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Le Cousin du T-Rex Revient Enfin en Mongolie

Après 70 millions d’années sous le sable du désert de Gobi et plusieurs années dans les mains de trafiquants, un squelette presque complet du cousin asiatique du T-Rex vient d’être rendu à la Mongolie. Mais derrière ce retour triomphal se cache une réalité plus sombre…

Imaginez un géant carnivore de treize mètres de long, cousin direct du légendaire Tyrannosaurus rex, qui dort depuis 70 millions d’années sous les dunes brûlantes du désert de Gobi. Un beau jour, des mains malveillantes le déterrent, le découpent en caisses et l’expédient à l’autre bout du monde. Lundi dernier, ce scénario a connu une fin heureuse : la France a rendu à la Mongolie l’un des squelettes de Tarbosaurus bataar les plus complets jamais retrouvés.

Un trésor paléontologique de retour au bercail

Le crâne est impressionnant. Un crâne démesuré, des dents acérées comme des poignards, une patte avant à trois doigts encore articulée… Ce spécimen appartenait à l’un des plus grands prédateurs terrestres ayant jamais foulé la Terre. Près de 80 % du squelette est intact, une rareté absolue pour ce type de dinosaure.

La cérémonie de restitution s’est déroulée dans une atmosphère solennelle. Vingt-neuf fossiles au total ont été remis aux autorités mongoles, dont ce Tarbosaurus qui occupait évidemment la place d’honneur.

« C’est un acte d’amitié sincère entre la France et la Mongolie, pour que ces fossiles puissent continuer à inspirer les chercheurs, les jeunes générations et tous ceux qui se laisseront toucher par ces objets qui viennent de très loin »

Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics

Des œufs d’oviraptor presque intacts

Dans les neuf caisses saisies figuraient également des trésors tout aussi émouvants : des œufs d’oviraptor pondus par deux et retrouvés presque en l’état. De grands rectangles arrondis, couleur marron, avec encore leurs écailles visibles. On dirait presque qu’ils pourraient éclore demain.

Le lot comprenait aussi phalanges, métacarpes, vertèbres caudales, fémurs massifs, griffes courbées et deux squelettes complets de dinosaures plus petits. Un véritable musée clandestin.

Une saisie record en plein cœur de la France

Tout a commencé en 2015. Les douanes françaises, alertées par un renseignement, perquisitionnent les locaux d’une société basée dans le centre du pays. Ce qu’elles découvrent dépasse l’entendement : l’équivalent d’un musée entier de fossiles, venus non seulement de Mongolie, mais aussi du Brésil, de Madagascar, de Chine, du Liban, d’Italie ou de Turquie.

Certains spécimens provenaient même… du Muséum national d’histoire naturelle français, sans doute détournés autrefois. Les enquêteurs parlent d’un « réseau de contrebande internationale » avec commanditaires étrangers (dans ce cas précis, un Allemand) et intermédiaires français chargés de préparer les pièces avant revente à des collectionneurs très fortunés.

La voix de la Mongolie

« Je suis vraiment fière et reconnaissante envers toutes ces personnes qui ont contribué à lutter contre ce trafic illégal. C’est très important de voir revenir chez nous ces fossiles de dinosaures, c’est notre héritage culturel »

Undram Chinbat, ministre mongole de la Culture

Les fossiles rentreront en Mongolie avant la fin de l’année et seront exposés dans le tout nouveau muséum de sciences naturelles qui ouvrira ses portes en 2026. Pour la première fois, les Mongols pourront admirer chez eux l’un des joyaux de leur sous-sol.

Un trafic qui ne faiblit pas

Depuis un siècle, la Mongolie subit le pillage systématique de ses sites paléontologiques. Les découvertes exceptionnelles du désert de Gobi (nids d’œufs, squelettes en position de combat, bébés dinosaures) attirent les collectionneurs prêts à débourser des millions.

En 2020, un T-Rex complet s’est vendu 31,8 millions de dollars aux enchères aux États-Unis. Deux à trois squelettes de grands théropodes passent ainsi sur le marché chaque année.

En 2024, les douanes françaises ont saisi pas moins de 22 125 biens culturels, dont 104 fossiles. « Le trafic de fossiles, ça continue. Il ne faut pas se leurrer », confie un enquêteur.

Deux visages du trafic

Les profils sont variés :

  • Le passionné qui se laisse déborder et achète « juste un petit os » hors circuit légal
  • Le réseau criminel organisé avec fossoyeurs, transporteurs, préparateurs et revendeurs

Le directeur du renseignement douanier, Sébastien Tiran, parle de « milieux assez fermés » où la passion peut vite virer à l’obsession.

Pourquoi ce retour est historique

Ce n’est pas seulement un squelette qui rentre chez lui. C’est une partie de l’histoire de la Terre qui retrouve son pays d’origine. C’est aussi un signal fort envoyé aux trafiquants : les États coopèrent de plus en plus pour protéger le patrimoine scientifique mondial.

La Mongolie, longtemps démunie face à ces pillages, commence à voir ses trésors lui revenir. Le Tarbosaurus rendu lundi est l’un des plus complets jamais rapatriés.

Dans quelques mois, des enfants mongols poseront leurs mains sur les vraies dents de ce monstre du Crétacé. Ils comprendront que les dinosaures ne sont pas seulement des stars d’Hollywood : ils sont nés chez eux, dans le sable rouge du Gobi.

Et quelque part, sous les dunes, d’autres géants attendent encore qu’on les réveille… mais cette fois, pour les protéger.

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