais la marque d’une violence absurde et gratuite. L’histoire d’un homme en trottinette qui a transformé une nuit d’hiver en cauchemar collectif. Une histoire qui, espérons-le, trouvera rapidement sa conclusion devant la justice.
En attendant, les carcasses noircies rappellent à tous que la paix des villages n’est plus jamais totalement acquise.









