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RDC : L’Accord de Paix Violé Dès Le Premier Jour par Kigali

Jeudi, Tshisekedi et Kagame signaient à Washington un accord historique censé ramener la paix en RDC. Le lendemain, des bombardements frappaient déjà des écoles et des villages. Le président congolais parle de violation flagrante. La paix tiendra-t-elle une semaine ?

Imaginez la scène : deux chefs d’État se serrent la main devant les caméras du monde entier, un accord historique vient d’être ratifié sous les applaudissements, et on parle même de « miracle ». Quatre jours plus tard, des obus s’abattent sur des écoles et des villages à quelques centaines de kilomètres de là. C’est exactement ce qui vient de se produire entre la République démocratique du Congo et le Rwanda.

Un accord célébré… puis immédiatement bafoué

Jeudi dernier, à Washington, Félix Tshisekedi et Paul Kagame ont officiellement entériné un accord de paix négocié depuis juin. L’objectif affiché : mettre fin à des décennies de violences dans l’est de la RDC. L’accord comprend aussi un volet économique majeur : garantir aux États-Unis un accès privilégié aux minerais stratégiques (coltan, cobalt, lithium) dont regorge le sous-sol congolais.

Le président américain sortant a qualifié cette signature de « miracle ». Pourtant, sur le terrain, rien n’a changé. Pire : les combats se sont intensifiés dès le lendemain.

« Malgré notre bonne foi et l’accord récemment entériné, force est de constater que le Rwanda viole déjà ses engagements. Au lendemain même de la signature, des unités des forces de défense du Rwanda ont conduit et appuyé des attaques à l’arme lourde. »

Félix Tshisekedi, discours à la nation

Des combats qui n’ont jamais cessé

Dès le vendredi suivant la cérémonie, des bombardements ont touché plusieurs localités du Sud-Kivu. Des écoles ont été évacuées en urgence, des familles ont fui sous les obus. Le jour même où les deux présidents posaient pour la photo officielle, des enfants couraient pour sauver leur vie.

Depuis le 30 novembre, les affrontements entre le M23 – mouvement que les experts de l’ONU accusent d’être directement piloté par Kigali – et l’armée congolaise se sont multipliés. Des sources militaires rapportent des mouvements massifs de troupes et l’usage d’armes lourdes dans les environs de Luvungi et Sange, à une soixantaine de kilomètres au nord d’Uvira.

Le M23 contrôle déjà Goma (Nord-Kivu) depuis fin janvier et Bukavu (Sud-Kivu) depuis février. Après une accalmie relative au printemps, la nouvelle offensive vise clairement Uvira, dernière grande ville du Sud-Kivu encore sous contrôle gouvernemental.

Le Burundi entre en première ligne

Face à l’avancée du M23, Kinshasa peut compter sur un allié de poids : le Burundi. Environ 15 000 à 20 000 soldats burundais sont désormais déployés dans l’est de la RDC dans le cadre d’un accord de coopération militaire. Ces derniers jours, au moins vingt d’entre eux ont été tués dans les combats.

La prise d’Uvira par le M23 représenterait une menace directe pour Bujumbura, située juste en face du lac Tanganyika. Le président burundais Evariste Ndayishimiye avait été l’un des premiers à alerter sur le risque d’une guerre régionale.

Une crise humanitaire qui s’aggrave chaque jour

Le Comité international de la Croix-Rouge parle de « nombreux blessés et de déplacements massifs de population ». Des milliers de Congolais fuient vers le Burundi ou, paradoxalement, vers le Rwanda. Des journalistes sur place ont vu des familles traverser la frontière à pied, portant ce qu’elles pouvaient sauver.

Cette nouvelle vague de violence vient s’ajouter à trente ans de conflits qui ont déjà fait des millions de morts et des millions de déplacés. L’est de la RDC reste l’une des crises humanitaires les plus graves et les plus oubliées du monde.

Des minerais au cœur du conflit

Derrière les discours diplomatiques, il y a une réalité crue : l’est de la RDC regorge de minerais indispensables à l’industrie mondiale des smartphones, des voitures électriques et des armements. Cobalt, coltan, étain, or… Ces ressources attisent les convoitises depuis des décennies.

L’accord de Washington prévoyait justement de sécuriser cet approvisionnement pour les entreprises américaines, en échange d’une stabilisation de la région. Mais tant que les armes parlent plus fort que les traités, cet objectif reste lettre morte.

Vers une nouvelle guerre régionale ?

La présence massive de troupes burundaises, les accusations réciproques entre Kinshasa et Kigali, l’implication indirecte de grandes puissances pour les minerais… Tous les ingrédients d’un embrasement régional sont réunis.

L’ONU, l’Union africaine et plusieurs chancelleries occidentales appellent au calme, mais sur le terrain, chaque camp accuse l’autre de saboter la paix. Le M23 dénonce « l’ingérence burundaise dans un conflit purement congolais », tandis que Kinshasa pointe la responsabilité directe du Rwanda.

Une chose est sûre : à l’allure actuelle, l’accord de Washington risque de n’être qu’un énième bout de papier sans effet. Et pendant ce temps, ce sont les populations de l’est de la RDC qui paient le prix fort.

En résumé : Un accord de paix signé en grande pompe, immédiatement violé selon Kinshasa. Des combats qui s’intensifient au Sud-Kivu. Des milliers de nouveaux déplacés. Et toujours les mêmes minerais au cœur des enjeux. Trente ans après le génocide rwandais, la région des Grands Lacs reste un baril de poudre.

La question que tout le monde se pose désormais : qui va réussir à éteindre l’incendie avant qu’il ne devienne incontrôlable ?

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