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Meurtre à Rennes : Le Procès S’ouvre pour l’Assassinat d’Hamzat Labazanov

Ce lundi 8 décembre 2025 s’ouvre à Rennes le procès du meurtre d’Hamzat Labazanov, abattu en pleine rue à Cleunay en 2021. La victime ? Un homme déjà condamné pour avoir étranglé un collégien de 13 ans. Derrière les tirs : un conflit explosif autour d’un point de deal. Qui a vraiment appuyé sur la gâchette ?

Le 17 mars 2021, en plein après-midi, le quartier de Cleunay à Rennes bascule dans l’effroi. Devant le petit Carrefour City qui fait office de cœur battant du coin, des coups de feu claquent. Un jeune homme s’effondre, touché à la tête. Son frère tente de fuir, une balle dans la hanche. Vingt-quatre heures plus tard, Hamzat Labazanov, 22 ans, est déclaré en mort cérébrale. Quatre ans et demi après, ce lundi 8 décembre 2025, trois hommes comparaissent devant la cour d’assises d’Ille-et-Vilaine. L’affaire est lourde, complexe, et elle charrie avec elle des années de violence, de trafics et de rancœurs.

Un quartier sous tension permanente

Cleunay, comme tant d’autres quartiers populaires, vit depuis longtemps au rythme du deal. Le point de vente situé devant le Carrefour City est historiquement tenu par un homme surnommé « La Chèvre ». Un business qui rapporte, attire les convoitises et, inévitablement, génère des conflits. Quelques semaines avant la fusillade fatale, des habitants remarquent l’arrivée d’un nouveau groupe. Des hommes « d’Europe de l’Est », dit-on. Des Tchétchènes, selon les témoins. Leur mission ? « Sécuriser » le point de deal, expliquera plus tard une commerçante aux enquêteurs.

Dans ce contexte déjà électrique, la moindre étincelle peut tout faire exploser. Et c’est précisément ce qui se produit ce 17 mars.

La fusillade : « Nous, c’est Villejean, on tire tous les jours ! »

Vers 13 h 45, deux frères, Hamzat et Souleiman Labazanov, discutent devant le magasin. Un individu s’approche. Les mots fusent. Puis la phrase, lourde de menaces : « Nous, c’est Villejean, on tire tous les jours ! ». Quelques secondes plus tard, l’homme sort une arme et tire à plusieurs reprises. Hamzat s’écroule. Son frère tente de s’enfuir, blessé. Le tireur prend la fuite, mais pas pour longtemps.

Les policiers, déjà sur le qui-vive après des tirs survenus quatre jours plus tôt à Saint-Jacques-de-la-Lande avec la même arme, bouclent le quartier. Les images de vidéosurveillance, les témoignages, les vêtements photographiés par une passante : tout concourt à identifier rapidement les suspects.

Trois hommes dans le box

Banffa X., 11 mentions à son casier judiciaire, est interpellé rapidement. Il reconnaît avoir été présent à Saint-Jacques-de-la-Lande lors des tirs précédents, mais jure qu’il n’était pas à Cleunay le jour du meurtre. Sa version ? Un « poto » lui aurait prêté la doudoune retrouvée maculée de résidus de tir… après les faits.

Saraba X. et Lansana X. sont arrêtés peu après. L’ADN de ce dernier est retrouvé sur le col et le poignet droit de la fameuse veste. Les enquêteurs les présentent comme le tireur et ses complices directs. Reste à la cour à démêler les rôles exacts de chacun : qui a tenu l’arme ? Qui a couvert ? Qui a organisé ?

« On veut stopper toutes les guerres, les Tchétchènes sont du quartier eux », confiera une habitante aux journalistes le jour même.

Hamzat Labazanov : une victime au passé dramatique

Si le mot « victime » est employé ici, il prend une résonance particulière. Car Hamzat Labazanov n’était pas un inconnu des tribunaux. En 2017, sous le prénom de Souleiman, il avait été condamné à cinq ans de prison ferme par la cour d’assises des mineurs de Rennes. Son crime ? Avoir étranglé Kylian, un collégien de 13 ans, dans la cour du collège de Cleunay en 2012.

L’affaire avait bouleversé la ville. Une banale altercation entre deux adolescents qui dégénère. Une clé d’étranglement. Kylian qui perd connaissance, transporté en urgence, puis déclaré mort dans la nuit. Souleiman, 16 ans à l’époque, avait été jugé comme mineur. Il était sorti de prison quelques années plus tard… pour revenir dans le même quartier.

Ce passé judiciaire pèsera forcément dans les débats. Peut-on parler de « justice immanente » ? Certainement pas aux yeux de la loi. Mais dans l’inconscient collectif, le destin tragique d’Hamzat Labazanov renvoie inévitablement à celui de Kylian.

Un procès sous haute tension

À l’ouverture des débats, l’ambiance est lourde. Familles, amis, membres des deux communautés se croisent dans les couloirs du palais de justice. Les forces de l’ordre sont discrètement renforcées. Car au-delà du drame individuel, c’est toute la question de la guerre des territoires et de l’impuissance face à la montée de la violence armée qui resurgit.

Les avocats de la défense devraient insister sur les zones d’ombre : qui contrôlait réellement le point de deal ? Pourquoi cette escalade aussi rapide ? Les parties civiles, elles, attendent que justice soit rendue pour les frères Labazanov, mais aussi, en filigrane, pour Kylian et sa famille qui, neuf ans après, n’ont jamais vraiment tourné la page.

Cleunay, symbole d’une violence qui ne recule pas

Cleunay n’est pas un cas isolé. Ces dernières années, les fusillades liées au trafic de stupéfiants se sont multipliées dans les quartiers populaires français. Arme de guerre, expéditions punitives, règlements de comptes en plein jour : le niveau de violence a franchi un cap inquiétant.

Les habitants, eux, oscillent entre résignation et colère. « On a peur, mais on n’a pas le choix, on vit ici », confient certains. Les associations de quartier tentent de maintenir le lien, mais la défiance envers les institutions grandit. Et chaque nouvelle affaire ravive le sentiment que l’État a perdu la main sur certains territoires.

Ce procès ne résoudra rien de tout cela. Il dira simplement qui, ce 17 mars 2021, a appuyé sur la gâchette. Et pour combien de temps ces trois hommes – ou certains d’entre eux – quitteront la lumière du jour.

Mais derrière les peines prononcées, il restera cette question lancinante : combien de Kylian, combien de Hamzat, combien de familles brisées avant que l’on ne trouve, enfin, une réponse durable à la spirale de la violence ?

Le verdict est attendu en fin de semaine. D’ici là, Rennes retient son souffle.

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