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Debanking Politique : Mythe ou Réalité dans la Crypto ?

Des figures politiques crient au complot, la communauté crypto panique : les grandes banques ferment-elles vraiment les comptes pour raisons idéologiques ? Jamie Dimon et Bank of America jurent que non… alors pourquoi tant de sociétés crypto se retrouvent sans banque du jour au lendemain ? La réponse est plus nuancée qu’il n’y paraît…

Imaginez : vous vous réveillez un matin, vous ouvrez votre application bancaire et… plus rien. Compte fermé sans préavis. Pour des milliers d’entrepreneurs crypto, cette scène n’est pas un cauchemar, mais une réalité qui se répète depuis des années. Et quand des personnalités politiques commencent à crier au « debanking politique », la panique s’installe. Les banques sont-elles devenues des armes idéologiques ? Ou s’agit-il simplement de la routine brutale de la conformité ?

Le « debanking » : quand la peur dépasse la réalité

Ces dernières semaines, les réseaux sociaux crypto ont pris feu. Des captures d’écran de courriers de fermeture de compte, des threads rageurs, des accusations de censure financière… Le mot debanking est revenu en boucle, souvent accompagné de l’adjectif « politique ». Pourtant, du côté des grandes banques américaines, le discours est clair et unanime : cela n’existe pas.

Jamie Dimon, patron de JPMorgan, l’a répété à plusieurs reprises : « Nous ne fermons pas de comptes pour des raisons politiques ou religieuses. Point final. Bank of America a publié des communiqués dans le même sens. Alors, qui dit la vérité ?

Qu’est-ce qui se cache réellement derrière ces fermetures ?

Pour comprendre, il faut remonter à la source du problème : les obligations réglementaires. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, puis avec le renforcement du Patriot Act et les recommandations du GAFI, les banques sont tenues de mettre en place des dispositifs anti-blanchiment (AML) et de connaissance client (KYC) extrêmement stricts.

Concrètement, chaque établissement doit :

  • Identifier les clients à risque élevé
  • Surveiller les flux de transactions inhabituels
  • Rapporter les opérations suspectes aux autorités (FinCEN aux États-Unis)
  • Et, si nécessaire, rompre la relation commerciale

Or, la cryptomonnaie coche pratiquement toutes les cases du profil « haut risque » : volatilité extrême, pseudonymat partiel, utilisation avérée dans certains circuits illicites, juridictions grises… Résultat ? Les banques préfèrent souvent fermer le compte plutôt que de prendre le moindre risque d’amende.

Le précédent qui hante encore les mémoires : Opération Choke Point

Si la méfiance est si forte, c’est parce qu’un précédent existe. Entre 2013 et 2017, le département de la Justice américain a lancé l’Opération Choke Point, un programme officiellement destiné à couper le financement des commerces illégaux (prêts usuraires, pornographie, etc.).

Mais dans les faits, la pression exercée sur les banques a conduit à la fermeture massive de comptes dans une trentaine de secteurs jugés « à réputation risquée » – dont les vendeurs d’armes, les pawn shops… et les sociétés de cryptomonnaie. Le programme a été abandonné en 2017 après un scandale, mais le traumatisme est resté.

« Même si l’Opération Choke Point est terminée, les banques ont gardé l’habitude de fuir tout ce qui sent le risque réglementaire à dix kilomètres. »

Un ancien compliance officer d’une grande banque américaine

Pourquoi les crypto-entreprises trinquent-elles encore aujourd’hui ?

Plusieurs facteurs se combinent :

  1. Manque de clarté réglementaire – Tant que la SEC, la CFTC et l’OCC ne parlent pas d’une seule voix, les banques préfèrent ne pas s’aventurer.
  2. Coût de la conformité – Suivre des milliers de wallets, analyser des smart contracts, tracer des mixers… cela coûte extrêmement cher.
  3. Pression des régulateurs – Une seule amende de plusieurs centaines de millions (comme Binance ou Kraken) suffit à terrifier tout le secteur bancaire.
  4. Effet domino – Quand une banque ferme un compte, les autres suivent souvent par peur du « risque de contagion ».

Résultat ? Même des entreprises parfaitement clean, avec des équipes compliance solides, peuvent se retrouver sans banque du jour au lendemain.

Le cas des personnalités politiques : coïncidence ou complot ?

C’est là que le débat devient brûlant. Certaines figures conservatrices américaines affirment avoir été ciblées pour leurs opinions. Mais quand on creuse les cas publics, on découvre souvent que ces personnes ou leurs sociétés avaient des activités annexes dans des secteurs sensibles (crypto, armes, dons politiques massifs, etc.).

Le mélange des genres rend l’analyse difficile. Une personne peut à la fois être une figure politique clivante et diriger une entreprise crypto. La banque qui ferme le compte invoque alors la seconde raison, pendant que l’intéressé crie à la censure politique. Les deux versions peuvent être sincères… et fausses à la fois.

Les signaux qui laissent espérer un changement

Tout n’est pas noir. Plusieurs éléments positifs émergent :

JPMorgan, malgré les déclarations sceptiques de Jamie Dimon sur Bitcoin, a lancé sa propre blockchain Onyx et travaille activement sur des solutions stablecoins institutionnelles. Bank of America a créé une équipe de recherche crypto. Goldman Sachs et Morgan Stanley proposent désormais des produits dérivés Bitcoin.

Au niveau réglementaire, la nomination de Paul Atkins (pro-crypto) à la tête de la SEC et les propositions de loi comme le FIT21 laissent espérer un cadre plus clair en 2026.

À retenir : Le debanking existe bel et bien, mais il est avant tout économique et réglementaire, pas idéologique. Confondre les deux fait le jeu de personne.

Comment les entreprises crypto peuvent-elles se protéger ?

Voici les stratégies qui fonctionnent aujourd’hui :

  • Diversification bancaire – Avoir au moins 4-5 partenaires dans des juridictions différentes (USA, Singapour, Suisse, Émirats, Estonie…)
  • Transparence totale – Fournir spontanément les rapports d’audit on-chain, les politiques AML, les listes de contreparties
  • Banques spécialisées – Silvergate (avant sa faillite), Signature (idem), mais aussi Kraken Bank, Custodia Bank, ou les néobanques européennes comme Juno, Mercury (avec prudence)
  • Structures offshore intelligentes – Une fondation à Singapour ou aux Caïmans pour les flux internationaux, une LLC américaine pour les clients US
  • Communication proactive – Prévenir la banque avant tout changement majeur (levée de fonds, nouveau token, etc.)

Certaines sociétés vont jusqu’à embaucher d’anciens régulateurs ou compliance officers de grandes banques pour « parler le même langage ».

Conclusion : sortir de la paranoïa pour entrer dans la stratégie

Non, les grandes banques américaines ne passent pas leurs journées à traquer les comptes de crypto-entrepreneurs conservateurs. Oui, le dérisking massif existe et fait mal. La solution ne passe pas par des théories du complot, mais par une double action :

1. Pousser pour une régulation claire et raisonnable
2. Construire des ponts avec les institutions financières plutôt que de les diaboliser

Le jour où la cryptomonnaie sera perçue comme un secteur mature et conforme, le debanking deviendra un mauvais souvenir. En attendant, la vigilance reste de mise – mais sans tomber dans la panique.

Parce qu’au final, dans la finance comme ailleurs, c’est souvent la peur qui fait le plus de dégâts.

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